CYRILLE GUIMARD
Cyrille Guimard connaît tous les arcanes du monde du cyclisme ainsi que ses spécialités. Lui qui fut surnommé affectueusement « Le Druide » par ses pairs a cumulé dans sa carrière de coureur (94 victoires pros), de directeur sportif (7 Tours de France, 2 Vuelta, 4 Giro) des expériences de terrain dont il tire des leçons de vie toujours éloquentes et qu’il dispense sans jouer de la langue de bois. Il s’exprime sur les récentes mesures écolosécuritaires prises par L’UCI qui font déjà débat dans le peloton et les… réseaux sociaux.
Le Cycle: À l’occasion d’un de vos commentaires sur la chaîne L’équipe 21, vous avez affirmé que le monde du cyclisme se complaisait parfois dans des querelles de clochers en matière de sécurité et qu’il y avait des questions plus graves à traiter. À quoi pensez-vous ?
Cyrille Guimard : Je suis évidemment favorable aux dernières règles de L’UCI en matière d’amélioration de la sécurité du coureur applicables au 1er avril. Mais il serait temps de penser aux oreillettes et aux risques objectifs qu’elles peuvent susciter chez les coureurs pros. D’une manière générale, il faut compter selon l’allure du coureur 60 s pour freiner, c’est bien peu pour éviter un obstacle sur la route. Le maintien des oreillettes est une hérésie en la matière. Le code de la route interdit le téléphone mais également
(1) ce mode de communication non autorisé dans les Championnats nationaux et les Mondiaux. Trois raisons méritent d’être avancées au regard de la sécurité: la captation excessive de l’attention du coureur, la perturbation de l’équilibre provoquée par leur port, le fait que le coureur portant des oreillettes n’entend plus le peloton à ses côtés et derrière lui… ce qui peut le mettre en danger.
LC: Où commence et s’arrête la sécurité du coureur?
CG: Elle est forcément partagée entre l’organisateur, le directeur sportif et le coureur lui-même. Quand j’étais directeur sportif, il ne me serait jamais venu à l’esprit de demander à un coureur d’attaquer en descente d’un col. Cette affaire concerne exclusivement la responsabilité du coureur qu’il doit assumer par la suite.
LC: En matière de sécurité, le coureur cycliste se doit-il d’être exemplaire vis-à-vis des jeunes? CG : Chaque individu a valeur d’exemple. L’exemplarité peut être positive ou négative. À chacun d’assumer sa personnalité et sa prise de risque et de s’y conformer.
LC: Que pensez-vous des récentes mesures de L’UCI visant à instaurer un protocole commotion spécifique au cyclisme ?
CG: C’est avant tout l’affaire des médecins des équipes ou de la course. Mais cela n’empêche pas un certain degré d’intervention du directeur sportif. Dans le passé, j’ai connu les cas d’yvon Ledanois et du regretté Bernard Becaàs. Lors des chutes, j’ai dû agir dans les délais très brefs. Mais l’exagération est mauvaise conseillère. À la télévision, un coureur qui vient de chuter et qui tourne autour de lui-même n’est pas forcément victime d’un traumatisme. Il attend de son directeur sportif un nouveau vélo pour poursuivre la course. Mais les mesures prises par L’UCI vont dans le bon sens. Pour ma part, la suspicion de traumatisme est avant tout du ressort du médecin avec des supports tels que les tests prévus par le protocole et la gestion des mots-clés.
LC: Depuis le 1er avril, interdiction pour les coureurs de jeter des bidons en pleine nature.
Que faut-il en penser ?
CG : Cette disposition manque de bon sens et de cohérence car je mets au défi de trouver des bidons éparpillés dans la nature après une course. C’est extrêmement rare. La gestion des espaces autorisés par les coureurs va susciter pas mal de problèmes d’organisation de la course. Mais de là à sortir quelqu’un de la course pour si peu…
(1) Selon l’article R412-6-1 du code de la route, sont interdits… les kits mains libres, les oreillettes Bluetooth…