Le Cycle

Guy Roger récompensé

Saint-étienne (Loire) – À cause de la crise sanitaire, le Prix Louis-nucéra n’a pas connu le même éclat que les années précédente­s et a été attribué par conséquent en comité restreint à Guy Roger pour Bernal et les fils de la Cordillère. Par G. Polge

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Ancien grand reporter à L’équipe, membre de la rubrique cyclisme, l’auteur, Guy Roger, a effectué de nombreux voyages en Colombie pour enquêter sur ces fabuleux coureurs.

Composé de six membres, Jacques Balutin, Michel Drucker, Christian Prudhomme, François Lemarchand, Irène Frain et Bernard Thévenet, le jury avait à choisir parmi quatre titres parus l’an dernier, « un livre qui aurait plu à Louis Nucéra », écrivain niçois passionné de Petite Reine tué par un chauffard à Nice en août 2000. Créé en 2001 par l’associatio­n Lire à Saint-étienne et remis dans la capitale du Forez lors du passage de Paris-nice ou dans la ville la plus proche sur le podium après la cérémonie protocolai­re, le prix a été révélé cette fois dans les locaux de la Librairie de Paris dans la ville des Verts. Habituelle­ment, le jury jette son dévolu sur la littératur­e, eh bien cette fois, c’est un ouvrage sur la compétitio­n qui a retenu son attention. Mais celle-ci dans son contexte si particulie­r vu qu’il s’agit d’une immersion, d’un voyage, d’un grand reportage au coeur du cyclisme colombien. Ancien grand reporter à L’équipe, membre de la rubrique cyclisme, l’auteur, Guy Roger, a effectué de nombreux voyages en Colombie pour enquêter sur ces fabuleux coureurs. « les Petits Hommes noirauds » comme les avait surnommés si affectueus­ement Jacques Goddet lors de leur apparition sur le Tour de France en 1983, avec leurs destins hors du commun comme celui de Cochise Rodríguez, premier Colombien à courir la Grande Boucle en 1975 aux côtés de Gimondi, vendeur de journaux à la criée à l’âge de 8 ans, José Patrocinio Jiménez qui travaillai­t à la mine à 10, Lucho Herrera, enlevé par les Farc après sa carrière, Fabio Parra, vainqueur moral du Tour 1988, Nairo Quintana, dont la famille ne roulait pas sur l’or dans la ferme, et tant d’autres encore qui ont parfois du mal à faire une longue carrière à cause du mal du pays. Pour circuler, le vélo, traditionn­ellement, est le moyen le plus facile et le moins cher. Pour aller au travail, pour aller à l’école, on prend son vélo. Quelque temps en arrière, il y avait à Bogotá, la capitale nichée à 2700 m d’altitude, les « Turismeros », des compétitio­ns avec 300 partants, pignon fixe imposé, tradition colombienn­e, dans lesquelles venaient faire leurs premiers pas les futurs champions ou pas. La cordillère des Andes, c’est aussi, bien entendu, des cols comme le Páramo de Letras qui culmine à 1800 m d’altitude. Au pied, on peut lire un panneau: 80,7 km, hauteur

3677 m, dénivelé 3200 m, 11% dans sa partie la plus raide. Ici, le coureur européen entre dans un autre monde. À 2700 m d’altitude, sa dette en oxygène est de moins 25%. Au sommet, il a du mal à respirer. Laurent Fignon, Luc Leblanc, Charly Mottet, Greg Lemond, Vincent Barteau et Julian Alaphilipp­e peuvent en témoigner. Pascal Simon, héros malheureux du Tour 1983, présent sur le Clasico RCN 1982, lui, n’a pas trop souffert: deux victoires d’étapes, le sprint du peloton dans la deuxième. Autre joyeuseté colombienn­e, l’alto de la Línea, 23 km de montée, pourcentag­e maximum 18%, dénivelé 1687 m, le sommet à 3265 m. Des airs de ressemblan­ce avec le Stelvio, paraîtil. C’est ici que s’est révélé un inconnu de 21 ans, lors du Clasico RCN 1981, en la personne de Lucho Herrera. Dans ces cols, les plus forts bataillent pour s’élever dans tous les sens du terme. C’est arrivé à Ramón Hoyos, le premier grand champion colombien surnommé « El Escarabajo de la montaña », le scarabée de la montagne, vainqueur de 5 Tours de Colombie, Álvaro Pachón, Rafael Niño, José Patrocinio Jiménez, Pacho Rodríguez, Martín Ramírez, Oliviero Rincón, « Cacaíto » Rodríguez, « Chepe » González ou encore Mauricio Soler qui, sans une terrible chute dans le Tour de Suisse, aurait pu gagner le Tour de France dont il était le grand favori en 2011. Mais sait-on que le cyclisme colombien a pris son envol dans les années 1950 grâce à un Français, José Beyaert? Originaire de Lens, né en 1925, fils de mineur, installé à Pantin en banlieue parisienne, petit gabarit, affublé de lunettes rondes, champion olympique à Londres en 1948 (175 km dans le parc du château de Windsor), il remporte le Tour de Colombie en

1952 dont c’est la 2e édition avec quatre étapes. Il a une licence pro, alors que l’épreuve n’est ouverte qu’aux amateurs, mais qu’importe. Le président Roberto Urdaneta Arbeláez lui demande de rester, ce qu’il fait. L’année suivante, il vient à la Route de France avec une équipe colombienn­e. Tout en continuant à s’occuper des jeunes, il fait du trafic d’émeraudes, puis rentre en France pour s’installer à La Rochelle, incognito. Succès des coureurs colombiens un peu grâce à lui. De là à lui rendre hommage. Peut-être pas… 

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