Le Bôei Soshireibu dans l’impasse
Les raids de B-29, désormais menés de nuit et à basse altitude, ravagent le Japon. Sans que la chasse de nuit japonaise puisse réellement les contrer.
L’idée des raids incendiaires contre les villes nippones dont les constructions étaient essentiellement en bois n’était pas nouvelle. Elle avait germé dans l’esprit des stratèges de l’USAAF dès 1943. Tout le monde savait que les principales installations industrielles japonaises étaient vulnérables à de telles attaques car elles se trouvaient concentrées dans quelques grandes villes, et qu’une grande partie de la production se faisait dans de petits ateliers familiaux implantés au coeur des zones urbaines. Les stratèges estimaient qu’une offensive incendiaire contre les six plus grandes villes japonaises était susceptible d’endommager près de 40 % des complexes industriels et de faire chuter de manière spectaculaire la production aéronautique.
Au vu du succès du raid du 25 février contre Tokyo, le gen. LeMay décida de commencer les attaques incendiaires contre les principales villes du Japon au début du mois de mars et, pour maximiser l’efficacité des bombardements, il ordonna aux B-29 de voler à seulement 1 500 m d’altitude et de nuit. Il s’agissait d’un changement radical par rapport aux tactiques standards consistant à voler de jour et à haute altitude. Jusque-là, l’expérience avait montré que la chasse de nuit japonaise était peu étoffée et que la défense antiaérienne était moins efficace dans l’obscurité. LeMay prit donc le risque de faire retirer la plupart des armes défensives des B-29 pour les
alléger et leur permettre d’emporter plus de bombes. Le commandant du XXI Bomber Command n’imaginait pas à quel point il avait raison…
En ce début mars 1945, le Bôei Soshireibu était un outil passablement émoussé. Son unité la plus étoffée était le 10e Hikôshidan qui venait de récupérer le 1er Sentaï, de retour du front philippin, mais bien loin de son effectif théorique de quelque 350 chasseurs (1er, 18e, 23e, 28e, 47e, 51e, 52e, 53e, 70e, 244e Sentaï et 17e Dok. Chûtaï), il n’en alignait pas plus de 230 dont une trentaine du 47e Sentaï était temporairement chargée d’épauler la centaine d’avions du 11e Hikôshidan (5e, 55e, 56e, 246e Sentaï et 16e Dok. Chûtaï).
Au sud de l’archipel, le 12e Hikôshidan jouissait d’un calme étonnant, raison pour laquelle son potentiel opérationnel avait été réduit à deux Sentaï (4e et 59e) et au 19e Dok. Chûtaï, soit quelque 75 appareils qu’épaulait le Kû 352 avec 39 “Zero”, 39 “Raiden”, huit “Gekkô” et six “Suiseï”.
Avec un effectif, de quelque 635 chasseurs – incluant ceux de la Marine – (une partie des pertes avait été remplacée), le Bôei Soshireibu était toujours une force considérable… en apparence seulement. Car, si les avions se remplaçaient avec, à la clef, une amélioration qualitative (le gros de la production portait alors sur le Nakajima Ki.84 et le nouveau Kawasaki Ki.100), tel n’était pas le cas des hommes dont le cursus de formation avait été raccourci depuis plusieurs mois en raison des énormes demandes des différents fronts et du rationnement de l’essence.
Aux pertes subies dans le ciel du Japon étaient venues s’ajouter celles de la campagne des Philippines qui avait purement et simplement décimé les 1er, 18e, 51e, 52e, 55e, 71e et 246e Sentaï de sorte que pour moitié, l’effectif était entièrement nouveau… Il en résultait un Bôei Soshireibu comptant 60 % de pilotes de “classe C” (1), 25 % de pilotes de “classe B” et seulement 15 % de pilotes de “classe A”.
(1) Les aviateurs nippons de l’Armée comme de la Marine étaient classés A (confirmé ayant l’expérience du combat), B (confirmé n’ayant aucune expérience du combat) ou C (jeunes pilotes sans expérience aucune – de surcroît formé “à la va-vite” à partir de l’hiver 1944-1945).
Par ailleurs, seuls les 4e, 5e et 53e Sentaï étaient de vraies unités de chasse de nuit entraînées à coopérer avec les stations radar. Au sein des autres groupes, seuls les pilotes de “classe A” et quelques rares pilotes de “classe B” étaient aptes à exécuter des missions nocturnes. Ils ne représentaient même pas l’équivalent d’un Chûtaï pour chacun d’eux…
Des raids impossibles à contrer
La situation n’était pas meilleure pour les Kû 302, 332 et 352 qui comprenaient chacun un Hikôtaï de chasse de nuit dont certains bimoteurs bénéficiaient de radars embarqués mais dont l’effectif, variable en fonction du taux de disponibilité, excédait rarement la dizaine d’appareils… De fait, et comme prévu par le gen. LeMay, la nouvelle campagne de bombardements nocturnes n’allait pas rencontrer une très forte résistance.
