À 16 ans, elle assassine son arrière-grand-mère pour 150 francs
Une fois par mois, la rédaction revient sur un fait divers marquant. Retour sur le meurtre d’une nonagénaire, assassinée par son arrière-petite-fille de 16 ans pour 150 francs en octobre 1989.
À 91 ans, E.S mène une vie plus que modeste. Son cocon se résume à une caravane stationnée depuis une quinzaine d’années sur un petit terrain derrière la mairie de Bennecourt (Yvelines). Un mode de vie hérité de ses années passées dans la communauté des gens du voyage. Malgré tout, elle peut compter sur un entourage bienveillant grâce au club des aînés du village qui n’ont pas hésité à lui venir en aide, lorsqu’elle s’est fait dépouiller, en août 1989, de ses maigres économies.
À quelques kilomètres de là, à Vernon, son arrière-petitefille, âgée de 16 ans, connait les mêmes soucis d’argent. Des rêves plein la tête et animée par l’espoir de quitter un jour sa ville natale, elle est prête à tout pour arriver à ses fins. Même au pire. Persuadée que son aïeule est pleine aux as, elle fomente un terrible projet qu’elle met en application le soir du 3 octobre 1989. Avec son petit ami de l’époque, embrigadé dans cette histoire un peu malgré lui, elle se rend à Bennecourt en auto-stop jusqu’au domicile de la nonagénaire avec laquelle elle n’entretient que très peu de relations, afin de lui soutirer de l’argent.
Arrivée devant la caravane, l’adolescente toque une première fois à la porte. La vieille dame lui ouvre, la reconnaît vaguement mais se méfie. La jeune fille veut lui vendre des calendriers mais la nonagénaire lui explique qu’elle n’a plus d’argent et qu’elle attend sa prochaine pension, pour novembre. L’adolescente ne la croit pas et frappe de nouveau à la porte, cette fois armée d’une bombe lacrymogène. Elle asperge la vieille dame et finit par rentrer à l’intérieur de la caravane. Son petit copain, paniqué par la situation, préfère se tenir à distance et « fait le guet ». À l’intérieur, la jeune fille est prise d’une folie meurtrière. Elle commence par frapper la nonagénaire au visage avant de l’étrangler et de l’étouffer à l’aide d’un coussin. Mais la vieille dame se défend avec acharnement et parvient à griffer l’adolescente au visage. E.S rend son dernier souffle entre les mains de son arrière-petite-fille. Cette dernière, venue pour des raisons pécuniaires, ne trouvera que 150 francs (l’équivalent de 33 euros, Ndlr) : son aïeule avait dit vrai. Elle s’enfuit avec son petit copain auquel elle distribue un maigre butin : 4,50 francs.
Le lendemain, le corps de la nonagénaire est découvert par des voisins inquiets. Si les gendarmes privilégient au début la piste des gens du voyage, ils soupçonnent rapidement la famille puisque la nonagénaire, victime d’un vol en novembre, était devenue très méfiante et n’ouvrait pas sa porte si facilement Les témoignages des riverains et les griffures au visage de l’arrière-petite-fille amènent les gendarmes à soupçonner l’adolescente. Trois semaines après le crime, les forces de l’ordre l’interpellent à son domicile de Vernon. Elle finit par dénoncer son petit ami. Les deux adolescents sont incarcérés fin octobre 1989.
Lors de sa détention, l’adolescent fera l’objet d’une polémique nationale. Durant les dix premiers jours de son incarcération, le jeune homme a été victime de sévices sexuels de la part de ses codétenus, mineurs également. Cette situation scandaleuse a fait réagir les syndicats et une association de protection des jeunes en difficulté qui ont adressé au garde des Sceaux de l’époque, Pierre Arpaillagne, une lettre pour dénoncer la gestion de l’incarcération des mineurs. Les auteurs remettent en question « le recours à une incarcération de nature à engendrer des comportements délinquants beaucoup plus graves que les faits initialement connus. » Suite à cela, le garde des Sceaux avait pris six mesures pour améliorer les conditions des mineurs. Traumatisé, le jeune homme a été remis en liberté le 13 novembre. Plus d’un an plus tard, en janvier 1991, il comparaissait de nouveau devant le tribunal, en même temps que son ex-petite amie meurtrière. L’excuse de minorité à laquelle sont venues s’ajouter quelques circonstances atténuantes, ont allégé la peine des jeunes gens. L’adolescente est condamnée à huit ans de prison dont cinq ferme ce qui signifie une libération en 1994, à l’âge de 21 ans. Quant au garçon, il obtient un an de prison avec sursis.
Une folie meurtrière
Cinq ans de prison