Cabinet de curiosités à ciel ouvert
Tous les ans, vers la fin du mois de juillet, l’aéroport d’Oshkosh, dans le Wisconsin, concentre un nombre incroyable de bizarreries et trésors aéronautiques.
Airventure 2018, qui s’est tenu fin juillet à Oshkosh, dans le Wisconsin, pourrait se résumer à des chiffres… ahurissants : 600 000 visiteurs – dont 3 000 étrangers venus de 87 pays – sur une semaine, presque un millier de représentants des médias, et, sur le seul aéroport Witman Regional, 19 588 mouvements d’avions sur la période du 20 au 30 juillet, soit approximativement 134 décollages/ atterrissages par heure ! Chaque fin juillet, l’aéroport d’Oshkosh se targue d’avoir la plus forte densité de trafic au monde… Cette année, l’Experimental Aircraft Association, qui organise depuis 1954 ce qui est devenu la grande messe mondiale de l’aviation de loisir, a dénombré 2 979 avions exposés : 1 160 de construction amateur, 1 094 dits “vintage”, 377 warbirds, 185 ULM et LSA (Light Sport Aircraft), 75 hydravions, 22 hélicoptères, 52 avions de voltige, et 14 montgolfières. Pour ceux qui ont des goûts étendus en aviation, les sept jours que dure cet événement suffisent à peine. Entre assister à un atelier de soudure ou d’entoilage, écouter Dick Cole, le
dernier membre d’équipage survivant du fameux raid des 16 B-25 de Doolittle sur Tokyo en avril 1942, ou encore assister à une conférence sur l’emploi d’essence sans plomb dans les moteurs d’avions anciens, le choix est parfois cornélien…
Flâner en épicurien
Chaque matin, la consultation du long, très long programme des réjouissances de la journée est un quasi- must, qui engendre pour les plus forcenés la rédaction d’un emploi du temps… serré. L’autre solution consiste à se laisser porter par les vents pour flâner en épicurien, en s’affranchissant des contraintes
Participer à un atelier soudure ou écouter Dick Cole évoquer le raid de Doolittle ?”
du “je veux tout voir, je veux tout faire”. Car il faut s’y résoudre : il est impossible de tout voir et tout faire à AirVenture, car il s’y passe en moyenne une vingtaine d’événements toutes les heures, en même temps… L’épicurien, lui, saura prendre le temps d’une discussion impromptue sous l’aile d’un A-26 “Invader”, ou se laissera surprendre par le décollage du Boeing 757… trimoteur de la firme Honeywell, pourtant bien annoncé dans le programme du matin, disponible dans le petit journal imprimé tous les jours et distribué gratuitement, et sur l’application pour smartphone en téléchargement libre. Peu importe… il savourera le moment pour ce qu’il est : quelques secondes d’une aviation peu commune, à contempler l’élévation dans les airs d’une bizarrerie aéronautique… comme AirVenture en recèle beaucoup !
Accouplements improbables
demeurera perplexe en regardant les évolutions improbables d’un accouplement tout aussi improbable de deux Yak-55 autour d’un réacteur General Electric CJ610- 6, baptisé très logiquement Yak-110. La bête a été conçue uniquement pour proposer sur le marché du spectacle aérien
quelque chose qui n’avait encore jamais été vu… Pari gagné, ou comment recycler de façon spectaculaire un avion de voltige qui n’a pas connu le succès. L’épicurien se laissera enthousiasmer au bord de la piste des ULM, alors que le soleil vient de se coucher, par l’incroyable décollage en 20 m du Draco, Frankenstein aéronautique conçu par l’Américain Mike Patey sur la base du dernier PZL-104 “Wilga” jamais produit dont il a remplacé le moteur en étoile AI-14RA de 260 ch par une turbine PT6 de… 680 ch ! Draco grimpe littéralement aux arbres… et se pose sur pas plus long qu’il ne lui en faut pour décoller… si on enclenche la reverse au bon moment. Et de nuit comme de jour grâce à ses phares à LED de Boeing… Le lendemain, en voyant évoluer dans les airs le dernier S-3B “Viking” encore en état de vol, exploité par la fameuse Nasa, il se dira que décidément, AirVenture est un fabuleux cabinet de curiosités à ciel ouvert, un endroit unique, avec une atmosphère qu’on ne retrouve nulle part ailleurs…
peine remis d’un spectacle aérien de nuit durant lequel le ciel a été embrasé par un “Super Chipmunk” pyrotechnique, un Yak-55 à LED ou une patrouille de quatre T- 6 à gros fumigènes, l’épicurien s’extasiera au petit matin devant les courbes gracieuses du “Spitfire” récemment restauré de la collection Vintage Wings of Canada (Ailes d’époque du Canada, disent les Québécois) du Canadien Michael Potter, et celles tout aussi gracieuses des petits DHC-1 “Chipmunk” – centenaire de la naissance de la RAF oblige. À ce titre, il savourera de pouvoir faire le tour, dans la lumière dorée et l’air devenu plus léger du soleil couchant, d’un rare Gloster “Meteor”, aujourd’hui le plus vieux jet encore en état de vol, sans qu’aucune barrière ne gâche l’intimité du moment… Il profitera encore de cette absence de barrières entre humains et avions pour examiner sous toutes ses coutures, jusque dans la profondeur de ses entrailles, un North American P-51C “Mustang” tout juste sorti de l’atelier de restauration AirCorps Aviation. Et il apprendra juste avant de quitter – à regret – Oshkosh, que ce “Mustang” rutilant a reçu le trophée de Grand Champion de la caté-
Super Chipmunk” pyrotechnique et Yak-55 à LED embrasent la nuit”
gorie Warbirds-Deuxième Guerre mondiale. Il se dira alors que ce titre est mérité, tant l’avion, bien que neuf, transpire l’authenticité jusque dans ses moindres détails.
Il sera alors gagné par l’inquiétude… Qu’aura de plus à offrir EAA AirVenture Oshkosh 2019, qui aura lieu du 22 au 28 juillet 2019 ? Il entendra alors les paroles rassurantes de Jack Pelton, patron de l’Experimental Aircraft Association : “Nous célébrerons notre 50e année consécutive de présence à Oshkosh, et nous évoquerons avec les avions ce demi- siècle passé sur Wittman Regional Airport ; nous sommes déjà en contact avec des groupes et des personnes qui ont des idées originales tant pour les avions, que pour les innovations, que pour les stands et les événements. Nous avions déjà commencé à planifier 2019 et nous ne tarderons pas à faire les premières annonces”.