Un as, des chiffres et une lettre
Excellent article de David Méchin sur les as de 19141918 dans le Fana n° 588 de novembre et leur sociologie, à compléter bien sûr par la consultation du site www. as14- 18. net/. Et là surprise, pas d’Adolphe Pégoud dans la liste ! Les publications officielles du SHD ( Service historique de la Défense) indiquent six victoires pour Pégoud, alors que David Méchin indique cinq combats avec quatre victoires homologuées. Qui à raison ? Pierre Courrier
Réponse de David
Méchin : “Comme vous le soulignez justement, je n’ai indiqué sur le site que les pilotes qui ont eu au moins cinq victoires aériennes qui ont été homologuées par les autorités. Ce n’est pas le cas de Pégoud. On lui attribue deux victoires aériennes le 3 avril 1915, que l’on trouve documentées dans deux articles de presse (de mémoire, dans Le Gaulois ainsi qu’un autre titre), mais qui n’ont eu aucune reconnaissance de la part des autorités militaires. Aucune citation à l’ordre de l’armée au
Journal officiel, alors qu’en 1915 les victoires aériennes étaient rarissimes et toutes récompensées par une telle citation. Rien non plus dans son dossier individuel (sa case matricule), qui ne mentionne d’ailleurs aucune de ses citations. Mais il est à noter que son mécanicien Lerendu, qui volait avec lui ce 3 avril, n’a rien obtenu non plus alors qu’il a obtenu une citation dans les trois victoires du 5 février. Sa case matricule l’indique clairement… Pégoud, très grand pilote civil et pionnier de l’acrobatie aérienne (le premier à “boucler la boucle” en réalisant un looping), mérite largement sa place dans l’histoire aéronautique. Doit-il pour autant figurer dans la liste des as ? Je ne me pose pas la question, et comme Saint Thomas je ne crois que ce que je vois : il ne l’a pas été à l’époque par les autorités militaires. Jusqu’à
preuve du contraire et la découverte dans les archives d’un document militaire mentionnant les deux victoires du 3 avril. Il est tout à fait possible que cette histoire soit une invention de la presse qui cherchait à l’époque à glorifier l’aviation française, dont en 1915 seuls les stars de l’aviation civile étaient connues du public – Pégoud et Gilbert. Soit dit en passant, Gilbert est bien le premier as de l’aviation française, car les archives allemandes montrent qu’il a bien abattu cinq appareils, mais les autorités ne lui en ont homologué que quatre. Quant au fait que Pégoud soit mentionné par la liste des as établie par le SHD en 2017… Je me demande comment vous l’exprimer sans que vous me preniez pour un tartarin, mais celle-ci compte plusieurs erreurs qui trouvent leur source dans l’étude que fit l’historien suisse Daniel Porret dans les années 1970, et qui n’avait peut-être pas à disposition toute la documentation à laquelle j’ai eu accès (archives non communicables), ni bénéficié de tous les outils que j’ai à disposition ( Journal officiel sur Internet avec moteur de recherche). Comme je le précise dans ma rubrique “cas litigieux”, il y est inclus plusieurs as qui n’ont eu en fait que quatre victoires ou moins, ce que j’ai vérifié dans leurs dossiers individuels, dont un qui n’en a eux que deux – Baux. Il en est oublié un qui a bien eu cinq victoires homologuées et qu’a découvert mon ami Christophe Cony, un certain Coupillaud – sa citation qui lui attribue à titre posthume sa Légion d’honneur l’indique noir sur blanc. Et enfin il en est deux dont je me demande pourquoi ils y figurent : Ronsérail, qui n’en a eu qu’une seule et a tiré sa gloire médiatique d’avoir été à l’époque le vengeur de Pégoud, ainsi que Jean-François Damilleville dont le seul titre de gloire est d’avoir eu 13 enfants avec son épouse qui, elle, a bien été décorée pour ce fait !”