April, bloody April
L’aviation britannique affronte une terrible année 1917. Les pertes entraînent une réorganisation en profondeur.
La bataille d’Arras s’inscrit dans le contexte de l’offensive du Chemin des Dames, organisée par le nouveau chef du Grand Quartier général français, le général Nivelle, qui, à la fin de l’année 1916, a remplacé le gén. Joffre dont l’échec de la bataille de la Somme lui a valu d’être limogé par le gouvernement français. Nivelle s’est distingué à Verdun fin 1916 où il a pu reconquérir du terrain pris par les Allemands en menant des attaques surprises précédées d’une courte et violente préparation d’artillerie. Auréolé de ces succès, il pense les répéter à plus grande échelle sur tout le front et parvient à en convaincre les politiques français comme britanniques…
Le Premier ministre britannique Lloyd Georges est séduit par l’assurance de Nivelle et accepte de lancer l’armée britannique dans une opération de soutien dans la région d’Arras, alors que l’attaque principale viendra des Français dans l’Aisne près de la ville de Laon, sur le secteur dit du Chemin des Dames. Une opération qui, comme tant d’offensives
de la Première Guerre mondiale, va se fi nir par un nouveau massacre dans la boue des tranchées, principalement parce que l’élément déterminant du succès qu’a pu obtenir Nivelle dans ses attaques locales à Verdun, à savoir la surprise, ne peut être espérée sur une attaque générale à l’échelle de plusieurs armées.
Avant même que les fantassins ne soient sortis de leurs tranchées et que les artilleurs n’aient fait tonner leurs pièces, les aviateurs français comme britanniques sont sortis à l’attaque plusieurs semaines plus tôt pour le travail de préparation d’artillerie. Les avions biplaces sillonnent les lignes pour reconnaître les positions ennemies et effectuer du réglage d’artillerie, puis les chasseurs prennent l’air pour empêcher l’ennemi de faire de même tandis que des avions de bombardement s’en prennent au ravitaillement des armées adverses en attaquant les gares et dépôts de matériel et munitions. La politique d’emploi de leurs forces aériennes est rigoureusement identique chez les Français comme chez les Britanniques. Chez ces derniers, le chef du RFC, le gén. Hugh Trenchard, est réputé pour sa tactique agressive, ordonnant à ses pilotes d’aller débusquer l’ennemi chez lui. Le chef du service aéronautique du Grand Quartier général français, le commandant Paul du Peuty, nommé à ce poste par Nivelle, partage totalement les vues de Trenchard avec lequel il a d’ailleurs longuement correspondu. L’ordre général qu’il donne pour l’attaque est suffisamment éloquent : “À partir du 15 avril à midi, les groupes de combat reprendront sans restriction leur tactique offensive dont le but est la destruction de l’aviation boche. Aucun avion des groupes de combat ne doit plus être rencontré à l’intérieur des lignes françaises. (…) Le moment est venu de donner notre maximum d’efforts, sans regarder aux fatigues ni aux pertes.”
Les troupes britanniques attaquent les premières le 9 avril 1917, soutenues par leur aviation composée de 46 Squadrons du Royal Flying Corps épaulés de 11 Squadrons du Royal Navy Air Service qui sont également engagés dans la bataille terrestre. Sur ce total de 57 Squadrons, 28 sont des unités de chasse. Chaque Squadron est composé de 18 appareils, ce qui fait un effectif théorique de 1 026 appareils disséminés sur le front britannique allant sur un axe nord-sud de la ville côtière belge de Nieuport jusqu’à la ville de SaintQuentin dans l’Aisne.
L’armée française, dont le front commence au sud de Saint-Quentin et oblique vers l’est jusqu’à la frontière suisse, attaque le 16 avril 1917 et dispose de 37 escadrilles de chasse, 20 de bombardement fortes de 15 appareils chacune, plus 90 escadrilles d’observation et réglage d’artillerie à 10 appareils – soit un total théorique de 1 755 avions sur le front, ce que corrobore approximativement un document gouvernemental qui avance le chiffre de 1 821 appareils au 1er avril 1917. Une partie seulement de ce total est engagée dans la bataille, définie par le front des 3e, 6e, 10e, 5e et 4e armées françaises, en y affectant 27 escadrilles de chasse, 11 de bombardement et 73 d’observation, soit un total théorique de 1 115 appareils, plus important que l’aviation britannique.
Faute d’archives, on ne connaît pas précisément l’ordre de bataille de l’aviation allemande, mais on sait que celle-ci dispose de 14 escadrilles