Pneumatiques et pressions
Aussi libératrice et ludique que puisse être la pratique du gravel, celle-ci peut apporter son lot de complexités au moment de choisir le matériel adapté, surtout en ce qui concerne les modèles de pneumatiques et leur pression.
L’alternance de portions sur la chaussée faisant suite à des chemins dénués d’asphalte va confronter les pratiquants à des problématiques inhérentes à diverses disciplines telles que le VTT cross-country, le cyclo-cross ou encore la route pour ne citer qu’elles. Ces questionnements vont porter sur différents chapitres du matériel utilisé, et bien évidemment les pneumatiques n’y échapperont pas. Mais alors comment cette simple partie de caoutchouc peut susciter autant de débats au moment de l’installer sur son vélo ? Nous avons essayé de regrouper les interrogations auxquelles chacun de nous va être confronté lorsque le moment de choisir ses pneus est arrivé. Pour nous aider à y répondre, nous avons sollicité Alain Delcourt, développeur produit vélo de route chez Michelin.
>> LARGEUR DES PNEUS
« La largeur dépend du type de terrains rencontré. Les fortes sections de pneumatiques seront à privilégier pour les usages off-road et off-road engagé », indique-t-il. Influençant à la fois le confort, le rendement et l’adhérence, la largeur des pneus est aussi appelée la section. Si vous avez plutôt tendance à rouler davantage en dehors du bitume, voire à emprunter des chemins plus aventureux, les fortes sections telles que celles de 45 mm pour le G-one Allround de Schwalbe, le Rambler de Maxxis ou encore le Michelin Power Gravel en 47 mm seront de bonnes options. « Cela permettra d’obtenir une meilleure adhérence mais aussi d’absorber au maximum les chocs », précise notre interlocuteur de chez Michelin. De manière générale, les vélos de gravel ne disposant pas de suspensions contrairement aux VTT, une grande partie du confort sera concernée par ce paramètre. Attention cependant à vérifier quel encombrement maximum votre machine peut admettre, car toutes les montures n’acceptent pas les mêmes largeurs. En effet, on trouve des sections de 33 mm mais pouvant aussi culminer jusqu’à 57 mm comme le propose Schwalbe. Votre niveau de pratique a également une influence puisque la stabilité et l’adhérence seront impactées. Par conséquent, avec l’augmentation de votre expertise, vous pourrez faire
progressivement l’impasse sur ces deux notions pour gagner en rendement. Enfin, le développeur produit ajoute à ce sujet: « Il peut être intéressant d’opter pour une monte dissociée entre l’avant et l’arrière. Avec un pneumatique plus conséquent à l’avant, l’absorption des chocs n’en sera que meilleure et vous gagnerez également en maintien et en stabilité dans les appuis et les prises de trajectoire. » En revanche, les pneumatiques de faibles sections tels que les 33 mm sont à préconiser pour des usages dans la boue liquide ou en cyclo-cross (norme UCI).
>> PRESSION DES PNEUS
Cette donnée va être directement dépendante de différentes variables telles que le type de terrains rencontré, le poids du cycliste, la section des pneumatiques, le montage choisi (tubeless ou chambre à air), mais aussi du matériel emporté. Il est effectivement courant de voir certains pratiquants équipés de sacoches. Ce supplément de poids doit ainsi être pris en considération au moment de gonfler vos pneumatiques. Alain Delcourt nous livre également quelques précieux conseils: « Si vous roulez davantage sur la route, la pression devra être augmentée d’environ 1 bar de plus que celle utilisée en off-road afin de privilégier la résistance au roulement et atténuer l’effet de pompage. Concrètement, si l’on devait définir des valeurs chiffrées, des pressions de 3 à 4 bars sont adaptées. Lorsqu’on bascule sur une dominante plutôt off-road, le choix d’insuffler entre 2 et 3 bars s’avère plus pertinent et permet d’optimiser l’adhérence et le confort. » De manière générale, on peut faire un lien entre section de pneus et gonflage selon lequel plus la largeur augmente et plus la pression d’usage diminue. Enfin, votre niveau technique vous permettra également de compenser une pression plus élevée pour atténuer la résistance au roulement tout en compensant la perte d’adhérence.
