Le Fana de l'Aviation

Chaleur, bruit et chuchoteme­nt

Le F-35 fit beaucoup de bruit, industriel­s et clients négocièren­t discrèteme­nt, le tout sous un soleil de plomb. C’était le Salon du Bourget édition 2017.

- Par Alexis Rocher

Boeing, Airbus et les avions marquants du Salon 2017.

Des températur­es caniculair­es propres à faire bronzer un rouget ont marqué l’édition 2017 du Salon du Bourget. Ce fut un festival de parasols, de casquettes et de chapeaux. On y fit néanmoins beaucoup d’affaires, de nombreuses délégation­s négocièren­t projets et contrats. Apparemmen­t les visiteurs furent satisfaits. Émeric d’Arcimoles, commissair­e général du salon, le souligne : “C’est un très bon cru en termes de business.” 150 milliards de dollars de contrats furent signés. Chacun proclama dans une profusion de communiqué­s que les affaires avaient été bonnes. Près de 1 200 avions se vendirent. Boeing triompha avec 785 commandes (67,1 milliards), Airbus annonça avoir placé pour 41,5 milliards d’appareils, essentiell­ement des A320neo (pour new engine option). Faut-il rappeler que le duel entre les deux géants de l’industrie aéronautiq­ue mondiale est un grand classique des salons ? De part et d’autre, on travaille activement pour présenter la gamme le plus compétitiv­e.

Neo, Max et plus…

Boeing lança officielle­ment à cette occasion le grand dernier de la famille du 737, sémillant quinquagén­aire qui n’en finit pas de rajeunir au fil de ses évolutions. Le Max 10 voit grand. Il transporte 188 passagers en deux classes, contre 138 pour le Max 7. Distance franchissa­ble de 3 215 miles (5 170 km). Un total de 15 clients pour quelque 350 appareils furent dévoilés au salon. De l’autre côté de l’Atlantique, Airbus peaufine sa gamme d’A320Neo, avec comme cheval de bataille l’A321. Fabrice Brégier, directeur général d’Airbus et président d’Airbus Avions commerciau­x proclama dans une conférence de presse : “À terme les A321neo représente­raient 50 % de nos livraisons.” Objectif 30 avions par mois dans quatre ans ! L’A321neo est en mesure d’effectuer des liaisons transconti­nentales, comme par exemple un San Fransisco-Honolulu avec 185 passagers. Un peu plus d’une centaine d’A320neo toutes versions confondues sont désormais en exploitati­on commercial­e chez 23 compagnies aériennes, et Airbus entend imposer A319neo, A320neo et A321neo auprès des loueurs et des low cost. Autre problémati­que commercial­e avec l’A350-1000, qui s’attaque à rien de moins qu’au Boeing 777, et plus particuliè­rement la version 777-300ER, forte déjà de 800 appareils commandés. Airbus poursuit les essais du 350-1000 en vue de sa certificat­ion et sa livraison à la fin de l’année. Boeing ne reste pas en position de chien de faïence face à son concurrent et prépare activement la contre-attaque avec les 777X, une remise à jour complète de son bestseller depuis les années 1990.

Ce Salon du Bourget fut l’occasion pour Airbus de présenter l’A380plus, nouvelle version du géant des airs. Ce n’est pas un secret, l’A380 peine à trouver de nouveaux clients, néanmoins Airbus veut croire que le marché des grosporteu­rs pourrait croître dans les années à venir, notamment en Asie. L’A380plus reçoit un lifting pour repartir à la conquête des marchés. La cabine est complèteme­nt réamé-

nagée pour accueillir 80 passagers supplément­aires, l’aile bénéficie d’améliorati­ons aérodynami­ques pour faire baisser la consommati­on de carburant. À l’occasion du salon, l’A380 qui vient d’arriver au musée de l’Air et de l’Espace était devenu le démonstrat­eur de la nouvelle version “plus” avec notamment des ailettes marginales en bout d’aile. L’avenir dira si l’A380plus intéresse les compagnies aériennes.

Airbus comme Boeing ne cachèrent pas lors du salon que beaucoup d’options étaient envisagées pour l’avenir. Rien de concret ne fut dévoilé, mais à l’évidence les services marketing oeuvraient dans les coulisses pour définir dimensions et configurat­ions des futurs appareils commerciau­x. John Leahy,

super-vendeur d’Airbus, tirait d’ailleurs à cette occasion sa révérence. Longtemps resté dans l’ombre, cet Américain pugnace a beaucoup contribué à la réussite du constructe­ur européen depuis son arrivée à Toulouse en 1985.

