À la conquête de Mach 2
Première partie, 1962-1970. Français et Britanniques s’allièrent pour construire un avion supersonique de transport de passager. Le temps pressait : Américains et Soviétiques étaient dans la course…
Objectif : précéder les Américains et les Soviétiques. Mach 2 tomba en 1970.
En novembre 1962, les gouvernements britannique et français lançaient l’étude et la réalisation d’un supersonique de transport de passagers. Non sans hésitation. Plusieurs facteurs avaient néanmoins poussé les Européens à franchir le pas. Le premier venait de la rivalité commerciale avec les Américains. Depuis la fin des années 1950, l’idée d’un supersonique civil était dans l’air. Les bureaux d’études des constructeurs multipliaient les projets, tandis que les organismes de recherches étatiques étudiaient en soufflerie les configurations. Le plus grand problème n’était pas d’ordre technologique, tant les avions militaires avaient déjà permis de bien débroussailler le domaine des grandes vitesses. La grande difficulté venait du coût du futur avion.
De toute évidence, il fallait voir grand. Français et Anglais prirent le parti dès le départ d’un financement public. Les Américains hésitaient sur les modalités pour financer un programme d’une telle envergure. Même Boeing ou Douglas, les premiers constructeurs aéronautiques du monde, restaient perplexes devant les coûts de développement. D’autant que les compagnies aériennes disaient à qui voulait l’entendre qu’il fallait au préalable rentabiliser la première génération des jets avant de passer à celle des supersoniques. Ainsi, lors d’un symposium à Montréal en 1961, elles proclamèrent haut et fort : “Il est essentiel pour les compagnies, les constructeurs, les gouvernements et le public que tout supersonique soit sûr, pratique et économique.” Suivaient une série de
recommandations, notamment sur le bruit, qui ne devait pas être plus important que la première génération de jets, sur l’adaptabilité des futurs appareils avec les pistes et installations déjà existantes. D’entrée de jeu, les compagnies aériennes prévoyaient que le voyage supersonique serait plus cher, mais entendaient que la différence de prix serait supportable pour les futurs passagers. Au- delà des 10 % de surcoût, le vol supersonique posait problème. L’enthousiasme des constructeurs aéronautique se heurta ainsi dès le départ la méfiance à peine dissimulée des compagnies. Les Européens souhaitaient profiter de l’avantage de partir les premiers dans la course sur le marché commercial en lançant leur programme avant les Américains (lire encadré page 31).
L’annonce d’un supersonique soviétique (le futur Tupolev 144) motiva aussi Paris et Londres. Cette fois-ci la rivalité se plaçait sur le plan technique. Chacun entendait démontrer la qualité de son industrie aéronautique. Tout ceci concourut à sinon précipiter la décision franco-anglaise, en tout cas à se lancer dans le projet sans attendre l’assentiment général des compagnies aériennes. Industriels et politiques européens comptaient sur les commandes nationales pour asseoir la crédibilité commerciale de leur supersonique. Fin 1962, l’enthousiasme était de rigueur de part et d’autre de la Manche. Le programme était estimé alors à 1 milliard 865 millions de francs, dont uniquement 550 millions pour les réacteurs (lire article page 22). Le supersonique devait effectuer son premier vol fin 1966, l’avion de série en 1968, et l’entrée en exploitation commerciale se réaliser en 1970. L’appareil était dé- cliné en deux versions : un moyencourrier pour des étapes jusqu’à 4 500 km, et un long-courrier pour atteindre 6 000 km. Les Britanniques croyaient surtout à la réussite du second, alors que les Français, dans une perspective plus globale, tablaient sur les deux versions.
Coup d’éclat avec Pan Am
Les prospections commerciales auprès des compagnies aériennes commencèrent immédiatement. L’idée était de leur faire réserver des options, qui permettaient en fait d’être en bonne place lors des livraisons des avions dans le cas d’une commande ferme. Les Européens réussirent un beau coup en obtenant le 3 juin 1963 six supersoniques de Pan Am, compagnie américaine totale-
ment incontournable pour tout constructeur aéronautique se lançant sur le transport aérien commercial. L’annonce provoqua la stupeur puis la colère de Kennedy, qui ne comprenait pas pourquoi une compagnie américaine achetait européen, coupant l’herbe sous le pied du supersonique portant les couleurs de la bannière étoilée. Pour ne pas être en mauvaise posture en cas de succès du supersonique, Cont inental , American Airlines et TWA suivirent. Sud Aviation et Bac se firent un plaisir d’annoncer au fil du temps les nouvelles compagnies qui signaient des options – Air India en juillet 1964, Sabena en décembre 1965, United en juin 1966. L’accumulation des options donna, à tort, le sentiment d’une réussite commerciale certaine.
