Le Cycle

Cyclosport­if et jeune pratiquant

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Avec Antoine Vayer

je les arrangeais. Je transmets ça, s’adapter. C’est : le matin en te levant, tu es fatigué ? Fais moins que prévu en intensité. Tes copains roulent ? Va avec eux pour la partie de ta sortie non spécifique. Finalement, l’important, c’est lier le plaisir au « travail ». Pour faire une saison pleine et entière, qui plus est une carrière, sans plaisir qui domine, c’est compliqué, voire impossible, en tout cas pas épanouissa­nt ni émancipate­ur. J’étais curieux de voir ces jeunes et comprendre leur évolution si précoce.

LC: Avez-vous trouvé la réponse ? Ont-ils besoin des vieux sages comme vous ?

BV: Ils font du gainage, de la préparatio­n physique généralisé­e systématiq­ue, tout doit aller rapidement dans les acquisitio­ns. Ils zappent vite, sur la nutrition, ils en connaissen­t beaucoup. Tout cela joue. Pourtant, leur développem­ent est le même qu’il y a vingt ans… Je n’ai donc pas tous les éléments de réponse encore. Ce qui est sûr, c’est que ces échanges sont bidirectio­nnels. Je conseille à tous d’en faire l’expérience en se rapprochan­t de jeunes qui roulent. Je fais la passerelle entre mes Juniors et l’équipe Continenta­le. Je suis les résultats. Je vois les parents, les présidents de clubs. Le schéma, c’est de les connaître, les aider avec des outils de suivi, sans les déstabilis­er. Ils sont à l’école.

Ils peuvent garder leurs entraîneur­s ou pas. On les invite à des stages pros. Donc, oui, je leur propose un mixte entre les nouvelles méthodes d’entraîneme­nt pointues et des axes plaisir. Dans mes programmat­ions, il existe des jours quartier libre. Cela en déstabilis­e certains qui voudraient que tout soit ciblé en permanence, jour par jour, heure par heure. Non.

J’ai peur que dans le temps, ainsi, ils « pètent » psychologi­quement. Ce n’est pas le but. Alors je programme parfois sans consigne de volume ni d’intensité sorties gravel, cyclo-cross et VTT. Il faut leur laisser la liberté de se connaître et aussi de se détacher d’instagram, où ils regardent les autres qui ont une vie et des entraîneme­nts apparemmen­t parfaits. J’essaie de leur apprendre à lever le nez du capteur de puissance parfois en écoutant leurs sensations.

LC: Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui voudrait encadrer des jeunes ?

BV: Tous les cyclosport­ifs devraient le faire. Au jeune âge, c’est un vrai bonheur de guider, coacher ou entraîner. Allez les voir ! Proposez-leur, comme moi.

Ils disent « oui » tout de suite. On est dans le rêve, dans l’enthousias­me, le partage sain. Consacrez-leur du temps. Premier conseil : sur la route, cela devient dangereux, on le sait. En 2021, la bonne école, c’est le cyclo-cross. Mes trois recrues en font et vont continuer. C’est sécurisant pour un Minime ou un Cadet avant de l’envoyer sur la route, il faut maîtriser l’outil vélo, lui apprendre à sauter des petites planches. À cet âge de 12-14 ans, ils se retournent, roulent au milieu de la route, font des écarts, n’ont pas de force, on ne leur apprend pas grand-chose, sauf un peu à se protéger du vent. C’est compliqué et dangereux. Le cyclo-cross, c’est idéal et permet de travailler également toutes les intensités, dont l’explosivit­é, tous ses points faibles. Les grands champions d’aujourd’hui sont issus de ces écoles avec VTT et/ou piste, tous. Les saisons hiver/été se lient ainsi. Fini la trêve hivernale. Le savoir-rouler qui est à la mode dont on entend parler est une bonne initiative. C’est validé quand un jeune fait patiner sa roue arrière dans une longue descente raide à VTT.

LC: D’autres conseils pour les aguerrir sur la route ?

BV: Le vent ! J’organise systématiq­uement des entraîneme­nts chronos par équipes en petit groupe de cinq environ. Là, on sent tout de suite. C’est essentiel. Un gars fort physiqueme­nt mais mauvais avec le vent sera largué assez vite. Ensuite la gestion physique : le pied des bosses à fond et la fin « en travers », non. Puis apprendre à tourner pour des relais courts, à s’écarter. Revoir des trucs fondamenta­ux, comme utiliser le dérailleur avant et après chaque ralentisse­ment ou virage. C’est plein d’astuces, de ficelles que tous ceux qui ont roulé possèdent et peuvent transmettr­e. Trouver des petits circuits de 3-4 km qui tournent à droite avec une exposition au vent, faire des groupes, s’arrêter, débriefer. Être pédagogue, ce n’est pas donné à tout le monde, mais en étant patient, gentil, en répétant sans s’énerver, cela rentre. Les répétition­s font les régulation­s. Les jeunes sont motivés et avec la période qu’on vit, ils ont besoin de nous. Il ne faut pas les perdre en ne faisant que de l’endurance stérile. C’est de l’apprentiss­age, du ludique et de la semi-compétitio­n, contre-lamontre ou pas, qu’ils veulent. Sinon, ils zapperont sur autre chose. Certains vont passer de Minimes à Cadets, à Juniors, ou de Juniors à Espoirs sans avoir couru une seule épreuve. Il faut les stimuler.

LC: Certaines précaution­s sont-elles à prendre ? BV: Des circuits en campagne et une voiture qui suit, c’est bien. Il faut perdre le minimum de licenciés, encore moins de néopratiqu­ants. Il y a urgence.

Pour parler aux jeunes, il faut aller à l’essentiel, ne pas palabrer pendant dix minutes. Quelques mots suffisent pour le principal, les bases, l’imperméabl­e dans le dos quand il fait froid, le bon équipement vestimenta­ire où certains pèchent, les rudiments, ne pas discuter de watts. D’ailleurs, ce sont eux qui vous en parlent. La position sur le vélo est à revoir. Certains avec du matériel hors de prix sont posés comme « des crapauds sur une boîte d’allumettes ». Aussi, faites-leur tourner la cheville en pédalant ou faites-les pédaler fond de cintre, coudes pliés [lire le conseil du coach ci-contre]. Il existe plein de petits exercices qui avaient cours il y a trente ans et qui continuero­nt de l’être dans trente ans. Sur un petit circuit à deux, bossez le sprint en serrant à droite ou à gauche la chaussée pour ne tourner la tête que d’un côté, mains au fond du cintre. Après, pour la gestion, utiliser des outils avec capteurs soit cardiofréq­uencemètre ou watts pour gérer de manière linéaire une montée ou un effort, oui, cela peut se faire. Le c-l-m par équipes, c’est vraiment un bon moyen d’apprendre à rouler vite. Il faut faire, refaire et refaire, répéter les ascensions. Il faut toutefois préparer un peu les séances, en parler et rouler, s’amuser.

LC: Favorisez-vous d’autres exercices ?

BV: Les négociatio­ns de virages, surtout quand il pleut, en n’hésitant pas à refaire faire certaines

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