«On arrive au bout de l’exercice»
Créée pour héberger et accompagner les migrants dans leurs démarches de régularisation, l’association n’arrive plus à faire face à des charges de fonctionnement de plus en plus lourdes. Un Toit sous la main
Les chiffres parlent d’euxmêmes. En 2023, en ayant hébergé 131 personnes, Un Toit sous la main a assuré 34 710 nuitées à ses bénéficiaires. 19 000 en 2019, 22 700 en 2020, 30 171 en 2021, 30 500 en 2022, ces chiffres sont en constante augmentation depuis la création de l’association fondée pour «loger et accompagner les personnes en grande difficulté sociale et exclues ».
Différents modes d’hébergement
«On ne sait pas où cela va s’arrêter », a réagi Vincent Breuil lors de l’assemblée générale organisée dans la maison de quartier de La Madeleine. Devant un grand nombre de personnes, parmi lesquelles des bénéficiaires sortis de la rue par l’association, le coprésident a expliqué qu’il ne restait « plus que deux mois de fonctionnement » dans les caisses de la structure. En cause, l’augmentation « exorbitante » des tarifs du gaz et de l’électricité dans les logements mis à disposition par Un Toit sous la main.
Pour accueillir les déboutés du droit d’asile, ceux qui n’ont plus accès aux structures d’accueil d’urgence, ceux qui ont perdu leurs droits, etc, l’association dispose de six logements sous convention d’occupation précaire. Quatre mis à disposition des collectivités, un par un particulier et un par le diocèse. Elle profite également d’une maison acquise il y a quelques années où résident actuellement un couple et ses trois enfants.
En plus des locations, des militants et sympathisants accueillent gracieusement des personnes à leur domicile, « soit pour répondre à une situation d’urgence, soit pour les accompagner jusqu’à leur entrée dans le droit commun». À cet accueil bénévole (lire ci-dessous) s’ajoute l’accueil citoyen des familles qui, dans les quartiers populaires, hébergent des personnes seules ou des familles. Soutenu financièrement par l’association par le versement d’une aide de compensation au surcoût des charges du logement, ce dernier mode d’hébergement a permis de mettre à l’abri 71 personnes en 2023 (31 adultes et 40 enfants).
Un travail collectif
Membres du collectif Solidarité migrants, les bénévoles d’Un Toit sous la main travaillent en lien étroit avec les autres associations d’aide aux migrants. « Par ce biais, nous sommes devenus des partenaires reconnus des institutions ». En contact régulier avec le préfet, avec ses services, elle arrive à obtenir, dans des situations exceptionnelles, des maintiens en hébergement d’urgence, des régularisations, des mises à l’abri. Jusqu’à quand ? C’est la question. De plus en plus sollicitée par les services sociaux, les services de santé, les associations agréées pour l’accompagnement des migrants, Un Toit sous la main n’arrive plus à faire face aux demandes. « Très clairement, nos finances sont en péril », a répété Vincent Breuil. Et il faudra sans doute plus que les 38 000 € de dons versés « par des gens formidables » pour sauver cette organisation bénévole d’utilité publique qui, chaque année, permet à l’État de réaliser de substantielles économies sur l’hébergement d’urgence. « Pour info, le prix plancher de la préfecture pour l’hébergement d’urgence est de 16 €. La valorisation de notre action équivaut à une somme de 555 360 €, nous avons dépensé plus de neuf fois moins ». « Une maison, c’est fait pour servir » juge Françoise qui, à bientôt 91 ans, garde toujours sa porte ouverte et une admiration sans bornes envers les bénévoles qui oeuvrent sans compter pour accompagner les migrants dans leurs démarches.
Actuellement, Françoise héberge une Géorgienne et son fils, et une Congolaise. Quant au pseudo-appel d’air que pourrait créer l’accueil bénévole, Françoise n’y croit pas. « Chacun sait qu’on n’empêchera jamais le phénomène migratoire, vieux comme le monde. Autant le prendre en compte, même si c’est difficile, avant qu’il engendre plus de désordres, d’injustices et de rancoeurs. Transformons cette épreuve en progrès humain pour les migrants et pour nousmêmes », avait-elle écrit au préfet de l’Eure en 2018. Sans que, depuis, la situation des migrants se soit améliorée.