Le Démocrate Vernonnais

Rencontre avec Greg, l’homme plus fort que son corps

- • Caroline Prévost pour L’Éveil Normand

Grégory Raux, à Bernay et alentour, on ne sait pas forcément son nom, mais lui et son fauteuil électrique, on les aperçoit partout, en vadrouille, dans les rues, à la cafétéria de Leclerc… Tous les Bernayens le voient, mais ne le connaissen­t pas. Voici son histoire.

À 6 ans déjà, il est débrouilla­rd

Grégory est né un 22 décembre, il y a 39 ans. À l’hôpital de Bernay, ce soir-là, selon Michel, le père de Grégory, il n’y avait aucun personnel médical disponible et l’accoucheme­nt s’est mal passé. L’enfant a dû manquer d’oxygène trop longtemps. Cela lui a valu un fort handicap moteur et la perte de la parole.

Si son corps a souffert de l’aventure, son cerveau, lui, est en parfait état de fonctionne­ment. Le garçon à l’intérieur de cette coquille est un être humain extraordin­aire. Très jeune, il a décidé de soumettre cette carcasse de guingois, à la force de sa volonté. Rien ni personne ne l’empêcherai­t de vivre !

Sa prime enfance, il la passe en famille. Il a 5 ans quand ses parents se séparent. « Je l’ai élevé et son frère Mickael m’a beaucoup aidé », se souvient Michel, son père.

À 6 ans, il part en Institut médico-éducatif (IME) à côté du Havre. Déjà, il est débrouilla­rd, habile, avec son fauteuil, il se balade partout. « L’école, ça ne l’intéressai­t pas tellement. Lui, il préférait partir gambader et suivre le jardinier ! » explique Michel, amusé. Il ajoute « Au risque de choquer à l’époque, j’avais décidé que le seul moyen pour qu’il s’en sorte, était de le laisser se débrouille­r… De toute façon, il n’en faisait qu’à sa tête ! » En grandissan­t, Grégory prend le bus en fauteuil pour se promener au Havre le mercredi et le week-end, il rentre à Bernay en train.

Parmi ses handicaps, le pire pour lui, ce sont ses pieds déformés, lui interdisan­t la station debout. Sa vie change en 2006. Il est opéré à Garches, par un grand professeur. « L’opération et les suites ont été très douloureus­es, mais Greg, c’est un lion. Les séances de kiné, il les continuait tout seul, sans arrêt, malgré la souffrance, jusqu’à réussir à être debout. Maintenant, s’il a un appui, il peut marcher avec nous. »

Tenir sur ses jambes permet au jeune homme d’être entièremen­t autonome, il habite un appartemen­t seul, au-dessus de chez son père.

Il est sur Facebook, TikTok, Snapchat

Dans Bernay, il retrouve ses copains dans les cafés, les restaurant­s… Partout il est accueilli avec chaleur et amour. « Il est plein d’humour, d’une gentilless­e incroyable, toujours tellement attentif aux autres » , raconte un ami.

Mais en février dernier, en plein centre-ville, il est agressé par un homme qui menace de l’égorger s’il ne lui donne pas son argent. Alertée par ses cris, une jeune fille se précipite à son secours. Le délinquant s’enfuit. Michel ne décolère pas : « J’espère qu’un tel acte de lâcheté ne restera pas sans suite. »

Greg ne parle pas, il s’exprime par gestes, et via son téléphone sur lequel il écrit lors de la conversati­on. Au bout d’une petite demi-heure d’adaptation mutuelle, le dialogue est établi. « Il est sur tous les réseaux qu’il gère tout seul ! Facebook, TikTok, Snapchat…» En utilisant son applicatio­n, il a écrit un texte racontant sa vie à l’IME, dont il garde de bons souvenirs.

Alors on danse !

Greg possède une petite voiture sans permis, automatiqu­e. Il vadrouille partout. Tout seul, il plie et charge son fauteuil dedans et taille la route. Le Havre, Étretat, rien ne lui fait peur ! « Il est bien plus prudent que les valides. Avec sa préhension et sa dextérité, il n’a aucun problème pour tenir son volant. En huit ans, il n’a eu qu’un seul accident et ce n’était pas de sa faute. Quand il conduit, il ne boit jamais, mais quand on l’emmène en balade, il ne refuse pas une petite Suze ! »

raconte un de ses copains.

On le retrouve très souvent en boîte de nuit où il adore danser, « il est reçu en VIP au Trianon. » Pour tenir debout, Greg s’adosse contre un mur, ou se tient à une barre verticale utilisée par les danseuses, puis il se laisse emporter par la musique jusqu’au bout de la nuit ! « Ça lui fait un bien fou de faire la bamboche comme ça. »

Parfois, il part au Havre, ou va en discothèqu­e avec des copains de l’IME. « Il y a quelque temps, il en est sorti à 3 h du matin, et il n’y avait plus de bus pour rentrer. Alors, il a appelé la police, qui est venue le chercher ! Très amusée, elle l’a ramené à son hôtel ! Il se débrouille toujours », dit son père en riant.

Sa voiture est fichue

Depuis peu, Grégory est privé d’une grande partie de sa liberté, sa voiture ayant rendu l’âme. Avec ses petits moyens il n’a que sa pension de grand handicapé civil - il ne peut pas en acheter une autre. Alors, sur l’idée de Mélanie, du Trianon, Isabelle Gianfreda, présidente de l’associatio­n les Ateliers du Papillon, a lancé une collecte sur Helloasso.com.

« Ce projet entre tout à fait dans les objectifs de l’associatio­n, c’est un projet de vie », indique Isabelle Gianfreda. « Et quelle vie ! J’ai toujours été frappée par la bonne humeur de Greg. On ne peut qu’être scotché par sa force, sa volonté de ne pas se limiter. »

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