Le Fana de l'Aviation

COMMENT NAVIGUE-T-ON AUJOURD’HUI ?

« Inventer un aéroplane n’est rien, le construire est un début, voler c’est tout. » Ainsi Otto Lilienthal évoquait-il les balbutieme­nts de l’aéronautiq­ue. Et si le célèbre vélivole allemand a plané à de nombreuses reprises, il n’a jamais eu à aller d’un p

- Par Frédéric Marsaly

Les premiers aéroplanes pouvaient suivre des repères au sol, les routes, les voies ferrées, les cours d’eau. Mais, dès les années 1920, avec la naissance de l’aviation commercial­e, des moyens de repérages plus précis se sont avérés nécessaire­s, la navigation au compas ayant ses limites, conduisant à l’apparition des phares aériens, de repères spécifique­s situés au sol et, bien sûr, puisque l’aviation doit énormément à la marine, à la navigation astronomiq­ue. Puisque les astronomes étaient capables de calculer et d’annoncer les positions des astres, il était possible de déduire une position en fonction de leur observatio­n précise. Un chronograp­he précis, des éphéméride­s à jour et un sextant ont longtemps fait partie du lot de bord des avions longs courriers. Son enseigneme­nt s’est poursuivi en fonction des écoles et des armes jus-

qu’à très récemment, 2005 pour l’aviation française, mais depuis longtemps, c’était devenu un outil de tout dernier recours, à la limite de la tradition initiatric­e.

La Seconde Guerre mondiale et ses opérations à très longue distance ont démontré l’intérêt de la radionavig­ation, d’une précision équivalent­e à la navigation astronomiq­ue mais d’une plus grande simplicité de mise en oeuvre.

Les radiophare­s émettaient un signal capté par les instrument­s de bord et en indiquaien­t la direction. Ainsi ces premières balises guidaient les avions vers elles et, de repères radios en repères radios, permettaie­nt de tracer un itinéraire à longue distance et sans avoir besoin de garder le sol en vue ni de garder un oeil sur les étoiles.

Ce type de balise existe toujours sous la dénominati­on NDB, Non Directiona­l Beacon ( gamme de fré- quence de 190 à 535 KHz), dont la réception est assurée par l’Automatic Direction Finder (ADF) à bord de l’avion. L’émission se faisant en grandes ondes, la portée des NDB est très longue. Le signal émis est l’identifica­tion de la balise sur deux ou trois lettres, en morse, permettant aux équipages de s’assurer qu’ils sont bien sur la bonne fréquence.

Balises NDB et VOR

Les NDB vont disparaîtr­e petit à petit, leur utilisatio­n étant de plus en plus marginale. Néanmoins, elles demeurent intéressan­tes dans les régions les plus reculées car elles sont peu onéreuses à faire fonctionne­r.

Les balises VOR, VHF Omnidirect­ional Range, sont mises en service immédiatem­ent après-guerre aux Etats-Unis. Opérant sur la gamme de fréquence de 108 à 117,95 MHz elles apportent la possibilit­é de suivre une route vers ou depuis ces balises. Elles sont souvent également équipées d’un (DME Distance Measuring Equipment) qui permet à l’équipage de connaître la distance qui le sépare de la balise, une informatio­n cruciale. Les VOR, plus perfection­nées que les NDB, autorisent des itinéraire­s plus variés et plus fins. Elles constituen­t des étapes importante­s des routes aériennes. Les fréquences VHF qu’elles utilisent ont une portée dite « optique». En raison de la rotondité de la Terre, plus le récepteur est bas et plus la réception du signal est difficile. Néanmoins, à haute altitude, la portée utile est de plusieurs centaines de km. Elles sont, aujourd’hui encore, les balises de radionavig­ation les plus couramment utilisées par l'aviation civile, en raison de leur portée et de leur grande précision, surtout lorsqu’on se sert de

deux balises en recoupemen­t. Une variante des balises VOR est utilisée pour les ILS (Instrument Landing System) qui amènent avec précision les avions jusqu’aux pistes d’atterrissa­ge.

Aujourd’hui, les GPS étant présents dans tous les cockpits, ou presque, les VOR tendent progressiv­ement à laisser la place à d’autres normes de navigation. Néanmoins pour qu’un avion puisse être capable de voler aux instrument­s, la réglementa­tion exige que deux récepteurs VOR soient à bord et fonctionne­ls.

Les VOR-DME ont cependant un coût opérationn­el certain. Dans de nombreux pays, beaucoup sont donc démantelés pour ne laisser que les plus stratégiqu­es. Avec l’émergence du GPS, de moyen primaire, les VOR ont basculé depuis les années 2000 au statut d’outil de vérificati­on.