La première attaque incendiaire, menée contre Tokyo dans la nuit du 9 au 10 mars, constitua le raid le plus destructeur de la guerre. Le XXI Bomber Command rassembla toutes ses forces : le 10 mars à 2 heures, 279 B-29 larguèrent 1 665 t de bombes. La tempête de feu qui en résulta submergea la défense civile et détruisit 41 km2 de bâtiments.
Bien évidemment, la première unité concernée fut le 53e Sentaï, renforcé par un détachement du 5e et dont les pilotes, correctement guidés par radar, eurent la bonne surprise de constater qu’à basse et moyenne altitude, l’écart de vitesse entre les B-29 et leurs Ki.45-Kaï était minime. Autre avantage pour les Japonais, ils n’avaient presque plus besoin de l’aide des projecteurs… car la lueur des brasiers éclairait le ciel comme en plein jour. Il en résulta cette nuit-là 12 victoires pour les pilotes de “Toryû” dont deux pour le seul sgt Nobuji Negishi. Le 53e Sentaï paya ce succès de trois appareils. À la surprise générale, le Kû 302 pourtant doté de chasseurs de nuit parut pris de court et n’engagea que… quatre “Gekkô” qui rapportèrent un seul B-29 endommagé.
Dans la nuit du 11 au 12, 285 B-29 s’en prirent à Nagoya. Le bombardement fut réparti sur une plus grande superficie qu’à Tokyo
et l’attaque fit moins de dégâts. 5,3 km2 de surface urbaine furent néanmoins rasés. À cette époque, le gros du 5e Sentaï avait été détaché pour un temps auprès du 10e Hikôshidan afin de renforcer la défense de la capitale et il ne lui restait même pas un Chûtaï complet à opposer aux B-29. Cela n’empêcha pas le sgt Isamu Hoya d’annoncer quatre B-29 abattus et un cinquième endommagé, résultat qui allait lui valoir l’obtention du Bukôshô.
Durant la nuit du 13 au 14, 274 B-29 détruisirent 21 km2 de la ville d’Osaka pour la perte de deux d’entre eux. Ces derniers tombèrent sous les coups d’une douzaine d’avions des 5e, 56e et 246e Sentaï qui perdirent respectivement deux (équipages tués) et quatre avions (deux pilotes tués). Par une ironie du sort, le seul abordage enregistré cette nuit-là et qui provoqua la chute d’un des deux Boeing vit son auteur, le sgt/c Kenji Fujimoto du 246e Sentaï, sortir indemne de l’aventure. Un autre pilote, du 56e Sentaï celui-là, l’adj/c Tadao Sumi, se distingua lors de ce combat en revendiquant quatre B-29 abattus et trois endommagés, mais il dut évacuer son Ki.61 en perdition et se blessa sévèrement. Il fut cité pour cela et reçut le Bukôshô. Le Kû 332 engagea le “ridicule” effectif de… cinq chasseurs de nuit dont deux furent abattus par le feu défensif des B-29 et un troisième fut victime d’un tir ami de la défense antiaérienne (deux équipages tués).
Le Bôei Soshireibu dans le rôle de “pompier”
La cible suivante fut Kobe, bombardée dans la nuit du 16 au 17 par 306 B-29. La tempête de feu détruisit 18 km2, soit la moitié de sa superficie, et les Américains ne perdirent que trois bombardiers, tous par abordage. Le raid touchait à sa fin et l’aube du 17 commençait à poindre lorsque le cne Junichi Ogata, officier des opérations aériennes du 56e Sentaï, percuta un B-29. Le quadrimoteur et le Ki.61 s’écrasèrent sur le mont Maya et il n’y eut aucun survivant – ancien du 77e Sentaï, Ogata totalisait alors sept bombardiers abattus : trois en Birmanie et quatre B-29. Les deux autres furent percutés par le sgt/c Kenji Fujimoto et le sgt Yukio Ikuta du 246e Sentaï qui, eux, survécurent à la collision, la deuxième en l’espace de 72 heures pour Fujimoto.
