CABINES, HISTOIRE DE TAILLES
Quatre milliards de passagers ont voyagé dans des cabines d’avions en 2017. Celles-ci n’ont pas toujours été un empilement de sièges…
Il faut bien le reconnaître, pour le passager moyen ivre de vacances à prix modiques, la cabine d’un avion c’est un siège pas confortable tant il devient vite étriqué, un espace réduit au minimum vital. Pour peu que les voisins s’endorment et bloquent le passage, alors c’est un pénible périple de plusieurs heures qui s’annonce. Les compagnies aériennes les plus généreuses proposent un écran sur le siège de devant, qui recèle une ribambelle de films et de jeux. Mais pas de mètre carré en plus. Les plus chanceux bénéficient du paysage offert par un hublot. Boeing et Airbus font le maximum pour agrandir ledit hublot sur leurs longs-courriers mais décidément la cabine prend assez vite des airs de cage. Le transport de passagers ne fut pas toujours un concours d’empilement de sièges dans un minimum de place, le tout pour un coût réduit.
Le nez au vent
Avant la Première Guerre mondiale pas de cabine. Le transport aérien existe sous la forme de baptêmes
de l’air pour curieux. Le passager s’installe sur un siège rudimentaire, non loin du pilote. Tout change après la fin du conflit. Des esprits ambitieux bâtissent des compagnies aériennes et proposent des liaisons régulières. Le billet est cher, le confort réduit à sa plus simple expression. Prière de s’équiper de vêtements chauds ! D’anciens bombardiers remplacent les bombes par des passagers. Guère confortable. Pour des raisons de poids pas question d’installer autre chose que des sièges en osier. Impossible de tenir une conversation, le bruit des moteurs est assourdissant. Il n’est pas rare que les passagers soient vraiment malades tant les avions sont instables, promenés dans le ciel par les turbulences. Le sac à vomi est probablement le premier objet que connaît le passager.
Néanmoins la notion de confort n’est pas oubliée. Il faut augmenter la puissance des moteurs pour agrandir la cabine et surtout mieux l’équiper. Le service à bord des trains avec les wagons Pullman et des paquebots sert alors de référence. Cependant les premières hôtesses de l’air, au milieu des années 1920, sont des infirmières tant il faut d’abord s’occuper de la santé des passagers avant même de leur confort. L’idée de proposer des cabines dignes de celles des paquebots va finir par prendre forme avec les grands hydravions de la fin des années 1920. Le Dornier X marque ainsi les esprits avec ses quelque soixante passagers - au prix de 12 moteurs et une paisible vitesse de croisière de 170 km/h. L’avion resta au stade de l’exemplaire unique mais l’élan était donné.
Un air de paquebot de luxe
Les constructeurs français se lancèrent aussi dans le grand hydravion. Beaucoup de prototypes, de petites séries mais pas véritablement de révolution dans les aménagements des cabines. Le Latécoère 631 en est le dernier représentant. Les neuf exemplaires de série proposent à 54 passagers des traversées de l’Atlantique dans un confort proche de celui du
Normandie qui avait marqué les esprits avant guerre. L’heure n’était pourtant plus aux paquebots du ciel après 1945. Les Britanniques l’apprirent à leur dépens avec le Saunders
RoePrincess, un colosse capable d’accueillir 100 passagers. Las, les hydravions transatlantiques sont passés de mode. Apparaît à cette époque, au sein des compagnies aériennes, de grands quadrimoteurs, les Lockheed
Constellation et Super Constellation, la famille des Douglas DC4/6/7 et le Boeing 347. Les diamètres des fuselages sont moins larges, limitant les fastueux aménagements. Pourtant Boeing propose un salon avec bar au niveau des soutes. Air France se fait fort d’illustrer le luxe à la française avec le Parisien spécial sur Paris-NewYork. Siège basculant, petites cabines couchettes au programme. Les premiers jets qui arrivent à la fin des années 1950 suivent dans un premier temps la même route. Les passagers des premières Caravelle ne sont pas dépaysés.
En grand, en gros
Tout va changer ou presque au milieu des années 1960 avec la généralisation progressive des charters. Un seul objectif : le ticket pas cher. Commence alors un savant jeu pour accumuler les sièges dans les avions. Salons et bars disparaissent. Le cas du Boeing 747 est symptomatique. Il est dans un premier temps proposé par son constructeur comme un 347, avec salon et bar, au premier étage cette fois-ci. L’aménagement est néanmoins le plus souvent remplacé par des sièges. Avec le 747 arrive une nouvelle génération d’avions de lignes dite « Wide body », large fuselage. Plus large, 10 passagers de face avec plusieurs rangées de sièges séparées par des couloirs. Lockheed propose le Tristar, McDonnell Douglas le DC10. Chacun se prévalait d’avoir le fuselage le plus large, les sièges les plus confortables. Tout est pensé pour tenir le moins de place, comme par exemple les galley pour conserver les repas. Des jeux de cloisons permettent de varier les aménagements. Cette course à l’empilement permit d’embarquer jusqu’à 660 passagers sur le 747. Dans
la même veine on trouve l’Airbus A380. Mais le gigantisme a ses limites. 853 passagers maximum en théorie. Les compagnies aériennes restent relativement assez prudentes avec le plus souvent autour de 550 passagers. Il faut en effet vendre un maximum de sièges, ce qui n’est pas toujours évident sur nombre de destinations où des avions plus petits font l’affaire. Les généreuses proportions de l’A380 permettent au bar de réapparaître.
Offrir un confort maximum
La course au nombre de sièges est aussi ralentie par la volonté de proposer des sièges plus rentables à destination d’une clientèle plus fortunée, habituée des classes business. Cette fois-ci le critère est bien d’offrir un confort maximum - toujours en prenant le moins de poids possible ! Les compagnies rivalisent d’installations princières, et notamment des cabines privatives. Reste pour les plus fortunés la solution de l’avion d’affaires. Vous pensez que tout est possible pourvu que le budget suive ? Que nenni ! Très rapidement des problèmes de poids et de sécurité limitent les ambitions d’installer des baignoires en marbre. Multiplier les jeux de lumières à bord ? Possible, mais il ne faut pas oublier que l’alimentation électrique empêcha un jour d’utiliser une cafetière faute de pouvoir la brancher sans provoquer un court-circuit.
Alors à quoi ressemblera la cabine passagers du futur ? Airbus propose des cloisons pouvant reproduire le paysage extérieur et faire du voyage aérien un grand spectacle. Chiche ? ■