En Vendée, des ostréiculteurs pouvaient tirer sur les goélands : vers la fin de l’autorisation ?
France Nature Environnement (FNE) a demandé au tribunal d’annuler les arrêtés préfectoraux qui avaient autorisé des ostréiculteurs à tirer sur les goélands.
France Nature Environnement (FNE) a demandé au tribunal administratif de Nantes, ce mardi 16 avril 2024, d’annuler les arrêtés préfectoraux qui avaient autorisé le 14 septembre 2020 les producteurs d’huîtres et de moules de la baie de Bourgneuf et de la baie de l’Aiguillon à tirer sur les goélands argentés et leucophées.
Les conchyliculteurs avaient précisément obtenu une « dérogation » au principe d’interdiction de destruction de ces deux espèces protégées au-dessus de leurs élevages de Bouin, Barbâtre, La Guérinière, Noirmoutier-en-l’Île, L’Aiguillonsur-Mer, La Faute-sur-Mer et La Tranche-sur-Mer. Le préfet de la Vendée avait ainsi entendu « prévenir les dommages importants » causés par ces oiseaux sur la « production mytilicole locale ».
Le Comité régional de la conchyliculture (CRC) des Pays de la Loire évalue en effet à « entre 10 et 30 % » la perte de production due à « la prédation » des goélands « entre juin et octobre ». Les filets et les « méthodes d’effarouchement » lui semblent « peu efficaces », souligne le CRC.
L’association de défense de l’environnement, pour sa part, a fait valoir aux juges nantais que la « consultation » de la population locale autour de ces arrêtés préfectoraux avait été « irrégulière ».
« Pas de solution alternative » aux tirs sur les goélands
Et « nous partageons ce constat », a d’emblée indiqué le rapporteur public lors de l’audience, ce mardi 16 avril 2024. « Cela a été de nature à priver le public de la possibilité de former des observations adéquates », a convenu le magistrat.
France Nature Environnement a également fait observer que la préfecture de la Vendée « affirme de façon péremptoire » qu’il n’existe « pas de solution alternative » aux tirs sur les goélands pour protéger la production locale de moules et d’huîtres. Or les données sur lesquelles les services de l’Etat s’appuient pour justifier ces « dérogations » semblent effectivement « un peu datées », du point de vue du rapporteur public.
Une mortalité d’abord due à la « pollution des eaux »
Le magistrat, dont les avis sont souvent suivis par les juges, a donc préconisé d’annuler a posteriori les arrêtés du préfet de la Vendée et de condamner l’Etat à verser 1.000 € à FNE pour ses frais de justice.
L’irrégularité de la procédure
Benjamin Hogommat, le juriste de l’association, était présent à l’audience du tribunal administratif de Nantes avec Yves Le Quellec, président de l’association au moment des faits. Il a dit « partager évidemment » les conclusions du rapporteur public sur l’irrégularité de la procédure, qui a été « de nature à nuire à la discussion et à la compréhension » de la portée de ces décisions administratives.
« Ni la réalité, ni l’ampleur des prédations ne sont mises en évidence : il n’y a que des études sur le ressenti des producteurs, à l’exclusion de toute donnée chiffrée », a ajouté Benjamin Hogommat à l’attention des trois juges nantais. « Les données ne sont pas non plus à l’échelle des deux bassins : une étude porte sur un autre département que la Vendée, et une autre sur l’ensemble des producteurs de la région. »
Pollution des eaux et problèmes de météo
La mortalité des moules et huîtres vendéennes provient en réalité de « problèmes multi-factoriels » : ils sont « très fortement liés à la pollution des eaux » et aux « problèmes météorologiques ».
« La prédation des goélands, si elle existe, est nécessairement anecdotique », a assuré le juriste.
Seulement quelques dizaines de tirs
Il en veut pour preuve qu’il n’y a eu finalement que « quelques dizaines » de tirs sur des goélands en 2020, alors que les arrêtés préfectoraux en permettaient « plusieurs centaines ». « On est sur une espèce menacée, et qui régresse d’année en année... Il y a un vrai enjeu en termes de protection », a-t-il aussi assuré. Le tribunal, qui a mis son jugement en délibéré, rendra sa décision dans un mois environ.