QUAND LES YEUX DIRIGENT L’ACTION…
Du viseur tête haute aux projections sur la visière des casques, la présentation des informations aux pilotes est en évolution permanente.
Le HUD ou, en français, la VTH, permet aujourd’hui la projection sur une surface semi-réfléchissante d’informations essentielles devant les yeux du pilote. Celui-ci n’a plus à regarder son tableau de bord : les informations capitales, pour le pilotage à court terme, lui sont présentées sur une surface transparente superposée à sa vision normale de l’environnement extérieur. Les informations sont collimatées à l’infini et ne nécessitent pas d’accommoder la vue. A condition de savoir faire le tri et de se li- miter intelligemment au seul affichage de données utiles, le HUD est un formidable progrès ainsi qu’un facteur de sécurité essentiel. Et, paradoxalement, c’est une sorte de retour aux sources…
Regarder dedans ou dehors ?
Les premiers pilotes ne pouvaient que regarder dehors pour apprécier les conditions de vol. Ils n’étaient alors guidés que par la seule perception de leur environnement, l’oeil jouant un
rôle essentiel. « Les yeux dirigent l’action », dit l’adage. La sophistication croissante des appareils a ensuite ramené leur regard dans le poste de pilotage : il s’agissait de surveiller des instruments toujours plus nombreux et complexes. Le vol aux instruments permit de franchir une étape importante, rendue possible par le gyroscope capable de donner une référence fixe dans l’espace. Les pilotes se fiaient alors pour leur vol à des instruments leur donnant une représentation de la réalité. Ça marchait plutôt bien, à condition toutefois de savoir interpréter et synthétiser les informations données. Mais la médaille avait un revers considérable : le pilote ne regardait plus son environnement, focalisant son attention sur ses instruments. La charge de travail, déjà énorme, ne fit qu’augmenter au fur et à mesure que l’on voulait gagner en précision. L’arrivée des écrans multifonctions à cristaux liquides ne changea rien sur le fond finalement : certes ils permettaient de fusionner l’information et de la présenter de façon synthétique, mais ils exigeaient toujours que le pilote fo- calise son attention sur le tableau de bord, en interprétant des chiffres et des flèches. De temps en temps, il était tout de même autorisé à risquer un oeil à l’extérieur pour essayer de voir une piste ou bien assurer la veille autour de son avion.... En s’affranchissant des limites naturelles, les ingénieurs avaient d’une certaine manière multiplié la complexité des situations et les sources d’erreurs potentielles.
Avec le HUD, le mouvement s’est donc inversé. Sans rien renier de la sophistication des avions et de leurs instrumentations, le pilote retrouve la vision directe du monde extérieur, enrichie des informations nécessaires au pilotage. De jour comme de nuit, par tous les temps, le HUD devient l’instrument de vol principal permettant de gérer toutes les phases du vol : depuis le décollage jusqu’à l’atterrissage, en passant par la navigation et le combat... Sans surprise, les premiers utilisateurs sont les pilotes de chasse dont le besoin est multiple : piloter l’avion, gérer le système d’arme, surveiller le ciel et suivre du regard la cible. Disposer des paramètres de pilotage essentiels, gérer son système d’arme du bout des doigts sans jamais quitter la cible des yeux devient alors possible. Avec le HUD, le pilote gagne en outre une représentation imagée et simple du bilan d’énergie de son avion : dans les situations extrêmes d’un combat aérien, il visualise d’un coup d’oeil le comportement de son appareil et ses possibilités.
C’est un progrès essentiel par rapport au collimateur qui équipait auparavant les appareils. Certes l’outil pouvait être très sophistiqué, avec l’apparition, au cours de la Seconde Guerre mondiale, de réticules adossés à un calculateur mécanique prenant en compte la vitesse de l’avion et la distance estimée de la cible. Mais le collimateur ne servait qu’à viser et tirer.
Accroître la sécurité à proximité du sol
Une fois n’est pas coutume, les choses ont été moins claires dans le domaine commercial. L’urgence d’abattre son prochain ne faisant pas partie des préoccupations de l’équipage, le débat a été plus passionné sur l’emploi du HUD. Bien évidemment, l’idée de base n’était plus de viser une cible mais bien d’accroître la sécurité, particulièrement à proximité du sol, et même de réduire les minima à l’atterrissage. Mais en affichant quelles informations ? Fallait-il faire du HUD
un simple répétiteur de la planche de bord, sans valeur ajoutée sur la gestion de la trajectoire et du niveau d’énergie ? Ou bien profiter de l’affichage synthétique pour offrir aux pilotes un véritable collimateur de pilotage pour en quelque sorte reproduire les conditions du vol à vue et laisser libre l’esprit du pilote dans sa prise de décision ? Les limitations initiales de la technologie firent de la première solution la plus simple à mettre en oeuvre.
Le développement des approches aux instruments automatisées porta également de rudes coups à l’idée d’un collimateur de pilotage. Le pilote n’ayant plus à voir la piste, pourquoi
aurait-il fallu lui fournir un équipement lui permettant de le faire ? Le grand André Turcat avait beau expli
quer que «pourvoirdehors,ilfaut commencerparbiennettoyerlepare
brise», l’avenir passait selon lui par l’atterrissage automatique. Et, dans cette logique, l’installation d’un affichage devant le pilote n’aurait eu d’autre effet que de gêner sa vision extérieure… Sauf qu’en projetant les informations en surimpression du paysage extérieur, le HUD évite les mouvements de tête entre la planche de bord et le pare- brise. C’est un confort doublé de plus de sécurité.
Le temps a passé et le HUD s’est progressivement invité dans la plupart des cockpits.Air France reçut ses premiers équipements lors de la fusion avec Air Inter en 1997, lorsque les A320 de la compagnie intérieure équipés de HUD Sextant furent intégrés à sa flotte. Les A380 de la compagnie nationale sont aujourd’hui équipés de deux HUD, systématiquement utilisés au décollage et à l’atterrissage. Les Boeing 787 et les Airbus A350 reçoivent également l’affichage tête haute. Les avions sont précâblés mais l’équipement reste optionnel : certaines compagnies ne