COMMENT NAVIGUE-T-ON AUJOURD’HUI ?
« Inventer un aéroplane n’est rien, le construire est un début, voler c’est tout. » Ainsi Otto Lilienthal évoquait-il les balbutiements de l’aéronautique. Et si le célèbre vélivole allemand a plané à de nombreuses reprises, il n’a jamais eu à aller d’un p
Les premiers aéroplanes pouvaient suivre des repères au sol, les routes, les voies ferrées, les cours d’eau. Mais, dès les années 1920, avec la naissance de l’aviation commerciale, des moyens de repérages plus précis se sont avérés nécessaires, la navigation au compas ayant ses limites, conduisant à l’apparition des phares aériens, de repères spécifiques situés au sol et, bien sûr, puisque l’aviation doit énormément à la marine, à la navigation astronomique. Puisque les astronomes étaient capables de calculer et d’annoncer les positions des astres, il était possible de déduire une position en fonction de leur observation précise. Un chronographe précis, des éphémérides à jour et un sextant ont longtemps fait partie du lot de bord des avions longs courriers. Son enseignement s’est poursuivi en fonction des écoles et des armes jus-
qu’à très récemment, 2005 pour l’aviation française, mais depuis longtemps, c’était devenu un outil de tout dernier recours, à la limite de la tradition initiatrice.
La Seconde Guerre mondiale et ses opérations à très longue distance ont démontré l’intérêt de la radionavigation, d’une précision équivalente à la navigation astronomique mais d’une plus grande simplicité de mise en oeuvre.
Les radiophares émettaient un signal capté par les instruments de bord et en indiquaient la direction. Ainsi ces premières balises guidaient les avions vers elles et, de repères radios en repères radios, permettaient de tracer un itinéraire à longue distance et sans avoir besoin de garder le sol en vue ni de garder un oeil sur les étoiles.
Ce type de balise existe toujours sous la dénomination NDB, Non Directional Beacon ( gamme de fré- quence de 190 à 535 KHz), dont la réception est assurée par l’Automatic Direction Finder (ADF) à bord de l’avion. L’émission se faisant en grandes ondes, la portée des NDB est très longue. Le signal émis est l’identification de la balise sur deux ou trois lettres, en morse, permettant aux équipages de s’assurer qu’ils sont bien sur la bonne fréquence.
Balises NDB et VOR
Les NDB vont disparaître petit à petit, leur utilisation étant de plus en plus marginale. Néanmoins, elles demeurent intéressantes dans les régions les plus reculées car elles sont peu onéreuses à faire fonctionner.
Les balises VOR, VHF Omnidirectional Range, sont mises en service immédiatement après-guerre aux Etats-Unis. Opérant sur la gamme de fréquence de 108 à 117,95 MHz elles apportent la possibilité de suivre une route vers ou depuis ces balises. Elles sont souvent également équipées d’un (DME Distance Measuring Equipment) qui permet à l’équipage de connaître la distance qui le sépare de la balise, une information cruciale. Les VOR, plus perfectionnées que les NDB, autorisent des itinéraires plus variés et plus fins. Elles constituent des étapes importantes des routes aériennes. Les fréquences VHF qu’elles utilisent ont une portée dite « optique». En raison de la rotondité de la Terre, plus le récepteur est bas et plus la réception du signal est difficile. Néanmoins, à haute altitude, la portée utile est de plusieurs centaines de km. Elles sont, aujourd’hui encore, les balises de radionavigation les plus couramment utilisées par l'aviation civile, en raison de leur portée et de leur grande précision, surtout lorsqu’on se sert de
deux balises en recoupement. Une variante des balises VOR est utilisée pour les ILS (Instrument Landing System) qui amènent avec précision les avions jusqu’aux pistes d’atterrissage.
Aujourd’hui, les GPS étant présents dans tous les cockpits, ou presque, les VOR tendent progressivement à laisser la place à d’autres normes de navigation. Néanmoins pour qu’un avion puisse être capable de voler aux instruments, la réglementation exige que deux récepteurs VOR soient à bord et fonctionnels.
Les VOR-DME ont cependant un coût opérationnel certain. Dans de nombreux pays, beaucoup sont donc démantelés pour ne laisser que les plus stratégiques. Avec l’émergence du GPS, de moyen primaire, les VOR ont basculé depuis les années 2000 au statut d’outil de vérification.
