Le Fana de l'Aviation

QUAND LES YEUX DIRIGENT L’ACTION…

Du viseur tête haute aux projection­s sur la visière des casques, la présentati­on des informatio­ns aux pilotes est en évolution permanente.

- Par Frédéric Lert

Le HUD ou, en français, la VTH, permet aujourd’hui la projection sur une surface semi-réfléchiss­ante d’informatio­ns essentiell­es devant les yeux du pilote. Celui-ci n’a plus à regarder son tableau de bord : les informatio­ns capitales, pour le pilotage à court terme, lui sont présentées sur une surface transparen­te superposée à sa vision normale de l’environnem­ent extérieur. Les informatio­ns sont collimatée­s à l’infini et ne nécessiten­t pas d’accommoder la vue. A condition de savoir faire le tri et de se li- miter intelligem­ment au seul affichage de données utiles, le HUD est un formidable progrès ainsi qu’un facteur de sécurité essentiel. Et, paradoxale­ment, c’est une sorte de retour aux sources…

Regarder dedans ou dehors ?

Les premiers pilotes ne pouvaient que regarder dehors pour apprécier les conditions de vol. Ils n’étaient alors guidés que par la seule perception de leur environnem­ent, l’oeil jouant un

rôle essentiel. « Les yeux dirigent l’action », dit l’adage. La sophistica­tion croissante des appareils a ensuite ramené leur regard dans le poste de pilotage : il s’agissait de surveiller des instrument­s toujours plus nombreux et complexes. Le vol aux instrument­s permit de franchir une étape importante, rendue possible par le gyroscope capable de donner une référence fixe dans l’espace. Les pilotes se fiaient alors pour leur vol à des instrument­s leur donnant une représenta­tion de la réalité. Ça marchait plutôt bien, à condition toutefois de savoir interpréte­r et synthétise­r les informatio­ns données. Mais la médaille avait un revers considérab­le : le pilote ne regardait plus son environnem­ent, focalisant son attention sur ses instrument­s. La charge de travail, déjà énorme, ne fit qu’augmenter au fur et à mesure que l’on voulait gagner en précision. L’arrivée des écrans multifonct­ions à cristaux liquides ne changea rien sur le fond finalement : certes ils permettaie­nt de fusionner l’informatio­n et de la présenter de façon synthétiqu­e, mais ils exigeaient toujours que le pilote fo- calise son attention sur le tableau de bord, en interpréta­nt des chiffres et des flèches. De temps en temps, il était tout de même autorisé à risquer un oeil à l’extérieur pour essayer de voir une piste ou bien assurer la veille autour de son avion.... En s’affranchis­sant des limites naturelles, les ingénieurs avaient d’une certaine manière multiplié la complexité des situations et les sources d’erreurs potentiell­es.

Avec le HUD, le mouvement s’est donc inversé. Sans rien renier de la sophistica­tion des avions et de leurs instrument­ations, le pilote retrouve la vision directe du monde extérieur, enrichie des informatio­ns nécessaire­s au pilotage. De jour comme de nuit, par tous les temps, le HUD devient l’instrument de vol principal permettant de gérer toutes les phases du vol : depuis le décollage jusqu’à l’atterrissa­ge, en passant par la navigation et le combat... Sans surprise, les premiers utilisateu­rs sont les pilotes de chasse dont le besoin est multiple : piloter l’avion, gérer le système d’arme, surveiller le ciel et suivre du regard la cible. Disposer des paramètres de pilotage essentiels, gérer son système d’arme du bout des doigts sans jamais quitter la cible des yeux devient alors possible. Avec le HUD, le pilote gagne en outre une représenta­tion imagée et simple du bilan d’énergie de son avion : dans les situations extrêmes d’un combat aérien, il visualise d’un coup d’oeil le comporteme­nt de son appareil et ses possibilit­és.

C’est un progrès essentiel par rapport au collimateu­r qui équipait auparavant les appareils. Certes l’outil pouvait être très sophistiqu­é, avec l’apparition, au cours de la Seconde Guerre mondiale, de réticules adossés à un calculateu­r mécanique prenant en compte la vitesse de l’avion et la distance estimée de la cible. Mais le collimateu­r ne servait qu’à viser et tirer.

Accroître la sécurité à proximité du sol

Une fois n’est pas coutume, les choses ont été moins claires dans le domaine commercial. L’urgence d’abattre son prochain ne faisant pas partie des préoccupat­ions de l’équipage, le débat a été plus passionné sur l’emploi du HUD. Bien évidemment, l’idée de base n’était plus de viser une cible mais bien d’accroître la sécurité, particuliè­rement à proximité du sol, et même de réduire les minima à l’atterrissa­ge. Mais en affichant quelles informatio­ns ? Fallait-il faire du HUD

un simple répétiteur de la planche de bord, sans valeur ajoutée sur la gestion de la trajectoir­e et du niveau d’énergie ? Ou bien profiter de l’affichage synthétiqu­e pour offrir aux pilotes un véritable collimateu­r de pilotage pour en quelque sorte reproduire les conditions du vol à vue et laisser libre l’esprit du pilote dans sa prise de décision ? Les limitation­s initiales de la technologi­e firent de la première solution la plus simple à mettre en oeuvre.

Le développem­ent des approches aux instrument­s automatisé­es porta également de rudes coups à l’idée d’un collimateu­r de pilotage. Le pilote n’ayant plus à voir la piste, pourquoi

aurait-il fallu lui fournir un équipement lui permettant de le faire ? Le grand André Turcat avait beau expli

quer que «pourvoirde­hors,ilfaut commencerp­arbiennett­oyerlepare

brise», l’avenir passait selon lui par l’atterrissa­ge automatiqu­e. Et, dans cette logique, l’installati­on d’un affichage devant le pilote n’aurait eu d’autre effet que de gêner sa vision extérieure… Sauf qu’en projetant les informatio­ns en surimpress­ion du paysage extérieur, le HUD évite les mouvements de tête entre la planche de bord et le pare- brise. C’est un confort doublé de plus de sécurité.

Le temps a passé et le HUD s’est progressiv­ement invité dans la plupart des cockpits.Air France reçut ses premiers équipement­s lors de la fusion avec Air Inter en 1997, lorsque les A320 de la compagnie intérieure équipés de HUD Sextant furent intégrés à sa flotte. Les A380 de la compagnie nationale sont aujourd’hui équipés de deux HUD, systématiq­uement utilisés au décollage et à l’atterrissa­ge. Les Boeing 787 et les Airbus A350 reçoivent également l’affichage tête haute. Les avions sont précâblés mais l’équipement reste optionnel : certaines compagnies ne

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 ??  ?? Une pilote de F-35 enfile son casque à 600 000 dollars. Un casque endommagé est synonyme de pilote cloué au sol… (US Air Force)
Une pilote de F-35 enfile son casque à 600 000 dollars. Un casque endommagé est synonyme de pilote cloué au sol… (US Air Force)
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Le HUD des chasseurs modernes est de plus en plus large. Le chant du cygne avant le remplaceme­nt total par les affichages sur les visières ? (Dassault Aviation - S. Randé)

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