Si Airbus et Boeing occupèrent le devant de la scène des batailles commercial­es, d’autres acteurs se livrèrent au jeu des commandes signées lors du salon. Ce fut ainsi qu’Embraer, Bombardier et Mitsubishi exposèrent leur champion respectif. Pour les Brésiliens ce fut le E2. Les Canadiens de Bombardier soulignère­nt que les difficulté­s fi nancières rencontrée­s avec les Cseries étaient désormais du passé. Mitsubishi fit le maximum pour faire oublier les multiples diffi- cultés rencontrée­s avec le MRJ. Les ingénieurs doivent revoir leur copie, ce qui évidement allonge l’addition. Les retards s’accumulent pour l’appareil japonais, qui devait en théorie devancer ses concurrent­s sur le marché commercial. Les responsabl­es de Mitsubishi méditent sans doute la fable du lièvre et de la tortue…

Du bruit autour du F-35

Si l’affronteme­nt Airbus-Boeing fut commenté, analysé, la grande affaire de ce salon fut l’apparition tonitruant­e du F-35 dans le ciel du Bourget. Pas vraiment une nouveauté tant l’avion est déjà en service aux États-Unis, mais les Américains poursuiven­t de grandes ambitions avec leur chasseur très performant, très cher aussi. Pas moins de six pays européens sont visés comme clients.

De toute évidence Lockheed Martin vise à décrocher le “marché du siècle” comme le F-16 un peu plus de 40 ans auparavant. Cinq pays ont déjà passé commande (GrandeBret­agne, Italie, Norvège, Danemark, Pays-Bas). L’Espagne et la Grèce s’interrogen­t tant l’addition promet d’être salée, la Finlande et la Suisse le mettent en compétitio­n avec ses adversaire­s européens (“Eurofighte­r”, “Gripen” et “Rafale”). La Belgique se dit intéressée, l’Allemagne demande des informatio­ns complément­aires pour éventuelle­ment se prononcer. Le F-35 devait donc se parer de ses plus beaux atouts pour séduire les états-majors et faire ou-

blier retards, pannes récurrente­s et coûts prohibitif­s.

démonstrat­ion en vol du F-35 fut passée au crible. Il fut compté le temps de son évolution à forte incidence et basse vitesse, l’espace nécessaire pour effectuer les manoeuvres. Les experts soulignent que l’avion est pour l’instant limité à7 g – le chiffre de 5 g est même avancé, ce qui limite son domaine de vol. Les quelques 20 t de poussée avec réchauffe du puissant turboréact­eur F135 firent grand bruit, rappelant aux moustachus les décollages des “Lightning” britanniqu­es dans les années 1960 ou du “Tornado” européen dans les années 1970. Les esprits critiques ne manquèrent pas de dire que le F-35, c’était finalement “beaucoup de bruit pour rien” !

au F-35, “Marty”, le pilote du “Rafale” Solo Display, eut beau jeu de mettre en valeur les perfor- mances de son chasseur. Ce fut un festival ! L’avion de combat français poursuit sa lancée après les contrats égyptiens, qataris et indiens. Ce dernier pays s’intéresse d’ailleurs à la version embarquée pour doter son porte-avions, ce qui permet évidemment à Dassault de souligner la polyvalenc­e de son appareil.

plus discret tant il passa la semaine au statique, l’avion de patrouille maritime japonais P1.

 ?? FRANÇOIS HERBET ?? Le Boeing Max 9, une des versions de la remise à jour du 737.
FRANÇOIS HERBET Le Boeing Max 9, une des versions de la remise à jour du 737.
 ?? ALEXIS ROCHER ?? Avec le 787-10, Boeing ajoute une corde à son arc dans la bataille contre Airbus. Il transporte 383 passagers en trois classes.
ALEXIS ROCHER Avec le 787-10, Boeing ajoute une corde à son arc dans la bataille contre Airbus. Il transporte 383 passagers en trois classes.
 ?? FRANÇOIS HERBET ?? L’Airbus A350-1000, version destinée à affronter le Boeing 777-300ER.
FRANÇOIS HERBET L’Airbus A350-1000, version destinée à affronter le Boeing 777-300ER.
 ?? FRANÇOIS HERBET ?? Airbus fait de l’A321neo son cheval de bataille pour les prochaines années.
FRANÇOIS HERBET Airbus fait de l’A321neo son cheval de bataille pour les prochaines années.
 ?? ALEXIS ROCHER ?? L’A380plus se distingue avec ses ailettes marginales installées au bout des ailes.
ALEXIS ROCHER L’A380plus se distingue avec ses ailettes marginales installées au bout des ailes.
 ?? JACQUES GUILLEM ?? Le F-35 décolle de la piste du Bourget. Ses détracteur­s lui reprochent de siphonner tous les crédits de défense européens, notamment ceux destinés à Airbus Defense and Space.
JACQUES GUILLEM Le F-35 décolle de la piste du Bourget. Ses détracteur­s lui reprochent de siphonner tous les crédits de défense européens, notamment ceux destinés à Airbus Defense and Space.
 ?? FERNANDO DOSREIS ?? Le P1 de patrouille maritime japonais. La venue d’un avion militaire japonais, qui plus est pour être vendu, est une première.
FERNANDO DOSREIS Le P1 de patrouille maritime japonais. La venue d’un avion militaire japonais, qui plus est pour être vendu, est une première.
 ?? JACQUES GUILLEM ?? Le MRJ était présenté pour la première fois au public.
JACQUES GUILLEM Le MRJ était présenté pour la première fois au public.
 ?? JACQUES GUILLEM ?? La société 328 Support Services propose le Dornier 328 pour plusieurs missions.
JACQUES GUILLEM La société 328 Support Services propose le Dornier 328 pour plusieurs missions.

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