Pour pratiques et efficaces qu’elles fussent, les balises n’avaient toutefois pas la portée requise pour les vols transocéaniques les plus longs.
Pour l’Atlantique, la route-nord permettait de suivre les routes aériennes tracées au-dessus du nord du Canada, du Groenland, de l’Islande pour arriver en Ecosse, mais, pour les vols trans-Pacifique, en l’absence de terres où poser une balise entre la côte californienne et Hawaï par exemple, sur cette route alors assez fréquentée, des navires étaient positionnés sur l’itinéraire des avions. Équipés d’une balise NDB ils assuraient aussi, en cas de besoin, les opérations de secours aux appareils en difficulté comme le fit le Pontchartrain le 15 octobre 1956 en récupérant l’équipage et les passagers d’un Boeing de la PanAm victime d’une panne de moteur. Mais ces moyens déployés étaient lourds et coûteux.
Navigation inertielle et satellitaire
Il fallait trouver une technologie permettant aux avions de naviguer de façon autonome. C’est la conquête spatiale qui apporta la solution avec les centrales de navigation inertielles, développées à partir de la Seconde Guerre mondiale et dont les premiers exemplaires utilisables sur les avions apparurent dans les années 1960. Ces centrales font reposer leur principe de fonctionnement sur des gyroscopes, des systèmes en mouvement rotatif constant et permanent d’une extrême stabilité naturelle, et des accéléromètres.
Chaque mouvement de l’aéronef porteur peut donc être calculé et quantifié. En extrapolant les accélérations subies, il devient possible de connaître la trajectoire de l’aéronef et donc, sa position précise à tout instant, à partir du moment où celle de départ a été entrée avec précision dans le calculateur. Néanmoins, ces instruments ont une dérive naturelle et il est nécessaire de recaler les centrales au cours du vol. Cette opération peut se faire en prenant un repère connu comme les balises de navigation classiques.
Sur la première génération de centrales, un clavier permettait à l'équipage d'insérer les coordonnées géographiques d'un certain nombre de «points tournants» vers lesquels le directeur de vol/pilote automatique guidait l'avion ; le «Carrousel» de Delco, en service sur les premières versions du 747, permettait d’entrer 9 points de navigation, obligeant l’équipage à enregistrer les points de navigation suivants au fur et à mesure de la progression du vol. Et une erreur de saisie pouvait s’avérer dramatique. Une des hypothèses les plus sérieuses sur la déviation de trajectoire du KAL007, le 1er septembre 1983, l’ayant entraîné à l’intérieur de l’espace aérien soviétique, et son interception par un Su-15 (269 morts) serait une erreur de frappe lors de la programmation d’un point de navigation.
Les centrales actuelles sont intégrées dans un système encore plus complexe de gestion du vol qui possède en mémoire les coordonnées de toutes les balises et points tournants, la nomenclature de toutes les routes
aériennes, permettant à l'équipage de charger à l'avance toute la route, quand elle n'est pas automatiquement téléchargée depuis les services de la compagnie. De plus, en augmentant le nombre de centrales inertielles, trois la plupart du temps, on peut en comparer les dérives et calculer une position moyenne probable.
Les centrales inertielles demeurent le mode de positionnement principal des avions de ligne modernes et des avions de combat et vont sans doute le demeurer très longtemps. L’apparition d’un nouveau dispositif, dans les années 1990, le GPS, leur apportant la précision qui leur manquait en résolvant le problème de la dérive, lorsque les aides radio ne sont pas reçues, grâce à une possi- bilité de calcul de position corrélé. Programme lancé par les Etats-Unis à des fins militaires pendant les années 1970, le GPS, Global Positioning System, ou système global de positionnement, repose sur une constellation de satellites équipés d’horloges atomiques dont les émissions permettent, schématiquement, par triangulation, de connaître une position avec une précision extrême, de l’ordre de quelques centimètres pour les utilisations militaires américaines, de l’ordre d’une dizaine de mètres pour les applications civiles. La constellation qui comprend un minimum de 24 satellites permet qu’en tout point du globe, il est possible de recevoir les informations de quatre d’entredeux. Désormais très intuitif à