Le Cycle

La montagne écrase le chrono

- Par J. Pessac

La course, qui s’élancera le 7 juillet de Noirmoutie­r-en-l’Île, en Vendée, sera longue de 3 329 km. À l’inverse du contre-la-montre, elle fait la part belle à la montagne avec six étapes, dont une arrivée inédite au col de Portet (2 215 m). Mais juste avant les Alpes, les grimpeurs peuvent perdre gros sur les pavés de Paris-Roubaix…

Lors de la présentati­on du Tour de France à l’automne dernier, le visage de Chris Froome s’était raidi au fur et à mesure que le relief du parcours du Tour 2018 défilait sous ses yeux, dans les Alpes, puis dans les Pyrénées. La haute montagne lui convient, nous le savons tous. Mais le Britanniqu­e n’aura jamais eu les énormes avantages offerts en leur temps à Miguel Indurain ou Lance Armstrong : suffisamme­nt de kilomètres en contre-la-montre pour assommer leurs rivaux avant de les contrôler dans les cols. Cet été, le chrono sera à nouveau réduit à sa portion congrue, mais cette fois, pas d’agacement chez Froome, contrairem­ent à sa petite phrase qui avait fait du bruit ( « Je ne suis

pas sûr de courir le Tour » ) lorsqu’il avait constaté la faible part réservée à cette discipline sur le Tour 2015. Il s’est habitué à cette situation depuis trois ans, le public aussi. Pour les organisate­urs, le but est de maintenir le suspense le plus longtemps possible – ce qu’ils réussissen­t généraleme­nt très bien –, et cela passe par une réduction du kilométrag­e des chronos. Ils ont aussi à l’esprit que cette discipline donne les audiences télévisées les moins bonnes de juillet. Sauf lorsque le sort de la course reste indécis, comme ce fut le cas l’an dernier jusqu’au Stade Vélodrome, à Marseille. Les rouleurs n’auront que 31 km de chrono individuel à se mettre sous les dents du gros plateau (cela n’encouragea­it pas T. Dumoulin de tenter sa chance, mais après son échec sur le Giro, il pourrait venir sur le Tour) : un parcours accidenté, dans les collines du Pays basque, où Romain Bardet pourra limiter la note. Plus un chrono par équipes (35 km) autour de Cholet, au troisième jour de la course, où les Sky seront à leur affaire, même si la réduction de 9 à 8 coureurs diminuera leur emprise. Voilà un autre sujet qui ne plaît pas aux grandes armadas confrontée­s à une équation assez compliquée : faut-il « sacrifier » un rouleur ou un grimpeur ? Le rouleur sera indispensa­ble pour le chrono par équipes et sa présence est requise 22 Le Cycle // N° 497 // Guide du Tour de France 2018 lors de l’étape des pavés jusqu’à Roubaix (sans entrer dans le vélodrome). Mais face à ce Tour très montagneux, comme se passer d’un grimpeur supplément­aire ? L’approche de la Grande Boucle ressemble à un jeu d’échecs dont les pions pourraient voler en éclats du côté de Bersée, d’Ennevelin ou de Camphin-en-Pévèle où sur 154 km la vitesse sera supérieure à celle d’un « traditionn­el » Paris-Roubaix (100 km de plus), car il n’y aura pas le même phénomène d’usure… Oui, toutes les stratégies pourraient être emportées par cette grosse dose de pavés (21,7 km, un record depuis 1981). À considérer, également, cet enchaîneme­nt montagneux, quarante-huit heures plus tard, entrecoupé d’un transfert et d’un lundi de repos dans les Alpes. Quelle réaction physiologi­que après une journée off ? Quelle adaptation au changement sensible de braquets ? Deux interrogat­ions qui suscitent la crainte chez les coureurs !

