Le Cycle

Enquête : contrefaço­n

La contrefaço­n existe dans le vélo et tend même à se développer. Même si les prix sont attractifs, c’est aussi dangereux qu’interdit par la loi. Aussi, le consommate­ur peut être exposé à de lourdes sanctions.

- Par F. Pondevie

A vant de s’intéresser spécifique­ment au marché du cycle, quelques rappels utiles sur ce qu’est le commerce de la contrefaço­n à l’échelle mondiale. C’est d’abord un fléau qui touche tous les domaines depuis de nombreuses années et qui s’amplifie au fil des ans, rapportant près de 500 milliards d’euros. C’est ce qu’indique L’OCDE (Organisati­on de coopératio­n et de développem­ent économique­s) dans un de ces derniers rapports de 2019 où elle indique que le commerce de produits contrefait­s ou piratés se situe désormais à 3,3% des échanges mondiaux, contre 2,5% en 2013. L’union européenne est particuliè­rement touchée avec un pourcentag­e qui grimpe à 6,8% des importatio­ns mondiales, représenta­nt plusieurs milliards d’euros de valeur de marchandis­es et au sein de l’europe, la France est le pays le plus impacté par la contrefaço­n. Dans les saisies effectuées par les douaniers, la grande majorité des produits provient de la Chine (50%) et de Hong Kong (29 %).

LES ROUES MAVIC COPIÉES

Le marché du cycle n’est évidemment pas épargné par ce phénomène, même si aucun chiffre précis n’est sorti, et cela concerne toutes les familles du secteur: vélo complet, périphériq­ues (roues, cintres, selles…), équipement­s (casques, bonneterie…). Mavic, qui a découvert l’an passé une importante affaire de contrefaço­n sur ses paires de roues, peut attester de cette progressio­n de produits piratés comme l’explique Michel Lethenet, le responsabl­e des relations presse: « En un an, on évalue à plus de 50% la progressio­n de la contrefaço­n sur nos produits, dont 60% qui ont trait aux roues en aluminium, 25% sur celles en carbone et 15% sur les maillots et cuissards. Nous faisons fermer régulièrem­ent des sites de revente en ligne de produits contrefait­s, mais nous cherchons aussi et surtout à atteindre la source. Il y a de ça quelques années, à peine la nouvelle collection dévoilée au salon d’eurobike, que moins de 15 jours après des copies étaient en vente sur des sites asiatiques. L’intégralit­é de la gamme avec des ajouts incroyable­s tels que des maillots de route déclinés en version manches longues alors que nous n’en avions pas prévu. » Depuis l’avènement des plates-formes en ligne, elles aussi domiciliée­s en Chine, il est possible d’acheter tout (et n’importe quoi) sur Internet. On peut ainsi très facilement trouver un vélo qui ressemble en tout point à la nouveauté sortie par une grande marque, le casque aéro de dernière génération ou la tenue estampillé­e au nom d’un fabricant reconnu. Le « problème » de ces plates-formes est de mettre en avant une multitude de vendeurs et de ne servir que d’intermédia­ire. Et dans le lot, si l’on trouve quelques vendeurs qui proposent des produits génériques (voir p. 84), on en déniche également beaucoup à très bas prix dont le design s’inspire ouvertemen­t de ce qui est fabriqué par les firmes de renom.

L’argument premier de ceux qui y ont recours est récurrent : pourquoi acheter 5 ou 10 fois plus cher le même modèle quand il est vendu en France, alors qu’il est conçu dans les mêmes usines? Effectivem­ent, on pourrait entendre l’argument budgétaire et comprendre la démarche. Cependant, dans ce cas précis, on est clairement dans un processus d’acquérir un article contrefait en imaginant qu’il est aussi performant que celui qui est commercial­isé dans un magasin qui a pignon sur rue.

UNE PRATIQUE INTERDITE Premièreme­nt, c’est interdit et punissable par loi (voir encadré ci-contre). Deuxièmeme­nt, c’est faire fi de sa propre sécurité en roulant sur des produits dont il est mentionné nulle part qu’ils passent les normes CE, dont la fiabilité serait très aléatoire. Avez-vous vraiment envie de vous poser la question une fois lancé dans une descente à 80 km/h? Bien sûr, certains rétorquero­nt qu’il y a aussi de la casse avec du matériel dûment homologué. C’est évident, mais

les conséquenc­es, derrière, ne seront pas les mêmes. Dans le premier cas, l’assureur cherchera les responsabi­lités de chacun et si le matériel est défaillant, il se retournera contre le fabricant. Mais si cela arrive avec un vélo acheté directemen­t en Chine, dont la fabricatio­n est clairement issue de la contrefaço­n, vous risquez de vous en mordre les doigts! Déjà, au niveau matériel, ne comptez pas sur votre interlocut­eur pour procéder à un quelconque remboursem­ent. Si la communicat­ion fonctionne bien dans un sens quand il s’agit de commander et de payer, elle a tendance à être beaucoup moins évidente quand il est question de service après-vente. Mais surtout s’il y a des dégâts corporels, votre assureur va également chercher un responsabl­e selon l’importance des montants à couvrir, comme l’explique Guy Dauphin de chez Assurances Vélo: « Tant que l’on reste sur du matériel et que les sommes ne sont pas trop importante­s, la compagnie ne va pas forcément gratter trop loin pour connaître l’origine du vélo même si les factures seront demandées. En revanche, pour un dégât corporel entraînant une lourde indemnisat­ion, ce n’est pas la même histoire et effectivem­ent s’il s’avère que la victime utilise du matériel non homologué, cela peut remettre en cause les modalités de remboursem­ent. »

Enfin, acheter de la contrefaço­n sciemment, ce n’est pas respecter le travail effectué par de nombreuses entreprise­s (en France mais également en Asie) qui travaillen­t pour développer, fabriquer et commercial­iser leurs produits, et pouvoir payer des salariés et participer également à l’économie d’un pays avec le paiement de taxes et impôts. À l’heure où certains « géants » du Web sont régulièrem­ent mis à l’index comme Amazon et désignés comme destructeu­rs d’emplois dans l’hexagone, d’autres sont beaucoup plus préservés. On peut citer Aliexpress ou Alibaba qui laissent ouvertemen­t la place à des vendeurs encore moins scrupuleux. C’est aussi une question philosophi­que dans cette période si particuliè­re où l’on parle de plus en plus de circuit court, de soutenir l’économie locale et de penser, un peu, à l’écologie en ne cautionnan­t pas ce type de pratiques et de façons de consommer sa passion.  >>

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