Le Fana de l'Aviation

Touché sur le Kosovo, mais pas coulé !

Le major Phil « Goldie » Ham, pilote de A-10 au sein du 81st Fighter Squadron, a été engagé pendant l’opération Allied Force au-dessus du Kosovo. Le 2 mai 1999, il a été touché par un missile sol air portable SA-14. Voici son récit.

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Le Kosovo était un terrain d’opération minuscule, en forme de diamant, d’à peine 60 miles de côté.Au fil du temps, j’avais acquis une bonne connaissan­ce du terrain, de la situation au sol et de bon nombre des ruses mises en oeuvre par les Serbes pour nous échapper. Ils n’utilisaien­t plus les routes et cachaient leurs lance-missiles pendant le jour, pour ne les sortir que la nuit. Quant à nous, nous ne quittions pas la moyenne altitude, bien à l’abri des armes automatiqu­es et des missiles portables. Et je dois avouer qu’après 25 missions, j’avais un peu tendance à me croire invulnérab­le… Grave erreur !

Le 2 mai, je suis donc arrivé à l’unité pour préparer la mission. Je trouve la salle d’ops en pleine ébullition, un F-16 vient de se faire descendre deux heures plus tôt ! Je continue la préparatio­n mon vol : je dois être “mission commander ” pour une patrouille dans l’est de la province. En épluchant les dossiers d’objectifs, je trouve un lot de photos d’un nouvel emplacemen­t d’artillerie qui semble bien intéressan­t et je pars là-dessus. Mon indicatif est alors Lynx 11 et mon ailier Lynx 12.

En attendant les SEAD

Les opérations de récupérati­on du pilote de F-16 abattu retardent l’arrivée des moyens SEAD (1) qui doivent nous appuyer. Les règles d’engagement nous interdisen­t alors de pénétrer au Kosovo sans soutien électroniq­ue. On tourne au sud de la frontière pendant trente minutes, en attendant qu’arrivent les avions qui nous ont été affectés. Puis Magic (2) nous prévient que les SEAD sont “on station ” et on pénètre enfin en territoire hostile. L’objectif que j’ai repéré est 30 miles au nord de Pristina. En approchant de la zone, je sors mes jumelles et je vois tout de suite un canon automoteur d’artillerie installé en lisière d’un bois. Mais en même temps, Magic a rappelé sur la fréquence en annonçant que les F-16CJ SEAD sont en fait sur la partie ouest du Kosovo et que la couverture de ma zone va très bientôt se

terminer. Je sais que je n’aurai droit qu’à une passe de tir avec un Maverick. En commençant la passe, je réalise que le contraste thermique n’est pas assez satisfaisa­nt pour obtenir un verrouilla­ge sur la cible avec l’autodirect­eur. Malgré tout, sachant que je n’aurai pas de deuxième occasion ce jour- là, je décide de tenter ma chance. C’est la bonne décision puisque le missile trouve sa proie. Il est temps pour moi de ravitaille­r et je prends alors un cap au sud pour rejoindre un ravitaille­ur. Je prends bien garde d’éviter Pristina et son réseau de SAM : Magic vient tout juste de m’annoncer que je n’avais plus de soutien SEAD. Malgré tout, je ne peux pas m’empêcher de chercher d’autres indication­s d’une activité militaire au sol, sur les routes et dans les vallons. Je suis alors quatre miles au nord de G-Town (3) en train de prendre de l’altitude lorsque j’aperçois un layon qui part dans un sous-bois. Un coup d’oeil dans les jumelles et je repère deux blindés qui sont planqués là. Je marque la position sur ma carte, avec l’idée de revenir une fois le ravitaille­ment terminé. Je contacte également Magic pour qu’il fournisse un appui SEAD le temps de l’attaque. Après quelques minutes, Magic revient sur la fréquence pour m’annoncer que je vais avoir un soutien électroniq­ue pendant une fenêtre de vingt minutes seulement.

Je me déconnecte alors du ravitaille­ur, je reprends un cap au nord et rejoins la zone repérée. Je pense alors que l’attaque allait être rapide, sauf que j’ai oublié un détail : j’ai identifié mon layon en venant du nord, et là j’ar- rive maintenant du sud, ce qui m’induit en erreur. J’ai retrouvé un chemin de terre, mais ce n’était pas le bon. »

Le major Ham s’aperçoit rapidement de son erreur et remet les gaz pour entamer une bonne présentati­on, sur le bon chemin cette fois. Les deux blindés restent toutefois difficiles à viser : le contraste thermique n’est pas suffisant pour le Maverick, le chemin est bordé de trop près par les arbres et la vallée trop étroite pour attaquer à la bombe. Dernière solution, le tir canon, mais à condition de se rapprocher du sol. La prise de risque se justifie-t-elle ? Le major Ham coupe la poire en deux : il demande à son ailier de larguer deux bombes Mk82 pour faire baisser les têtes, pendant qu’il entame sa passe canon.

« Les deux bombes d’Andy tapent trop long, sans toucher les blindés. Les minutes ont filé depuis que les F-16CJ se sont mis en place pour brouiller la zone et je sais que le temps est compté : je n’aurai droit qu’à une passe de tir. Je vais donc essayer de straffer les deux chars simultaném­ent. Je descends, j’aligne, je tire, mon ailier confirme des impacts sur les deux chars. »

Mais quelques secondes plus tard, Lynx 12 annonce avoir perdu le visuel de son leader. Rien d’anormal selon Lynx 11 : un ailier qui garde ses yeux en permanence sur son leader ne prend pas le temps de regarder le sol. Alors qu’il donne sa position à son ailier, Ham ressent un choc puissant venant du côté droit de son A-10. L’avion embarque sur la droite et le pilote doit mettre tout le pied possible à gauche pour le garder en ligne de vol.

Retour sur un moteur

« Lynx 12, je viens de me faire allumer !... Je prends un cap au sud… »

Dans le poste, le major se bat à présent aux commandes pour contrôler son avion. Son panneau d’alarmes est allumé « comme un arbre de Noël », pour reprendre l’expression consacrée. Un coup d’oeil par-dessus son épaule et le pilote mesure l’étendue des dégâts : un capotage du moteur droit s’est volatilisé et le fan de son réacteur semble immobile. Le soleil perce à travers le moteur en divers endroits. Il manque des morceaux et, comme dirait Bourvil, «C’est sûr que ça va moins bien marcher… » !

« Je vérifie une nouvelle fois que j’ai un bon cap pour rejoindre la Macédoine et les territoire­s amis, poursuit le major Ham. Puis j’abaisse légèrement le nez pour garder une bonne vitesse sur un seul moteur. Là, j‘aperçois mon ailier qui m’avait perdu de vue. Il est à deux miles devant moi et ne m’a toujours pas retrouvé en visuel. Je lui demande de tourner de 90° sur sa droite pour me retrouver. J’ai mon avion sous contrôle et j’ai récupéré mon ailier : la situation ne serait pas si mauvaise si je n’étais pas à bord d’un appareil gravement endommagé, audessus d’un territoire pourri de DCA et de missiles, et à une altitude trop faible pour me mettre à l’abri. Une chose est certaine pour moi à ce

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Présent à Italie pendant l’opération Allied Force, cet appareil du 81st FS démontre l’excellent accès à la motorisati­on. La nacelle s’ouvre en trois parties articulées qui permettent un changement moteur rapide. (Frédéric Lert)

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