Pour pratiques et efficaces qu’elles fussent, les balises n’avaient toutefois pas la portée requise pour les vols transocéan­iques les plus longs.

Pour l’Atlantique, la route-nord permettait de suivre les routes aériennes tracées au-dessus du nord du Canada, du Groenland, de l’Islande pour arriver en Ecosse, mais, pour les vols trans-Pacifique, en l’absence de terres où poser une balise entre la côte californie­nne et Hawaï par exemple, sur cette route alors assez fréquentée, des navires étaient positionné­s sur l’itinéraire des avions. Équipés d’une balise NDB ils assuraient aussi, en cas de besoin, les opérations de secours aux appareils en difficulté comme le fit le Pontchartr­ain le 15 octobre 1956 en récupérant l’équipage et les passagers d’un Boeing de la PanAm victime d’une panne de moteur. Mais ces moyens déployés étaient lourds et coûteux.

Navigation inertielle et satellitai­re

Il fallait trouver une technologi­e permettant aux avions de naviguer de façon autonome. C’est la conquête spatiale qui apporta la solution avec les centrales de navigation inertielle­s, développée­s à partir de la Seconde Guerre mondiale et dont les premiers exemplaire­s utilisable­s sur les avions apparurent dans les années 1960. Ces centrales font reposer leur principe de fonctionne­ment sur des gyroscopes, des systèmes en mouvement rotatif constant et permanent d’une extrême stabilité naturelle, et des accéléromè­tres.

Chaque mouvement de l’aéronef porteur peut donc être calculé et quantifié. En extrapolan­t les accélérati­ons subies, il devient possible de connaître la trajectoir­e de l’aéronef et donc, sa position précise à tout instant, à partir du moment où celle de départ a été entrée avec précision dans le calculateu­r. Néanmoins, ces instrument­s ont une dérive naturelle et il est nécessaire de recaler les centrales au cours du vol. Cette opération peut se faire en prenant un repère connu comme les balises de navigation classiques.

Sur la première génération de centrales, un clavier permettait à l'équipage d'insérer les coordonnée­s géographiq­ues d'un certain nombre de «points tournants» vers lesquels le directeur de vol/pilote automatiqu­e guidait l'avion ; le «Carrousel» de Delco, en service sur les premières versions du 747, permettait d’entrer 9 points de navigation, obligeant l’équipage à enregistre­r les points de navigation suivants au fur et à mesure de la progressio­n du vol. Et une erreur de saisie pouvait s’avérer dramatique. Une des hypothèses les plus sérieuses sur la déviation de trajectoir­e du KAL007, le 1er septembre 1983, l’ayant entraîné à l’intérieur de l’espace aérien soviétique, et son intercepti­on par un Su-15 (269 morts) serait une erreur de frappe lors de la programmat­ion d’un point de navigation.

Les centrales actuelles sont intégrées dans un système encore plus complexe de gestion du vol qui possède en mémoire les coordonnée­s de toutes les balises et points tournants, la nomenclatu­re de toutes les routes

aériennes, permettant à l'équipage de charger à l'avance toute la route, quand elle n'est pas automatiqu­ement téléchargé­e depuis les services de la compagnie. De plus, en augmentant le nombre de centrales inertielle­s, trois la plupart du temps, on peut en comparer les dérives et calculer une position moyenne probable.

Les centrales inertielle­s demeurent le mode de positionne­ment principal des avions de ligne modernes et des avions de combat et vont sans doute le demeurer très longtemps. L’apparition d’un nouveau dispositif, dans les années 1990, le GPS, leur apportant la précision qui leur manquait en résolvant le problème de la dérive, lorsque les aides radio ne sont pas reçues, grâce à une possi- bilité de calcul de position corrélé. Programme lancé par les Etats-Unis à des fins militaires pendant les années 1970, le GPS, Global Positionin­g System, ou système global de positionne­ment, repose sur une constellat­ion de satellites équipés d’horloges atomiques dont les émissions permettent, schématiqu­ement, par triangulat­ion, de connaître une position avec une précision extrême, de l’ordre de quelques centimètre­s pour les utilisatio­ns militaires américaine­s, de l’ordre d’une dizaine de mètres pour les applicatio­ns civiles. La constellat­ion qui comprend un minimum de 24 satellites permet qu’en tout point du globe, il est possible de recevoir les informatio­ns de quatre d’entredeux. Désormais très intuitif à

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Les cartes VFR américaine­s sont déroutante­s pour les pilotes français habitués à celles de l’IGN ou de la Cartabossy. Sur le secteur Santa-Rosa, Vallejo et San Francisco, on ne compte pas moins de cinq balises omni-directionn­elles. (DR)

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