Premier de cordée
Giro, Grande Boucle, Vuelta. Trois Grands Tours a priori semblables, qui n’en seront jamais dans les faits. Les passionnés le savent. Et le Tour d’italie se distingue. Pourquoi l’aura du Giro est-elle différente? Le journaliste Pierre Carrey, dans son ouvrage Giro: la course la plus dure du monde dans le plus beau pays du monde, a consigné pas moins de 300 pages sur la légende, le romantisme, les histoires rocambolesques, les arrangements d’une course particulière. Si le Tour de France est extraordinaire et exigeant dans un pays pas moins magnifique, pourquoi le Giro impressionne-t-il? Par la ferveur des tifosi, la folie des routes peu praticables, des cols enneigés ou aux pourcentages effrayants, dont les noms de Stelvio, Gavia, Zoncolan tétanisent déjà les muscles. Et si le Giro surprenait par ce « jamais-vu » que l’on n’attend pas: un dossard 108 plus attribué depuis dix ans en souvenir de Wouters; un rouleur, Ganna, qui salue ses fans dans l’effort d’un prologue couru à 58,7 km/h; un échappé, Pellaud, qui, rattrapé, se range en applaudissant le peloton… Là où son frère français génère pourtant des inédits, la Grande Boucle semble étouffer ces péripéties sous son gigantisme. Alors le Giro serait-il irrespectueux pour attirer la lumière? Armando Cougnet, son organisateur mégalomane, déclara en 1914 à propos de la difficulté du Tour d’italie: « Tant qu’il y aura un coureur pour finir la course, cela me suffit. » En fait, début des grandes courses à étapes de trois semaines, le Giro exulte cette saveur remarquable des antipasti. Pour nous, passionnés, c’est le narthex, l’avant-première des machines du Tour de France. Rien que pour cela, il apparaît excitant et singulier. La course made in Italy annonce des camions ateliers, des huiles, des mécanos dans des odeurs d’embrocation pendant vingt et un jours.
Le Giro: l’avantpremière des machines du Tour de France.