À propos de la mort de son adjoint Junichi Ogata, le cdt Furukawa du 56e Sentaï déclara après-guerre : “Il était insupportable pour nous qui étions en l’air de voir les gigantesques brasiers ravager nos villes et d’imaginer la terreur des habitants sans pouvoir y faire quoi que ce soit alors que nous étions censés empêcher ça… Cela a conduit beaucoup d’aviateurs à décider, dans la solitude de leur cockpit, d’en venir à la solution extrême de l’abordage. Néanmoins, l’ailier d’Ogata a toujours dit que la collision qui a coûté la vie à son chef était accidentelle. Comme lui, je ne pense pas que le cne Ogata ait délibérément percuté un B-29 quand bien même il était décidé à prendre tous les risques sans se soucier de sa propre vie. Il faisait sombre au moment de sa mort et même un pilote expérimenté et habile comme il l’était a pu être victime d’une seconde d’inattention. Après, et ce à des fins de propagande ou, nous disait- on, pour gonfler le moral du peuple japonais, le commandement était prompt à qualifier d’attaques spéciales volontaires toutes les collisions y compris les accidentelles qui, à mon avis, étaient les plus nombreuses, surtout lors des interceptions nocturnes…”
Nagoya fut de nouveau bombardée dans la nuit du 18 au 19 ; 7,6 km2 furent rasés. Un seul des 310 B-29 engagés cette nuit-là ne rentra pas. Cette attaque qui coûta au 11e Hikôshidan deux pilotes marqua le retour à un niveau opérationnel du 55e Sentaï reconstitué – il avait été décimé aux Philippines –, aux ordres du cne Kenjirô Kobayashi. Pour sa première interception nocturne, le groupe revendiqua – à tort – la destruction de quatre B-29. Ce raid marqua aussi la fin de la première campagne de bombardements incendiaires : le XXI Bomber Command avait épuisé son stock de projectiles au napalm.
Dès la mi-1944, l’US Navy avait fait pression sur l’état-major à Washington afin que des B-29 soient utilisés pour larguer des mines navales dans les eaux japonaises, dans l’idée de renforcer le blocus du pays. Il lui fallut cependant attendre le mois de mars 1945 pour voir le 313th Bomb Wing être spécialement désigné pour ces missions et mener sa première opération de minage dans la nuit du 27 au 28. L’objectif fut le détroit de Kanmon (à Shimonoseki), lieu de passage obligé pour tout navire japonais désireux de quitter la mer intérieure
en direction de la Corée, de la Chine ou du sud, vers Okinawa. Pour cette grande première, les 92 B-29 qui atteignirent le détroit se heurtèrent aux “Toryû” du 4e Sentaï dont les équipages, au prix d’un des leurs, revendiquèrent 16 victoires dont six probables et 13 B-29 endommagés. Une nouvelle fois, les honneurs allèrent à Kashiide et Kimura avec trois victoires chacun, mais tout cela était bien loin de la réalité. Au cours de cette mission comme de la seconde, exécutée trois jours plus tard, les Américains ne perdirent en réalité que deux bombardiers.
Les opérations de minage – opération Starvation – furent interrompues en avril quand le 313th Bomb Wing fut assigné à des missions de soutien de la campagne d’Okinawa et renoua avec le bombardement conventionnel. Il reprit ses missions “spéciales” en mai pour miner, jusqu’à la reddition japonaise, et toujours avec un effectif restreint, les ports et les points d’étranglement d’Honshu et de Kyushu. Les champs de mines ainsi créés en toute tranquillité, et ce malgré l’intervention aussi régulière qu’infructueuse des chasseurs de nuit (majoritairement le 4e Sentaï), handicapèrent considérablement la navigation côtière japonaise. Au total, les mines larguées par les B-29 coulèrent 293 navires, soit 9,3 % de tous les navires de commerce japonais détruits durant la guerre du Pacifique et 60 % des destructions navales entre avril et août 1945. Un tel résultat fut obtenu au prix de… 16 B-29, en majorité victimes de pannes ou d’une météo défavorable.
Les B-29 à l’attaque des bases de kamikazes
Début avril 1945, l’US Navy se retrouva en difficulté face aux premières attaques kamikazes qui marquèrent la terrible campagne d’Okinawa. Le haut commandement décida de lui attribuer l’aide du XXI Bomber Command qu’il chargea de neutraliser les aérodromes de Kyushu d’où décollaient les escadrilles d’attaque spéciale – ou Tokkô-taï/Shinbu-taï. Les missions qui allaient détourner les B-29 de leur fonction première de bombardement stratégique pendant plus de trois semaines débutèrent le 8 avril ; à cette occasion, les B-29 retrouvèrent les Ki.45-Kaï du 4e Sentaï qui, depuis une quinzaine de jours, se partageaient la défense de Kyushu avec les Ki.61-I du 55e et les appareils du Kû 352. Le mois précédent, le 59e Sentaï avait été détaché auprès de la 6e Kôkû-Gun en vue d’appuyer les opérations kamikazes
lors desquelles ses 39 Ki.61-I allaient essentiellement assurer des missions d’escorte. Mais le secteur de surveillance du 12e Hikôshidan était vaste et le 56e Sentaï lui fut également envoyé en renfort – il allait être basé à Ashiya jusqu’en mai et être remplacé au sein du 11e Hikôshidan par des éléments du 47e Sentaï.