Concorde ou Concord ?
Quel nom allait- on donner à l’avion ? L’unanimité n’arrivait pas à se faire quand… un garçon de 10 ans, le fils de M. Clark, directeur du service des relations extérieures de la British Aircraft Corporation, mit tout le monde d’accord. Un matin, à l’heure du breakfast, alors que ses parents évoquaient le futur supersonique, le garçonnet suggéra : “Et si on l’appelait Concorde ?” Enchanté de l’idée, M. Clark la proposa aux Françaises et Britanniques qui l’agréèrent avec enthousiasme. Première pierre d’achoppement : faillait-il écrire Concorde avec ou sans “e” ? Les Britanniques ergotèrent.
La querelle, d’ordre symbolique, exprimait néanmoins les difficultés à travailler en coopération à grande échelle. L’un des principaux pro-
blèmes ne fut rien de moins que les unités de mesures différentes entre les deux pays. On parlait d’un côté de la Manche en pouces, pieds et livres, de l’autre en mètres et kilogrammes. La langue fut également un problème. Britanniques francophiles et Français parfois adeptes d’un anglais de cuisine cohabitaient. Il fut ainsi rapporté que l’un des premiers directeurs français avait beaucoup de mal à se faire comprendre lors des – nombreuses – réunions. Concorde ne tourna pas néanmoins à la tour de Babel. Du côté des constructeurs, la plupart des acteurs louèrent la bonne ambiance générale.
Abandonner Concorde ?
L’entente cordiale fut moins évidente sur le plan politique. Le hasard des élections porta au pouvoir fin 1964 un nouveau gouvernement britannique avec à sa tête Harold Wilson. Concorde fut dès le départ dans son collimateur. Les critiques fusaient : trop cher, sans avenir commercial. Les reproches visaient les partisans de Concorde, jugés beaucoup trop optimistes. Il fut dès lors question de tout abandonner. D’éminents diplomates traversèrent la Manche pour tenter de négocier avec un gouvernement gaulliste qui monta immédiatement sur ses ergots et refusa catégoriquement tout retour en arrière. Les juristes soulignaient à l’envie que l’accord de novembre 1962 ne comportait pas de clause d’abandon, rendant tout départ aléatoire. Couper les ailes à Concorde revenait aussi à mettre un terme à la coopération franco-britannique qui se dessinait à grande échelle avec le programme Ecat (avions d’école de combat et d’appui tactique, futur “Jaguar”) ou la coopération dans le domaine des hélicoptères avec le “Puma”. Après une passe d’armes entre Paris et Londres, le gouvernement britannique se résigna finalement à poursuivre Concorde. Il fut néanmoins beaucoup plus souvent l’objet de vives discussions à la Chambre qu’au Parlement en France. Les députés britanniques reprochèrent souvent au Concorde d’être trop important pour être abandonné, et surtout de se classer dans les “faits accomplis” à ne pas discuter.
Ingénieurs britanniques et français multiplièrent les rencontres et confrontèrent leurs travaux pour définir l’appareil. Chez les Britanniques, notons Archibald Russell, directeur technique de BAC depuis de longue année. Du côté français, diplômés d’Arts et Métiers, Lucien Servanty et Gilbert Cormery dirigeaient les études. Le premier avait conçu “Triton” et “Trident”. Gilbert Cormery avait travaillé dans l’ombre de Servanty depuis le “Trident”, notamment sur des dérivés du chasseur capables d’atteindre Mach 3. Il prit en mains le projet de “Super Caravelle” en juillet 1959 et devint directeur technique de Concorde sous la conduite de Servanty en juillet 1962. Leurs équipes bénéficiaient des recherches de l’Onera (Office national d’études et de recherches aérospatiales), notamment pour le dessin très particulier de la voilure. Citons parmi les chercheurs “pointus” dans les études aérodynamiques Philippe Poisson-Quinton.
Dès mars 1960, les Britanniques du RAE (Royal Aircraft Establishment, l’équivalent de l’Onera), apportèrent dans la corbeille Concorde leurs recherches sur le vol supersonique et ses contraintes. La voilure bientôt dite “gothique” – pour son analogie avec les galbes des voûtes des cathédrales médié-
vales – passa de nombreuses fois dans les différentes souffleries, tant pour les basses que pour les grandes vitesses. Une petite note diffusée dans les laboratoires de l’Onera résumait l’importance des recherches : “Souvenez-vous que pour Concorde, 1 % d’erreur sur la prévision de la traînée supersonique équivaut à 6 % de passagers en moins, que 1 % des pertes de rendement des prises d’air équivaut à une perte de 2,5 % de la charge utile.”