>> STRUCTURE DES PNEUS
Bien que le montage en chambre à air soit possible, il est préférable d’avoir recours à un montage en tubeless ready afin d’éviter les pincements lors des chocs et limiter le risque de crevaison grâce au liquide de préventif utilisé. L’autre avantage de cette technologie est de laisser la place suffisante pour disposer une mousse antipincement telle que les Cushcore dont l’usage est très répandu en VTT. Comme son nom l’indique, cette dernière donnera alors accès à des pressions très basses tout en palliant les déformations excessives du pneu et en absorbant avantageusement les chocs. Par conséquent, le type de montages permet logiquement d’utiliser des pressions plus basses en cas de besoin. La déformation du pneu est également plus fluide et efficace pour l’adhérence. « Il faut aussi veiller à sélectionner des pneus avec un renfort qui permet de protéger la bande de roulement mais également le flanc du pneu », met en garde notre intervenant de chez Michelin. On retrouve ainsi le Bead 2 Bead Protek sur le Michelin Power Gravel, la technologie Hardskin chez Hutchinson mais aussi Endurant chez Specialized. Les bandes latérales étant très vulnérables en gravel, il est impératif de veiller à ce qu’il y ait un renfort. Du côté de la carcasse, dont les valeurs sont exprimées en TPI et indiquent le nombre de fils par pouce, plus le chiffre est élevé, plus la structure sera souple. Mais gare
à ne pas opter pour des valeurs de TPI trop élevées car dans ce cas, les fils deviennent plus fins et donc plus vulnérables. Il s’agit alors de vérifier si un renfort est employé pour protéger des agressions et ainsi trouver un bon compromis pour alléger le pneumatique sans que cela ne se fasse au détriment d’une protection optimale. Enfin, concernant la rigidité globale, cette dernière peut être ajustée par la pression d’utilisation.
>> DESSIN DE SCULPTURE DES PNEUS
« Le dessin de sculpture doit privilégier une partie qu’on pourrait caractériser de roulante située au centre de la bande de roulement afin de favoriser la faible résistance au roulement du pneumatique lorsque le pratiquant est amené à évoluer sur l’asphalte », préconise Alain Delcourt. On retrouve aisément cette section sur le Specialized Pathfinder. Sur l’épaule du pneumatique, on veillera à la présence de crampons plus importants qui auront diverses utilités comme ceux utilisés par le Schwalbe X-one Speed. Leur rôle sera de bien ancrer les roues au moment des changements de direction. Ils permettront également de maintenir l’adhérence dans les courbes et ainsi éviter au maximum le risque de décrochage. En plus de cela, le développeur de chez Michelin nous précise que « ces crampons seront d’autant plus sollicités lors de la diminution de la pression du pneumatique ». C’est pourquoi leur forme et leur répartition auront également diverses influences. Pour un terrain gras et terreux, on s’orientera davantage vers des crampons incisifs et assez hauts mais avec un espacement assez conséquent, tels que sur le Maxxis All Terrane ou le Continental Terra Trail. Cela permettra de bien s’ancrer dans le sol meuble, tandis que leur répartition espacée devrait limiter l’accumulation de terre et favoriser la purge du pneu. À l’inverse, comme l’illustre le Touareg d’hutchinson, un positionnement serré de crampons au profil bas préservera suffisamment de motricité mais diminuera tout de même la résistance au roulement pour un usage sur des terrains secs. Leur faible hauteur réduira aussi le risque de flottement dans les courbes, maintenant ainsi une meilleure adhérence sur les sols durs. Il est possible de retrouver des pneus comme le Vittoria Terreno Dry qui combinent ces différents dessins pour augmenter leur polyvalence, mais des compromis d’adhérence ou de rendement seront faits. Enfin, si vous vous orientez vers des sorties à dominante plutôt off-road, il n’est pas inintéressant d’utiliser un dessin différent à l’avant de l’arrière. Pour la proue, relativement moins chargée en termes d’appui, elle connaîtra une résistance au roulement moindre nous permettant d’utiliser un profil plus cranté. Vous gagnerez dès lors en agressivité au moment des prises de trajectoire et par conséquent en adhérence dans les courbes. En revanche, pour la monte arrière, on favorisera le rendement sans délaisser la motricité. De ce fait, le profil des pneumatiques pourra être moins haut et la densité de ceux-ci plus importante.