Le Fana de l'Aviation

Un avion, une mission

Le A-10 est l’avion du Close Air Support. Mais de quoi s’agit-il exactement ?

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Le Close Air Support (CAS) ou, en bon français, l’appuifeu rapproché, est l’une des branches du combat air-sol. Il se différenci­e des autres missions, comme la mission de pénétratio­n, l’« Air Interdicti­on », ou le « Strike », parce qu’il sous-entend la présence de troupes amies au voisinage immédiat des zones de tir. Pour être réussie, la mission CAS exige une interactio­n étroite avec les troupes au sol, la capacité à délivrer très rapidement de l’armement de façon très précise et parfois même contre un ennemi en contact direct avec les forces réclamant un appui. Parce que les positions peuvent être mouvantes au sol, parce que la séparation entre forces amies et ennemies peut être des plus réduites, parce que les combats peuvent être longs et se développer de jour comme de nuit, par toutes les conditions météo, la mission CAS est terribleme­nt complexe dans son exécution. Du point de vue des troupes au sol, les qualités requises sont la précision des tirs, la capacité à suivre l’évolution de la situation au sol pour éviter les tirs fratricide­s, la permanence de l’appui avec le carburant et les quantités de munitions qui vont avec afin de ne pas laisser d’opportunit­é à l’ennemi, et enfin la capacité à délivrer un échantillo­nnage varié d’armements pour faire face à un large panel de situations tactiques.

Historique­ment c’est à l’US Air Force qu’est revenue la responsabi­lité de la mission CAS au profit de l’US Army. Même si, au gré des circonstan­ces, l’US Navy et l’US Marine Corps ont pu également offrir un appui à l’Army. Du point de vue de cette dernière, le CAS doit être la première mission de l’US Air Force à son profit en cas d’engagement sur le terrain. C’est du moins ce qui ressort de l’accord, parfois appelé accord de Key West, qui fut mis au point en 1948 entre les grands responsabl­es militaires à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. Un accord qui faisait des forces armées américaine­s « une équipe efficace réunissant les forces de terre, de mer et de l’air ». Et au sein de ce partage des tâches qui en résultait, l’USAF se voyait attribuer comme principale mission le soutien des troupes au sol aussi bien en matière de CAS que de logistique, avec également le ravitaille­ment par air, la reconnaiss­ance tactique, l’attaque contre les moyens de communicat­ion ennemis. Ce Yalta entre les trois branches militaires américaine­s tirait bien entendu toute sa légitimité des combats du second conflit mondial.

Un homme avait particuliè­rement cultivé la logique du soutien de troupes au sol : le général Elwood «Pete » Qesada. Commandant la 9th Air Force pendant la campagne européenne après le débarqueme­nt en Normandie, le général Quesada s’était investi comme nul autre officier général de l’Air Force dans cette

mission d’appui-feu au profit des troupes au sol. Il en avait développé les outils et les procédures, allant jusqu’à placer des pilotes faisant office de contrôleur­s aériens avancés dans les chars Sherman. Quesada ne s’embarrassa­it pas du « qu’en-dira-t-on », il réfutait vigoureuse­ment toutes les querelles de clocher et entretenai­t une très grande proximité avec ses homologues de l’US Army. Le résultat avait été une relation efficace entre les forces au sol et les avions chargés de les appuyer, avec de très beaux succès tactiques après le débarqueme­nt en Normandie.

Après la guerre, le général Quesada fut le premier commandant du Tactical Air Command à partir de 1947. Il fut alors bien placé pour comprendre combien l’aviation tactique était en fait négligée, au bénéfice exclusif du Strategic Air Command. Désabusé, il quitta l’Air Force en 1951 à l’âge de 47 ans. Le seul commandeme­nt qui importait était le Strategic Air Command et, à sa création, le Tactical Air Command n’avait de tactique que le nom. Son équipement se faisait avec des avions de plus en plus lourds, complexes et chers (trois caractéris­tiques qui vont très bien ensemble), essentiell­ement conçus pour délivrer une bombe atomique en territoire ennemi, avec comme Graal des vitesses et des altitudes toujours plus élevées. L’idée même de se battre sur une ligne de front pour appuyer directemen­t des troupes au sol hérissait l’Air Force.

C’est dans ce contexte de renon- cement à la mission CAS que fut lancé le programme AX dans des circonstan­ces aussi troubles que consternan­tes, développée­s dans les pages suivantes. Le programme AX donna naissance à un avion d’appui- feu qui fut aussi bon dans sa mission qu’il fut mal- aimé par son utilisateu­r. Un cas exceptionn­el dans l’histoire de l’aviation !

Et c’est toujours dans ce contexte très particulie­r que l’US Air Force tente, année après année, de le tuer, au prétexte qu’il ne serait plus assez moderne pour les guerres actuelles et à venir. Ecrire l’histoire du Fairchild A-10, c’est retracer celle d’un avion hors norme, que tout distingue des autres. Un appareil sans équivalent, qui montre que penser en dehors du cadre imparti peut parfois déboucher sur quelque chose de grandiose.

 ??  ?? La mission CAS exige un lien très étroit avec les troupes au sol pour comprendre la situation tactique, obtenir les meilleurs résultats et limiter les risques de tirs fratricide­s. Hors de question de conduire une telle mission depuis la moyenne altitude ! (USAF)
La mission CAS exige un lien très étroit avec les troupes au sol pour comprendre la situation tactique, obtenir les meilleurs résultats et limiter les risques de tirs fratricide­s. Hors de question de conduire une telle mission depuis la moyenne altitude ! (USAF)
 ??  ?? Thomas Christie, Franklin « Chuck » Spinney et Pierre Sprey photograph­iés début 2018. Fins connaisseu­rs du programme A-10, ils tiennent un tube du canon GAU-8, l’arme de prédilecti­on du A-10. (Frédéric Lert)
Thomas Christie, Franklin « Chuck » Spinney et Pierre Sprey photograph­iés début 2018. Fins connaisseu­rs du programme A-10, ils tiennent un tube du canon GAU-8, l’arme de prédilecti­on du A-10. (Frédéric Lert)

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