La définition de l’avion évolua. La version moyen-courrier disparut. L’augmentation de sa masse fut inexorable, tant pour les prototypes que pour une version de série encore bien floue en 1965. Au départ l’appareil était estimé à une masse de 138 t, puis ce fut 150 t. On parla bientôt de 180 t…
Simulateur de Concorde
Alors que les ingénieurs agrandissaient frénétiquement les liasses de plans, Concorde commença ses essais en vol avec divers appareils. Ce fut ainsi le cas avec le BAC 221 – premier vol le 1er mai 1964. C’était en fait le Fairey “Delta” 2 qui se voyait greffer une aile delta pour ainsi dire “mimer” le Concorde. Il atteignit Mach 1,6. Autre sujet britannique à participer au programme Concorde : le Handley Page HP.115. Il s’attaqua aux essais d’une aile à très forte flèche (75°) aux basses vitesses. Du côté des Français, les “Mirage” furent mis à contribution : le “Mirage” IV n° 04 participa ainsi activement aux essais de vols à vitesse supersonique. Il fut perdu sur accident le 23 octobre 1968. Le “Mirage” IIIB n° 225 fut transformé pour reproduire les com-
mandes de Concorde. Ce fut ainsi que le pilote André Turcat fut pour la première fois confronté à l’avion qui fit sa renommée de pilote d’essais ; il vola sur le “Mirage” IIIB dit à “stabilité variable” transformé en simulateur de Concorde en janvier 1966. Ancien de Nord Aviation, où il s’était illustré sur “Griffon”, il avait été nommé directeur des essais en vol de Sud Aviation en 1962. Chez les Britanniques son alter ego était Brian Trubshaw, un vétéran du Bomber Command sur “Stirling” et “Lancaster” passé ensuite par le King Flight – transport du souverain britannique et de sa famille – et les essais en vol des avions VickersArmstrong.
À la fin de 1963, les premières pièces sortirent des usines. Se mit progressivement en place un vaste mécano entre tous les établissements. Il fallut organiser une large chaîne logistique pour alimenter les chaînes de montage. Il devint fréquent de voir des convois exceptionnels parcourir les routes de la campagne toulousaine ou les prairies du Gloucestershire qui entouraient Filton.
Premières pièces, premiers problèmes
Les premières pièces servirent pour des “éprouvettes”, en fait des sous-ensembles de la structure utilisés pour des essais statiques. Par exemple, en mars 1966, un tronçon de fuselage et d’aile (dit éprouvette 2.8b) fut envoyé eu CEAT (Centre d’essais aéronautiques de Toulouse, aujourd’hui Direction générale de l’armement - Techniques aéronautiques) afin d’en vérifier la résistance. Une éprouvette de Concorde de 18 m de long fut plongée dans un bassin à Filton pour des essais de pression. Elle fut ensuite envoyée au RAE de Farnborough pour une mise à l’épreuve de la résistance structurale. Au mois d’octobre 1965, l’assemblage du premier tronçon commença dans l’usine de Toulouse Saint-Martin. En mai 1966, le prototype 001 prenait forme. La partie arrière du fuselage arriva fin août
de Filton à bord d’un avion- cargo Short “Belfast”. Le 002 de son côté était assemblé avec des pièces provenant, entre autres, de SaintNazaire ou de Marignane. Tout ne fut pas des plus aisés à assembler ; il y eut parfois des critiques sur la finition de certains éléments de part et d’autre mais, d’une façon générale, l’assemblage des prototypes se passa correctement.
Au milieu des années 1960, pour le grand public, Concorde était à l’état de maquettes. Pour impressionner les esprits, notamment ceux des compagnies aériennes, une maquette à l’échelle 1 fut fabriquée début 1967 pour être exposée au Salon du Bourget. C’était en fait une maquette de 31 t d’acier soudé à l’arc électrique avec une cabine de 125 passagers et une pointe avant fonctionnelle. Une excellente occasion de présenter “en vraie” Concorde. Des hôtesses de l’air des compagnies défilèrent devant l’avion lors du Salon.
Une atmosphère plus réservée en coulisse
L’année 1967 marqua sans doute le paroxysme de l’espérance d’une grande réussite commerciale. 74 options avaient été signées par les plus grandes compagnies aériennes du monde. La Lufthansa et Air Canada avaient été les dernières à signer en février et mars. En coulisse l’atmos- phère était nettement moins à la liesse. En juillet 1965, le ministre des Finances Valéry Giscard d’Estaing demanda un bilan financier sur le programme Concorde. Ses conclusions furent pour le moins très réservées : “Même avec une série de 130 appareils, les recettes des ventes ne représenteraient que 55 % des dépenses actualisées d’études, de développement et de fabrication.”
