Les grandes oreilles du P-35
C’est toujours avec un immense plaisir que je lis votre revue sans éprouver un quelconque désir de commenter. Cette fois- ci, si je puis me permettre, j’aimerais apporter quelques éclaircissements à la deuxième partie de l’article dédié au “Mirage” en Irak dans le n° 568 du Fana de l’Aviation. Le choix des Irakiens pour le type du radar cible ( le P- 35) n’est pas fortuit. Tout d’abord la gamme de fréquence ( bande S) est la même que celle des radars de contrôle aérien américains utilisés par leurs voisins iraniens. Le P- 35 était sûrement un des radars les plus difficiles à détruire à l’aide d’un missile antiradar, la vitesse de rotation de 3 tours par minute étant susceptible de leurrer la tête chercheuse du missile pendant la rotation ( 20 secondes pour un tour d’antenne). Ensuite le P- 35 est muni d’une antenne de suppression des lobes secondaires qui est particulièrement performante. Cette antenne peut être vue sur la photo à l’extrémité droite de l’antenne supérieure. Des sources erronées sur Internet pensent que c’est l’antenne de l’IFF [ identification friend or foe, identification ami ou ennemi. NDLR.], c’est faux. Enfin, le choix des Irakiens pour le dernier tir n’est, lui aussi, pas dû au hasard, l’une des méthodes de lutte contre les missiles antiradar consistant à faire fonctionner deux radars identiques en synchronisant la rotation, ce qui a pour effet de leurrer la tête chercheuse du missile. Un petit détail me chiffonne quand même : je ne suis pas sûr que le P- 35 fonctionne avec six fréquences… Si c’est comme pour le P- 37, il n’y en a que cinq : trois sont générées à partir de trois magnétrons distincts reliés à l’antenne inférieure, deux sont générées à partir de deux magnétrons distincts reliés à l’antenne supérieure. Les cinq magnétrons sont dans le “shelter” [ abri technique mobile] de l’antenne, la partie “réception” est dans un autre “shelter” installé à proximité. Cordialement. Un lecteur assidu et anonyme.
Précisions pour le moins d’un connaisseur ! Merci à vous, “lecteur anonyme”, pour nous plonger dans les arcanes d’une guerre capitale mais fort peu démonstrative pour les yeux : la guerre électronique. Sujet incontournable dans la guerre moderne. Nous en voulons pour preuve la célébration pour l’armée de l’Air de l’attaque du radar de Oudi Doum, au Tchad, il y a désormais 30 ans, le 7 janvier 1987. Cette fois-ci ce fut un “Jaguar” qui passa à l’action avec un “Martel”, détruisant
le radar P15 “Flate Face”. Le cdt de Wauber, qui joua un rôle capital dans la formation des Irakiens avec le missile “Bazar”,
commente : “Oui, c’est tout à fait exact, il n’y a que cinq fréquences de mémoire sur le “Bar Lock” P-35. Radar dur à la peine, résistant et somme toute très performant. Bravo pour l’oeil acéré du lecteur !”
C’est avec une certaine émotion, en lisant votre article dans les actualités du n° 568, que j’ai découvert qu’il s’agissait d’un T- 28 de la base de Williams qui avait été impliqué dans une collision lors d’un rassemblement. Or il se trouve que j’étais dans l’avion
leader de cette formation ; étant élève pilote ( 53- D) et ne pilotant pas à ce moment- là, j’observais le rassemblement du n° 4 sur le n° 3 et j’ai vu l’accrochage, puis un parachute, et un avion exploser au sol au bord de l’autoroute. Grosse difficulté pour informer mon instructeur : panne d’interphone ou mauvaise manipulation de ma part. Il a quand même compris qu’une anomalie me perturbait. J’ai appris par la suite que le pilote avait réussi à ramener l’avion endommagé ; pour se faire il avait dû majorer sa vitesse d’approche, et avait eu la bonne idée d’en rajouter vu la tendance au décrochage de la bête blessée. Je crois qu’il n’avait même pas ramené l’avion au parking, disant au mécanicien quelque chose comme “take that son of a bitch” ( prends ce fils de p…) et il était parti. Voici un article de journal et la copie de la page de mon carnet de vol où figure le vol du 6 mars 1953, ainsi que deux instantanés que j’avais pris après l’accident.
Une nouvelle fois vous, lecteurs, complétez le puzzle dans l’histoire d’un avion. En voici une nouvelle preuve !