De par l’évolution générale de la situation, le gros des forces aériennes de Kyushu était à ce stade du conflit représenté par la 5e Flotte aérienne de la Marine dont les chasseurs n’avaient aucune expérience de la lutte contre les B-29. Il fut donc demandé de l’aide aux unités de la 3e Flotte aérienne qui dépêchèrent à Kyushu des éléments des Kû 210, 252, 343 et 601, des groupes majoritairement équipés du Mitsubishi A6M “Zero”, un chasseur qui même dans sa version la plus moderne, l’A6M5c modèle 52c, n’était pas conçu pour affronter les “Superfortress”. Montés, de surcroît, par de jeunes pilotes à peine formés, ces Kôkûtaï allaient surtout s’opposer aux appareils embarqués de l’US Navy et se consacrer à l’escorte des kamikazes avec de très lourdes pertes.
Pour faire bonne mesure, il fut également fait appel au Kû 302, considéré comme “spécialiste de la lutte anti-B-29” mais, dans un premier temps, celui-ci n’accepta de se défaire que de sept de ses “Zero” qui renforcèrent les 20 du Kû 352 à Kasanbara.
Pour preuve de leur inefficacité, le 8 avril 1945, jour des premiers bombardements contre Kyushu, les 29 B-29 qui attaquèrent le terrain de Kagoshima rentrèrent au complet. Au même moment, 48 autres quadri- moteurs s’en prirent à plusieurs petits aérodromes et perdirent un des leurs du fait de la défense antiaérienne.
En dépit d’interceptions régulières, le 12e Hikôshidan ne fit pas mieux et dut attendre le 17 avril pour voir ses chasseurs renouer (du moins en apparence) avec le succès. Ce jour-là, les trois Bomb Wings qui formaient alors le XXI Bomber Command engagèrent 118 B-29 contre six objectifs distincts. Première unité au contact, le 4e Sentaï perdit le sgt Tsutomu Nishimura auquel fut attribuée une victoire par abordage… alors qu’aucun bombardier ne tomba au cours de cette mission.
Le lendemain, 18 avril, lorsque 112 B-29 revinrent achever le travail de la veille, le premier adversaire qu’ils rencontrèrent au- dessus de Tachiaraï fut le 56e Sentaï qui endommagea sérieusement deux des leurs. L’un réussit à rentrer avec 350 traces d’impacts mais l’autre dut amerrir non loin d’Iwo Jima. Ce succès ne lui coûta que le sgt Chikao Yoshino qui se tua en tentant de poser son Ki.61 endommagé sur une piste parsemée de cratères de bombes.
Le second B-29 perdu par les Américains ce jour-là succomba à une collision avec un Ki.45-Kaï du 4e Sentaï que pilotait en solitaire le s/lt Miosaburo Yamamoto, chef de l’unité d’attaque spéciale. Un équi- page du 19e Dok. Chûtaï fut également abattu par les tirs défensifs américains, ce qui porta à trois le total des pertes nippones. De son côté, la Marine impériale décida aussi d’utiliser contre les B-29 son dernier “atout”, le tout nouveau chasseur Kawanishi N1K2 -J “Shiden- Ka ï ” qui équipait le “groupe des as” du capitaine de vaisseau Minoru Genda, le célèbre Kû 343. Mais celui-ci était déjà très largement impliqué dans la bataille d’Okinawa et, du 18 avril au 11 mai, n’allait effectuer que 120 sorties contre les B-29. Modestement, son bilan s’établit à 12 victoires pour la perte de 10 “Shiden-kaï” (15 autres furent incendiés au sol) et de quatre pilotes dont un tué au sol.
