Une année charnière
Nouvelle loi de programmation militaire, passage au tout “Rafale”, opération Hamilton en Syrie, arrivée du premier ravitailleur “Phénix” : pour les Forces aériennes stratégiques, 2018 a été une année riche en événements.
Avec l’arrivée du “Phénix”, les Force aériennes stratégiques font un grand bond en avant.
Ce 19 octobre, à 14 h 20, la minute est historique pour les Forces aériennes stratégiques ( FAS). L’arrivée du nouveau A330 “Phénix” est théâtrale. Une flèche tricolore est dessinée au même instant dans le ciel d’Istres par la Patrouille de France. Confié à la 31e Escadre aérienne de ravitaillement et de transport, l’imposant Airbus annonce le début d’une longue transition, celle qui entreprend le remplacement, enfin, des 15 ravitailleurs C-135 FR livrés par Boeing aux FAS, il y a plus de 50 ans. Ministre des Armées, Florence Parly avait fait le déplacement pour accueillir le premier exemplaire aire d’une flotte en voie de constitution, estimée à 15 avions. Observant ant un contexte interrnational violent t et tendu, la nouvelle loi de programmation militaire (LPM), ), celle couvrant la période 2019-2025, 25, a inscrit comme priorité, riorité, entre autres, la modernisation des forces nucléaires. Avion de transport multirôle, le “Phénix” en fait partie, un message relayé sur place par le général Philippe Lavigne, chef d’état-major de l’ar- mée de l’Air et par le gén. Bruno Maigret, commandant des FAS. Bombe nord-coréenne, pression russe à l’Est de l’Ukraine, dossier du nucléaire iranien, guerres au ProcheOrient, course aux armements orchestrée par Pékin et Washington, la stratégie de dissuasion nucléaire, en peu d’années, est revenue sur le devant de la scène internationale. Lorsque la parole présidentielle s’exprime, les mots ont un sens. Dans ses voeux aux armées, en janvier, tout en affirmant l’importance de la dissuasion, Emmanuel Macron a tenu à mettre un terme aux spéculations quant à l’articulation future de la force de frappe. Les “travaux de renouvellement” se feront au profit, tout à la fois, de d la force océaniqu nique et de la compos posante aérienne. Env Envers la stratégie de dissuasion, son adhésion est sans réserve, celle celle- ci constituant “dep “depuis plus de 50 ans la clé de voûte de notre notr stratégie de défense […]. [… Les débats sont aujourd aujourd’hui tranchés”. Emmanuel EmmanuelMacron Macron fait remarquer que “la dissuasion fait partie de notre histoire, de notre stratégie de défense, et elle le restera”. La composante aérienne, souvent remise en cause par calcul politicien, est désormais assurée de sa pérennité. La voie est donc tracée s’agissant de l’avenir des forces stratégiques. Loin d’une option de désarmement unilatéral, la dissuasion française va consolider son emprise jusqu’à atteindre environ 6 milliards d’euros en rythme annuel. Il est important de noter que sa modernisation s’inscrit dans le respect du traité de non-prolifération, puisque le nombre de charges n’augmentera pas (300) et que les outils de simulation du Commissariat à l’énergie atomique seront mobilisés pour le
développement des nouvelles armes. La loi de programmation militaire prévoit ainsi la rénovation à mi-vie du missile ASMP-A et le lancement des études de l’ASN4G, son successeur, plus une future version de l’engin M51 tiré de sous-marins.
Au sujet du futur armement du “Rafale”, la décision devra être arrêtée au début de la prochaine décennie. Au total, sur 2019-2023, la dissuasion nucléaire mobilisera environ 25 milliards, soit 5 milliards par an. Cet effort s’exercera sans éviction sur les forces conventionnelles, la dissuasion absorbant 12,5 % du budget de la défense, à comparer aux 20 % des années 1990.
Vers un nouveau standard stratégique
L’ancienne combinaison mise en place par les Forces aériennes stratégiques, celle associant C-135 FR “Stratotanker” et “Mirage” 2000N (après le “Mirage” IV) passe désormais le relais à la combinaison A330 “Phénix” et “Rafale”. En y intégrant le missile ASMP-A, le triptyque stratégique est au complet. Côté escadrons de chasse, l’objectif des Forces aériennes stratégiques est totalement atteint : ses deux unités de combat sont désormais dotées d’un parc homogène de “Rafale” omnirôles en configuration biplace. Le passage de relais entre les derniers “Mirage” 2000N et les nouveaux “Rafale” avait été officiellement acté le 29 août sur la base aérienne 113 Saint-Exupéry de Saint-Dizier, en Haute-Marne.
Depuis ce jour, l’Escadron 2/4 La Fayette est devenu opérationnel sur “Rafale” biplaces en lieu et place de ses “Mirage” 2000N. Les équipages proviennent pour partie des avions de l’ancien 2/4 qui viendront apporter leur expérience nucléaire aux nouveaux équipages sur “Rafale”. Cet été, Saint-Dizier est devenue l’unique implantation de combat des FAS, ceci à la faveur d’une cérémonie qui fait écho à la journée d’adieu au “Mirage” 2000N en juin. Par comparaison avec le 2000N, l’avion de Dassault apporte un panel bien plus large de capacités : propulsion bimoteur, supériorité aérienne (avec missiles air-air “Mica” et “Météor”) , reconnaissance lointaine, frappe air-sol de précision autonome (au moyen d’une nacelle optronique), emploi du missile de croisière “Scalp” et des armes air-sol modulaires. Enfin, son canon de 30 mm lui confère une fonction d’appui rapproché. Un seul type d’appareil, c’est aussi une simplification du soutien logistique. Les “Mirage” 2000N iront rejoindre la base de stockage de Châteaudun pour servir de réserve en pièces de rechange.