LES COUREURS DE CLASSIQUES MIEUX LOTIS QUE LES SPRINTEURS

La Vendée retrouve le Grand Départ sept ans plus tard. En un quart de siècle, elle l’a accueilli à quatre reprises, ce qui constitue un record pour un départemen­t. Après le contre-lamontre par équipes de Cholet (3e étape), la course se transporte en Bretagne. Elle retourne à Mûr-de-Bretagne (Alexis Vuillermoz y avait dominé Froome à la surprise générale, en 2015) et emprunte de petites routes accidentée­s où Thierry Gouvenou, le directeur de l’épreuve, « voi[t] très bien Alaphilipp­e se battre avec Sagan et Van Avermaet pour le maillot jaune. Dans l’esprit, nous avons dédié les neuf premiers jours aux coureurs de Classiques. Il y a un risque de vent le premier jour en Vendée, deux étapes pour les puncheurs en Bretagne, la possibilit­é d’avoir du vent en Picardie, puis l’étape des pavés…, énumère cet expert des parcours chez Amaury Sport Organisati­on. Les hommes de Classiques seront mieux servis qu’en 2017 et les sprinteurs moins bien lotis » , conclut-il. Les Alpes se présentent entre nouveauté et classicism­e à travers trois étapes, dont deux s’achevant sur sommet. La nouveauté, c’est la traversée du plateau des Glières, haut lieu de la Résistance, une montée abrupte de 6 km, dont les 2 derniers sont en terre. Ce passage est situé trop loin de l’arrivée de la 10e étape (classique, celle- là, au GrandBorna­nd, par le col de la Colombière) pour être décisif. Cependant, il peut tracasser les leaders. Le lendemain, l’arrivée de la 11e étape est inédite dans la station de la Rosière (1 855 m). Pour y accéder, la longue pente (17,6 km) n’a rien de redoutable (5,8 % en moyenne), mais l’idée de format réduit reconduite en 2018 dynamisera cette étape. Avec un retour au classicism­e le lendemain : une grande étape alpestre avec la Madeleine, la Croix de Fer et l’Alpe d’Huez, deux géants et un mythe, une trilogie exceptionn­elle totalisant 70 km de

montée ! Puis viendra l’heure des baroudeurs dans la descente vers la vallée du Rhône (Valence) et la traversée du sud du Massif central (montée vers Mende et Pic de Nore avant Carcassonn­e) au commenceme­nt d’une redoutable troisième semaine.

UNE ÉTAPE REINE DE 65 KILOMÈTRES !

La 16e étape servira d’entrée au copieux menu pyrénéen, par le col de Menté et la descente du Portillon (petite incursion en Espagne, la seule à l’étranger de cette 105e édition) avec l’arrivée à Bagnères-de-Luchon. Pour le plat de résistance, le Tour a renouvelé sa carte. Connaissez­vous le col de Portet qui prolonge la montée de Saint-Lary-Soulan ? Les cyclos sont conviés à découvrir ses 16 km à presque 9 % de moyenne les 7 et 8 juillet sur une route rénovée. Cette ascension plus raide, plus longue et plus haute que l’Alpe d’Huez, constitue le feu d’artifice d’une nouvelle étape courte. Et même très courte ! Seulement 65 bornes. « Un format

dynamique pour une étape dynamite » , selon le jeu de mots de Christian Prudhomme, le patron du Tour. Sans doute même l’étape reine avec une succession de côtes infernale avec Peyresourd­ePeyragude­s, Val Louron et le Portet, où « les leaders seront rapidement confrontés les uns aux autres, ça va rendre la course encore plus excitante » , relève Romain Bardet. Le col de Portet est annoncé comme un nouvel épouvantai­l. Songez qu’il constitue le « Toit » du Tour (2 215 m) pour sa première apparition dans l’épreuve ! Ce Portet resté pendant un siècle dans l’ombre de son célèbre voisin est un « Tourmalet bis », compare Prudhomme. Deux jours plus tard, la dernière étape de montagne reprendra un parcours plus traditionn­el avec ce bon vieux Tourmalet et l’Aubisque au pied duquel l’arrivée sera jugée à Laruns. Il restera un contre-la-montre rural dans le Pays basque avec le petit col de Pinodieta (2 km), jusqu’à Espelette pour pimenter la fin. De la Bretagne au Pays basque, le Tour privilégie les bords de l’Atlantique. Cela faisait longtemps que la Grande Boucle ne s’était étirée jusqu’à des extrêmes de l’Hexagone : Brest à l’ouest, Roubaix au nord, Saint-Pée- surNivelle au sud- ouest. Vous avez sans doute remarqué son décalage d’une semaine (départ le 7 juillet au lieu du 30 juin). Un choix destiné à limiter la puissante concurrenc­e de la Coupe du monde de football en Russie. Sa finale aura lieu le dimanche 15 juillet et son coup d’envoi juste après que les coureurs en auront fini avec les pavés…

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La campagne alpestre offrira au peloton trois belles étapes, à l’image de celle de 2016 entre Berne et Finhaut-Émosson.
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