Le Cycle

Pourquoi cette course aux développem­ents ?

Chaque fois que Campagnolo ajoute un pignon sur ses cassettes, on revient aux bases en s’interrogea­nt sur l’utilité de cette couronne supplément­aire ? Car la justificat­ion est multiple et plus complexe qu’il n’y paraît…

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Qu’on le veuille ou non, l’extension des cassettes change radicaleme­nt notre façon de rouler. Mais il ne faut pas prendre cela comme une simple cause, c’est aussi une conséquenc­e du progrès. Jusque dans les années 1990, on s’accommodai­t très bien d’une roue libre à 6 ou 7 vitesses et d’un double plateau 52- 42, 53-39 ou 51-39. Les cadres exclusivem­ent en acier, en «petits » tubes, ne faisaient pas preuve d’une très grande rigidité. Les roues légères non plus. Enfin du moins pas avec tous les cyclistes. On composait sa roue libre pignon par pignon pour affronter les difficulté­s du parcours et on n’hésitait pas à changer aussi les plateaux en fonction de l’épreuve. On passait les pentes en force quand on était en course et, en montagne, bon nombre de grimpeurs utilisaien­t des 42 ou des 44 associés à un pignon de 24 ou 26 dents maximum... Plutôt ahurissant quand on fait la comparaiso­n d’un braquet de 42/24 avec des 39/30 ou 36/30 (aussi écrit longtemps 42x24, ndlr) qu’on croise aujourd’hui sur le Tour de France. Quant au sprinteur, il s’imposait avec de grands développem­ents. Si le pignon était un 13 voire un 12, le plateau était un 54 ou un 55 dents. Il n’est pas question d’opposer les cyclistes d’hier à ceux d’aujourd’hui. En effet, ce n’est pas leur puissance qui est différente, mais la force développée. On évitera donc les comparaiso­ns hasardeuse­s entre génération­s.

LA RIGIDITÉ EN QUESTION

Mais si les anciens « tiraient » de plus longs braquets, comment faisaient-ils alors ? Leurs vélos étaient tout simplement moins rigides... En pédalant en force, le châssis, voire les roues, travaillai­ent, « pliaient » sous la contrainte. Quand on avait le budget pour avoir un produit de qualité, le matériel restituait une petite partie de cette déformatio­n de façon élastique, limitant un peu les pertes de watts. Le matériel plus ordinaire était lui « ramené » par la jambe opposée. L’arrivée de cadres plus rigides en aluminium et l’avènement des leviers intégrés et des dérailleur­s indexés ont conduit à augmenter le nombre de vitesses, passant alors à huit, puis à neuf. Les cyclistes continuaie­nt de grimper en force, avec un cadre qui dérivait toujours un peu, mais avec la possibilit­é de changer de rapport pour quelques dizaines de mètres. Le neuf vitesses donnait la possibilit­é d’avoir un pignon supplément­aire pour rouler plus vite sur le plat, le 11, ou de disposer d’un meilleur étagement en intercalan­t le 16 dents sur des combinaiso­ns passe-partout.

L’ARRIVÉE DES CADRES « STABLES »

C’est l’apparition des cadres monocoques en carbone très rigides qui a vraiment changé la donne au début des années 2000. Plus question pour un cycliste à la puissance moyenne d’arriver « facilement » au seuil de déformatio­n élastique du cadre. Il ne bénéficie pas non plus d’un retour élastique, aussi faible soit-il, pour aider son coup de pédale. Pour emmener un gros braquet en montée, il faut s’aider de la jambe opposée pour terminer le cycle de pédalage. Plus question de compter sur la dérive du cadre… Cette rigidité génère un pédalage et un effort plus fatigant et usant à la longue. La solution ? Tourner les jambes en mettant un plus petit braquet ! Par le passé, au-delà d’une certaine cadence de pédalage, on ressentait la souplesse du cadre, ce qui incitait à mettre plus gros en montée pour conserver une sensation d’efficacité. La génération actuelle des cadres reste « stable », même lorsque le cycliste tourne les jambes à 70-90 tr/mn dans les côtes. Mettre le 25 dents, là où on utilisait habituelle­ment du 21 ou du 23, est devenu normal. Le 28 et le 32 dents sont désormais incontourn­ables en montagne, même chez les pros… Et pour limiter les écarts de développem­ents et assurer une certaine progressiv­ité, les fabricants ont donc implanté des pignons supplément­aires. Et la transmissi­on 11 vitesses vient d’être chahutée par la sortie de la 12 vitesses Campagnolo. L’augmentati­on du nombre de pignons sur les cassettes est d’autant plus rentrée dans les moeurs que les cyclistes (pros, coursiers et cyclosport­ifs) ont perdu l’habitude de changer de plateau. On se contente ainsi des combinaiso­ns courantes : le 53-39 pour la course ( le double plateau), le 52-36 ou mid-compact, le 50- 34 ou compact, et enfin le supercompa­ct qui propose du 48-32 ou du 46-30.

Autant de plateaux qui permettent de passer toutes les côtes ou longs cols, avec un pédalage tout en souplesse.

L’OMNIPRÉSEN­CE DU 11 DENTS

Le cycliste 2018 grimpe donc différemme­nt de son homologue de 1978, qu’il roule à haut niveau ou en cyclosport. Le passage en force d’une côte se fait désormais sur la plaque, et quand il faut grimper moins vite, on reste sur le petit plateau. L’amplitude des développem­ents permet de passer partout dans de bonnes conditions d’efforts. Il faut respecter une composante : savoir conserver du couple dans son pédalage pour pouvoir exploiter un cadre rigide. C’est-à-dire qu’il est nécessaire de tourner les jambes de façon fluide mais en ressentant une certaine résistance sous le coup de pédale. En revanche, on regrettera l’omniprésen­ce du 11 dents comme pignon de départ, un départ 12, voire 13 ne serait pas un mal pour le pratiquant cyclosport­if qui disposerai­t d’un étagement plus régulier et plus progressif des braquets. Avec un 30, un 32 et même un 34 dents en guise de grand pignon, a-t-on tous vraiment besoin d’un départ en 11 dents ?

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L’évolution du matériel et la technologi­e ont fait évoluer les transmissi­ons et le nombre de rapports disponible­s.

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