Les combats sanglant de Syrie donnent tristement l’occasion de démontrer les capacités de frappes à longue distance de l’armée de l’Air dans un dispositif complexe mettant en jeu un vaste ensemble de savoir-faire. Lancée la nuit du 13 au 14 avril, le raid interallié était tout à la fois complexe, lointain, dangereux. L’obligation de résultats pour les équipages était un impératif, l’ordre venant du plus haut de l’État. La coordination de l’ensemble a été assurée par l’armée de l’Air. Portant le nom de code opération Hamilton, la mission reprenait toutes les séquences de ce que serait une frappe de dissuasion, d’autant qu’elle s’est conclue par le tir de missiles de croisière, en l’espèce des “Scalp” à charge conventionnelle. Les Forces aériennes es straté stratégiques ont contribué ribué à l’opération par ar la mise en place e de six C-135FR engagés sur la totalité de la mi s s ion. Ils sont venus soutenir cinq de ses “Rafale” ” biplaces, l’escorte rte étant fournie par quatre “Mirage” ” 2000-5, et le contrôle aérien éi par d deux E-3F “Awacs”.
L’Airbus 330 “Phénix” multirôle
L’histoire retient que le programme “Phénix” MRTT (Multi Role Tanker Transport), placé sous la direction de la DGA, fut lancé en novembre 2014 par JeanYves Le Drian, alors ministre de la Défense. Ses capacités correspondent bien aux nouvelles sujétions imposées aux armées. De fait, son arrivée se traduira par une standardisation du transport stratégique, le nouvel avion devant prendre la suite des “Stratotanker”, mais aussi des Airbus A310 et A340 de l’Escadron de transport 3/60 Esterel. La flotte de “Phénix” aura donc un rôle majeur de liaison entre la métropole et la France d’outre-mer. En mission de ravitaillement en vol, il pourra délivrer 50 t de carburant à 2 000 km en restant 4 h 30 min sur zone. zone Dans les mêmes condit conditions, la capacité est de 1 17 t sur un C-135FR. Tro Trois sondes de ravita taillement sont disponibles, une à l’arrière du fuselage et deux en bout d’ailes. En mission de ravitailleme ment, il soutiendra les “Ra “Rafale” Air et Marine, les “M “Mirage” 2000 encore en service service, les E-3F “Awacs”, voire i d’ d’autres tA A330, mais aussi les avions alliés. La cabine à deux couloirs pourra accueillir 273 passagers sur 10 000 km, ou encore embarquer 40 t de fret sur 7 000 km. Il est prévu pour accueillir la configuration médicalisée “Morphée” destinée aux blessés nécessitant des soins intensifs. Au titre des opérations extérieures (Opex), l’avion sait décoller avec une charge lourde par temps chaud. Spécificité FAS, il disposera de transmissions dédiées et d’une liaison 16 standard Otan. À compter de 2023, l’armée de l’Air percevra un
standard 2 qui ajoutera des communications satellites haut débit et une connectivité accrue le transformant en poste aéroporté de commandement et de relais, l’avion s’intégrant totalement aux architectures de combat regroupées en réseaux. Pour le gén. Lavigne, le “Phénix” est donc bien un “démultiplicateur de forces à l’échelle de la planète. Il sera capable de travailler en coalition, tout en maintenant la posture de dissuasion”. Le gén. André Lanata, alors le chef d’état-major de l’armée de l’Air, le 18 octobre 2017, avait insisté sur la démarche capacitaire devant la Commission de défense de l’Assemblée nationale au titre de la préparation du budget 2018 : “Une augmentation de la cible [du nombre] de MRTT sera indispensable pour couvrir l’ensemble des besoins de la composante nucléaire aéroportée, de l’aviation de combat et du transport stratégique.” Il souhaitait 18 appareils. Il fut entendu, au moins partiellement : 12 appareils devraient être livrés d’ici 2023, pour un total envi- sagé de 15. L’avion n° 2 sera livré en 2019, le troisième arrivera en 2020, puis trois chaque année à partir de 2021. L’échéancier a été accéléré : 12 appareils seront en ligne à l’horizon 2025 au lieu de 2029. Les trois derniers devront donc être inscrits à la prochaine loi de programmation militaire pour respecter ce format. À l’horizon 2030, le “Phénix” fera partie du SCAF, le système de combat aérien futur.
Couvrir tous les scénarios d’engagement
À Istres, la formation sur le “Phénix” se poursuit avec l’équipe de marque du Centre d’expérimentation aérienne de Mont-de-Marsan en lien avec les ingénieurs de DGA Essais en vol (avant 2009, le Centre d’essais en vol). Se positionnant au plus haut du spectre des missions, le “Phénix” est la nouvelle pièce critique d’un manoeuvre de dissuasion conjointement menée par l’armée de l’Air et de la Marine, donnant ainsi corps à la 500e Patrouille de sousmarins lanceur d’engins de la Force océanique stratégique achevée une semaine plus tôt, le 11 octobre, par Le Terrible. Ce renouvellement des Forces aériennes stratégiques est parfaitement cohérent avec un modèle d’armée qui cherche à couvrir tous les scénarios d’engagement, de la dissuasion nucléaire aux opérations extérieures, donnant ainsi à Paris une capacité unique en Europe.