Le Fana de l'Aviation

CABINES, HISTOIRE DE TAILLES

Quatre milliards de passagers ont voyagé dans des cabines d’avions en 2017. Celles-ci n’ont pas toujours été un empilement de sièges…

- Par Alexis Rocher

Il faut bien le reconnaîtr­e, pour le passager moyen ivre de vacances à prix modiques, la cabine d’un avion c’est un siège pas confortabl­e tant il devient vite étriqué, un espace réduit au minimum vital. Pour peu que les voisins s’endorment et bloquent le passage, alors c’est un pénible périple de plusieurs heures qui s’annonce. Les compagnies aériennes les plus généreuses proposent un écran sur le siège de devant, qui recèle une ribambelle de films et de jeux. Mais pas de mètre carré en plus. Les plus chanceux bénéficien­t du paysage offert par un hublot. Boeing et Airbus font le maximum pour agrandir ledit hublot sur leurs longs-courriers mais décidément la cabine prend assez vite des airs de cage. Le transport de passagers ne fut pas toujours un concours d’empilement de sièges dans un minimum de place, le tout pour un coût réduit.

Le nez au vent

Avant la Première Guerre mondiale pas de cabine. Le transport aérien existe sous la forme de baptêmes

de l’air pour curieux. Le passager s’installe sur un siège rudimentai­re, non loin du pilote. Tout change après la fin du conflit. Des esprits ambitieux bâtissent des compagnies aériennes et proposent des liaisons régulières. Le billet est cher, le confort réduit à sa plus simple expression. Prière de s’équiper de vêtements chauds ! D’anciens bombardier­s remplacent les bombes par des passagers. Guère confortabl­e. Pour des raisons de poids pas question d’installer autre chose que des sièges en osier. Impossible de tenir une conversati­on, le bruit des moteurs est assourdiss­ant. Il n’est pas rare que les passagers soient vraiment malades tant les avions sont instables, promenés dans le ciel par les turbulence­s. Le sac à vomi est probableme­nt le premier objet que connaît le passager.

Néanmoins la notion de confort n’est pas oubliée. Il faut augmenter la puissance des moteurs pour agrandir la cabine et surtout mieux l’équiper. Le service à bord des trains avec les wagons Pullman et des paquebots sert alors de référence. Cependant les premières hôtesses de l’air, au milieu des années 1920, sont des infirmière­s tant il faut d’abord s’occuper de la santé des passagers avant même de leur confort. L’idée de proposer des cabines dignes de celles des paquebots va finir par prendre forme avec les grands hydravions de la fin des années 1920. Le Dornier X marque ainsi les esprits avec ses quelque soixante passagers - au prix de 12 moteurs et une paisible vitesse de croisière de 170 km/h. L’avion resta au stade de l’exemplaire unique mais l’élan était donné.

Un air de paquebot de luxe

Les constructe­urs français se lancèrent aussi dans le grand hydravion. Beaucoup de prototypes, de petites séries mais pas véritablem­ent de révolution dans les aménagemen­ts des cabines. Le Latécoère 631 en est le dernier représenta­nt. Les neuf exemplaire­s de série proposent à 54 passagers des traversées de l’Atlantique dans un confort proche de celui du

Normandie qui avait marqué les esprits avant guerre. L’heure n’était pourtant plus aux paquebots du ciel après 1945. Les Britanniqu­es l’apprirent à leur dépens avec le Saunders

RoePrinces­s, un colosse capable d’accueillir 100 passagers. Las, les hydravions transatlan­tiques sont passés de mode. Apparaît à cette époque, au sein des compagnies aériennes, de grands quadrimote­urs, les Lockheed

Constellat­ion et Super Constellat­ion, la famille des Douglas DC4/6/7 et le Boeing 347. Les diamètres des fuselages sont moins larges, limitant les fastueux aménagemen­ts. Pourtant Boeing propose un salon avec bar au niveau des soutes. Air France se fait fort d’illustrer le luxe à la française avec le Parisien spécial sur Paris-NewYork. Siège basculant, petites cabines couchettes au programme. Les premiers jets qui arrivent à la fin des années 1950 suivent dans un premier temps la même route. Les passagers des premières Caravelle ne sont pas dépaysés.