Déçu par la Tatsumaki-taï
Au bout d’une semaine durant laquelle le XXI Bomber Command effectua sans grande gêne 692 sorties dans le ciel de Kyushu, l’amiral Matome Ugaki, responsable des opérations kamikazes, se plaignit de l’inefficacité des groupes de chasse dits “classiques” contre les B-29. À sa demande, le commandement Air de la Marine impériale décida d’engager en force le meilleur outil dont disposait son aéro-
nautique navale dans ce domaine : le Mitsubishi J2M “Raiden”. Mais il fallut pour cela ponctionner les appareils en question sur les rares groupes qui en étaient le mieux dotés et qui étaient… les Kû 302, 332 et 352. Par ailleurs, et comme souvent, la réalité du terrain différa des plans d’états-majors. En l’espèce, la nouvelle “grande unité spécialisée” qui reçut le nom ronflant de Tatsumaki-taï (unité Tornade) ne réunit que… 43 “Raiden” (20 du Kû 302, 16 du Kû 332 et sept du Kû 352). Constituée le 26 avril, elle fut engagée dès le lendemain sans avoir eu le temps d’acquérir un minimum de cohésion.
Le 27 à l’aube, lorsque 109 quadrimoteurs auxquels avaient été assignés plusieurs objectifs se présentèrent, 19 “Raiden” décollèrent de Kanoya pour rapporter… deux victoires dont une probable. Le lv Koheï Nakajima du Kû 332 se déclara certain d’avoir descendu un B-29 et deux pilotes du Kû 302 se partagèrent la victoire probable. En contrepartie, deux chasseurs furent détruits lors d’atterrissages forcés. Dans la mesure où les B-29 affrontèrent d’autres chasseurs nippons, il n’est pas certain que les “Raiden” furent responsables de la destruction des deux B-29 qui ne regagnèrent pas Saïpan ce jour-là. Au grand dam du haut commandement, la Tatsumaki-taï allait se montrer aussi décevante que les autres groupes de chasse. Du 27 avril au 16 mai, elle allait prendre part à sept interceptions de B-29 (111 sorties) et n’annoncer que… six victoires dont une probable. Durant la même période, elle perdit huit J2M3 au combat et sept autres au sol, mais aucun pilote.
Le 14 mai, la Tatsumaki-taï ne disposait plus que de huit “Raiden” en état de vol sur le terrain de Kanoya (17 autres étaient en réparation) et les B-29 se promenaient toujours impunément dans le ciel de Kyushu. Devant ce constat d’échec, le commandement décida la dissolution de l’unité et le repli de ses intercepteurs. 48 heures plus tard, ceux du Kû 302 furent les premiers à regagner leur base d’Atsugi mais… pour y être placés sous l’autorité de la 3e Flotte aérienne de la Marine.
Durant les derniers jours d’avril et les premiers de mai, les Américains se heurtèrent aussi au 56e Sentaï dont le chef, le cdt Haruyoshi Furukawa, revendiqua la destruction d’un B-29 le 3 mai. Malheureusement, comme tous les Sentaï dotés du Kawasaki Ki.61-I “Hien”, le 56e déplora toute une série de pannes parfois assorties de pertes imputables à la fragilité du moteur Kawasaki Ha40… une pâle copie du Daimler-Benz DB.601A. Le même jour, alors que cinq Ki.61 étaient à la poursuite d’un B-29 solitaire, le moteur de l’adj./c Kumamitsu Harada s’enflamma soudainement, propageant le feu au cockpit dont le pilote ne put s’extraire… Le lendemain, le 56e perdit 10 appareils au sol, écrasés sous les bombes, si bien que le groupe dut se replier sur Itami le 20.
Le 25 mai, le Kû 332 regagna sa base de Naruo, lui aussi, pour y être placé sous commandement Marine. Il fut intégré à la 72e Flottille aérienne (Kôkû- Sentaï), elle-même partie intégrante de la 5e Flotte aérienne. Son effectif était tellement bas que les “Raiden” du Kû 352 et leurs pilotes durent lui être affectés pour lui permettre de demeurer opérationnel.
Offi ciellement, la campagne de neutralisation des aérodromes de Kyushu s’étala du 17 avril au 11 mai, période durant laquelle furent effectués 99 raids, généralement de faible envergure, dont 20 B-29 ne rentrèrent pas. Si les dégâts occasionnés furent importants sur 18 aérodromes de l’île, le succès ne fut cependant pas total dans la mesure où ces attaques ne suffirent pas à endiguer les missions suicides contre les forces navales américaines d’Okinawa. Le Bôei Soshireibu, dont le rôle consistait à contrer les quadrimoteurs, eut davantage de raisons d’insatisfaction. Ces combats qui coûtèrent au 12e Hikôshidan (Armée et Marine) quelque 90 appareils pour moitié détruits au sol et 20 pilotes confirmèrent la suprématie des quadrimoteurs américains qui avaient sillonné le ciel de Kyushu à leur guise.