HAUTS-DE-FRANCE
Denis Cottin
S’il est devenu cycliste sur un tard après s’être lié d’amitié avec Frank Vandenbroucke, Denis Cottin n’est pas un inconnu dans le paysage sportif nordiste. Après s’être bâti un beau petit palmarès chez les amateurs, on retrouvait son nom au palmarès du Ch’ti Bike Tour voici une douzaine d’années, période où il se signalait aussi par une 23e place sur l’étape du Tour. Alors que tout semblait sourire à ce quinquagénaire qui mord la vie à pleines dents, un drame terrible le secoua le 17 octobre 2016 quand son fils Nicolas, 15 ans, perd la vie dans un accident de vélo.
« Sur le chemin de l’école, comme une soixantaine d’autres personnes par an en France, il s’est fait faucher par un train sur un passage à niveau mal sécurisé. En arrivant en gare de Wavrin, il n’a sans doute pas vu la demi-barrière fermée et est passé. Tout s’est alors effondré autour de moi. J’ai arrêté le sport, repris la cigarette et vécu une période noire jusqu’au moment où le déclic s’est produit. J’ai alors décidé de me battre pour que cette mort stupide serve à quelque chose », se souvient ce père meurtri qui va trouver son salut par le sport. Avec l’aide de quelques proches, Denis crée alors l’association Nicolas Forever avec l’intention de sensibiliser la SNCF et les pouvoirs publics sur la dangerosité des passages à niveau. « Quand Nicolas a perdu la vie à Wavrin, il était déjà la troisième victime au même endroit en huit ans. On s’est dit qu’il fallait faire changer les choses et surtout mettre la pression sur les mairies et les pouvoirs publics pour réaliser des aménagements. » Pour mettre son combat en avant, Denis Cottin se lance dans un pari fou: couvrir le Tour de France deux jours avant le passage des professionnels.
« C’était un objectif complètement insensé qui a nécessité une très grosse préparation. Depuis le mois de janvier, j’ai couvert 17000 bornes pour être prêt en août. Malgré le confinement, j’ai perdu 20 kg et je pense avoir tout donné pour être en condition le jour J. Les 11 premiers jours, j’avais la chance d’être accompagné par un ami qui était hélas un peu moins préparé que moi et qui a souffert. Le dénivelé du parcours étant assez exigeant, je pensais que j’allais vraiment souffrir plus mais j’étais animé par une espèce de foi qui m’a permis de me surpasser.
J’ai aussi fait attention à la récupération en prenant des douches d’eau froide et en allant me coucher le plus tôt possible. Et puis, je m’étais octroyé un joker en m’offrant un jour de repos supplémentaire par rapport aux professionnels. » Denis va alors obtenir le soutien de quelques proches durant la deuxième partie d’un Tour où la défense de sa cause le motive plus que jamais: « Je n’ai hélas pas obtenu tout le retentissement médiatique espéré, mais les journaux régionaux ont souvent parlé de mon défi. Le moment le plus fort est certainement mon arrivée à Laruns, dans les Pyrénées, où j’étais attendu par une fanfare et un speaker avant d’être invité par le maire après 175 bornes d’une étape très difficile. Dans d’autres communes, j’ai également pu rencontrer les familles d’autres victimes d’accidents tragiques. » Avec au final d’excellentes nouvelles qui ont donné un sens au combat de l’association:
« Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-france, a mis en place des réunions pour faire bouger les choses et prévoir notamment des travaux à la gare de Wavrin. La SNCF a compris qu’il était indispensable de sécuriser le site, ce qui nous montre aussi que la situation est étonnante, le site étant considéré comme sûr il y a quelques mois avant d’être soudainement prioritaire. Évidemment, il n’y aura jamais assez de morts pour faire bouger les choses, et nous avons assez de raisons pour continuer à nous battre car il reste bien des sites à sécuriser. » Si le combat continue, Denis Cottin, qui termine la saison avec 28000 bornes au compteur, n’entend pas arrêter le vélo: « J’ai pas mal de projets sportifs dont celui de couvrir un Tour d’espagne dans les années à venir. En 2021, j’espère continuer à prendre du plaisir sur les routes en allant rouler avec des coureurs pros belges comme Kenny Molly et Jonas Castrique, et j’envisage disputer quelques granfondos. » Des objectifs sains qui lui permettront de mettre en avant la cause qu’il défend tout en pensant quotidiennement à Nicolas.