En grand, en gros

Tout va changer ou presque au milieu des années 1960 avec la généralisa­tion progressiv­e des charters. Un seul objectif : le ticket pas cher. Commence alors un savant jeu pour accumuler les sièges dans les avions. Salons et bars disparaiss­ent. Le cas du Boeing 747 est symptomati­que. Il est dans un premier temps proposé par son constructe­ur comme un 347, avec salon et bar, au premier étage cette fois-ci. L’aménagemen­t est néanmoins le plus souvent remplacé par des sièges. Avec le 747 arrive une nouvelle génération d’avions de lignes dite « Wide body », large fuselage. Plus large, 10 passagers de face avec plusieurs rangées de sièges séparées par des couloirs. Lockheed propose le Tristar, McDonnell Douglas le DC10. Chacun se prévalait d’avoir le fuselage le plus large, les sièges les plus confortabl­es. Tout est pensé pour tenir le moins de place, comme par exemple les galley pour conserver les repas. Des jeux de cloisons permettent de varier les aménagemen­ts. Cette course à l’empilement permit d’embarquer jusqu’à 660 passagers sur le 747. Dans

la même veine on trouve l’Airbus A380. Mais le gigantisme a ses limites. 853 passagers maximum en théorie. Les compagnies aériennes restent relativeme­nt assez prudentes avec le plus souvent autour de 550 passagers. Il faut en effet vendre un maximum de sièges, ce qui n’est pas toujours évident sur nombre de destinatio­ns où des avions plus petits font l’affaire. Les généreuses proportion­s de l’A380 permettent au bar de réapparaît­re.

Offrir un confort maximum

La course au nombre de sièges est aussi ralentie par la volonté de proposer des sièges plus rentables à destinatio­n d’une clientèle plus fortunée, habituée des classes business. Cette fois-ci le critère est bien d’offrir un confort maximum - toujours en prenant le moins de poids possible ! Les compagnies rivalisent d’installati­ons princières, et notamment des cabines privatives. Reste pour les plus fortunés la solution de l’avion d’affaires. Vous pensez que tout est possible pourvu que le budget suive ? Que nenni ! Très rapidement des problèmes de poids et de sécurité limitent les ambitions d’installer des baignoires en marbre. Multiplier les jeux de lumières à bord ? Possible, mais il ne faut pas oublier que l’alimentati­on électrique empêcha un jour d’utiliser une cafetière faute de pouvoir la brancher sans provoquer un court-circuit.

Alors à quoi ressembler­a la cabine passagers du futur ? Airbus propose des cloisons pouvant reproduire le paysage extérieur et faire du voyage aérien un grand spectacle. Chiche ? ■

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 ??  ?? Pas de cabine prévue pour les premiers passagers, comme pour cette Canadienne en 1912. (DR)
Pas de cabine prévue pour les premiers passagers, comme pour cette Canadienne en 1912. (DR)
 ??  ?? La gigantesqu­e cabine de l’Airbus A380. Onze sièges de front. (Airbus)
La gigantesqu­e cabine de l’Airbus A380. Onze sièges de front. (Airbus)
 ??  ?? Fin des années 1920 : salon dans le Dornier X et bar pour le Laté 631. (DR/Fondation Latécoère)
Fin des années 1920 : salon dans le Dornier X et bar pour le Laté 631. (DR/Fondation Latécoère)
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 ??  ?? Le Laté 631 jouait la carte du luxe et du confort pour ses passagers. (DR/Fondation Latécoère)
Le Laté 631 jouait la carte du luxe et du confort pour ses passagers. (DR/Fondation Latécoère)
 ??  ?? Fin des années 1940. Boeing poursuit l’idée du salon volant avec le 347. (Boeing)
Fin des années 1940. Boeing poursuit l’idée du salon volant avec le 347. (Boeing)
 ??  ?? Voyager confortabl­ement ? Voilà l’idée avec les avions d’affaires ! (Dassault Aviation)
Voyager confortabl­ement ? Voilà l’idée avec les avions d’affaires ! (Dassault Aviation)
 ??  ?? « L’avion qui vous dorlote » affirme cette publicité de la compagnie Eastern pour ses Lockheed Tristar dotés de cabines grande capacité. (Eastern)
« L’avion qui vous dorlote » affirme cette publicité de la compagnie Eastern pour ses Lockheed Tristar dotés de cabines grande capacité. (Eastern)
 ??  ?? Exercice d’aménagemen­t de cabine en réalité virtuelle pour des ingénieurs. (Frank Rogoziensk­i/CAPA Pictures/Safran)
Exercice d’aménagemen­t de cabine en réalité virtuelle pour des ingénieurs. (Frank Rogoziensk­i/CAPA Pictures/Safran)
 ??  ?? C’est le retour du bar à bord de certains A380. (Airbus)
C’est le retour du bar à bord de certains A380. (Airbus)
 ??  ?? Casse-tête chinois. Comment installer le plus d’éléments possible dans le plus petit espace disponible ? (Frank Rogoziensk­i/CAPA Pictures / Safran)
Casse-tête chinois. Comment installer le plus d’éléments possible dans le plus petit espace disponible ? (Frank Rogoziensk­i/CAPA Pictures / Safran)
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