“Les experts mentent, les industriels mentent”
Dans les sphères du pouvoir, l’augmentation des coûts inquiétait. Le ministre des Armées, Pierre Mesmer, l’annonça lors du conseil des ministres du 2 février 1966 : “Le coût initialement prévu était de 1 860 millions de francs, dont la moitié à la charge de la France, soit 930 millions de francs. Les évaluations les plus récentes montrent que ce coût doit être multiplié par quatre.” De Gaulle aurait dit à Mesmer : “Ce Concorde est un gobe-millions (…). MacNamara [ministre de la Défense américain, NDLR] m’a dit un jour : “Les experts mentent, les industriels mentent”, et je lui ai dit : “Les administrations laissent passer les mensonges.” (extrait de C’était De Gaulle, d’Alain Peyrefitte). Le gouvernement français envisagea d’arrêter le programme, opération qui allait coûter “seulement” un tiers de la somme globale alors estimée selon les experts. La perspective d’une vague de licenciements chez Sud Aviation et la Snecma et, il faut bien le dire, une volonté d’assurer le prestige national face aux concurrents américain et soviétique poussa finalement De Gaulle à poursuivre le programme Concorde. Coûte que coûte.
En juin 1967, le 001 s’anima avec les essais de rentrées et sorties des atterrisseurs principaux, puis du basculement du nez. Début août 1967, le prototype était dégagé des échafaudages qui l’entouraient et reposait sur son train d’atterrissage. Il fut dès lors confronté à des essais de vibrations. 600 capteurs repartis sur la cellule vérifiaient son bon comportement face aux excitations provoquées par des vérins. Fin 1967, il était temps de présenter officiellement l’avion, même s’il était loin de pouvoir voler – les plus optimistes espéraient un premier vol mi-1968. Ce fut par un matin glacial le 11 décembre 1967 que le prototype 001 apparut devant les flashs des photographes. Une cérémonie consensuelle qui vit le ministre britannique de la Technologie Anthony
Wedgwood Benn dire : “Le Concorde britannique s’écrira désormais avec un “e”, car cette lettre représente bien des choses. Elle signifie “Excellence”, “England”, “Europe” et “Entente”. C’est l’alliance de sympathie qui constitue un lien entre nos deux pays.”
Concorde décolle
Pour recevoir l’imposant supersonique, une nouvelle piste de 3 500 m fut construite à Blagnac. Lui furent ajoutés tous les équipements pour les essais en vol, depuis la barrière d’arrêt jusqu’aux antennes relais pour suivre l’avion en vol, en passant par un banc destiné à étudier le bruit provoqué par les réacteurs. Les essais avec les réacteurs occupèrent tout le début de l’année 1968. Fin août se déroulèrent les essais de roulage à basse vitesse. Ils permirent de vérifier jusqu’à 220 km/ h les freins et l’éjection du parachute de queue. Le prototype fut l’objet de chantiers d’ajustement et de nouveaux essais au point fixe avec ses réacteurs.
Ce fut alors que les Soviétiques annoncèrent le 31 décembre 1968 avec tambour et trompette le premier vol de leur supersonique, le Tupolev 144. Bien plus tard les Soviétiques admirent avoir quelque peu précipité leurs études et essais pour devancer à tout prix les Occidentaux. Pour Concorde, les essais de roulage reprirent en janvier 1969. L’avion fut poussé jusqu’à 160 noeuds (296 km/ h) et 9° d’assiette. L’équipe des essais en vol considéra que Concorde était apte au vol. Il fallut attendre que la météo se fasse plus clémente. Enfin, le 2 mars 1969, André Turcat, pilote, Jacques Guignard, copilote, Henri Perrier, ingénieur navigant et Michel Rétif, mécanicien navigant, décollèrent pour un magistral premier vol. Il ne fut pas des plus spectaculai res, ce n’était d’ailleurs pas l’effet recherché. Le vol dura 42 minutes et ne dépassa pas 2 800 m d’altitude. L’émotion des témoins sur le bord de piste était cependant bien réelle. La conquête du supersonique prenait une autre dimension. Les Britanniques suivirent de peu avec le prototype 002, qui décolla le 9 avril de Filton avec comme pilote Brian Trubshaw, copilote Brian Watts, mécanicien navigant Mick Addley, accompagnés par John Allan et Peter Holding, ingénieurs navigants. Ce vol de 43 minutes prit fin sur la base aérienne de Fairford, où devaient se dérouler les eessais des Concorde britanniques. Une fois cette formalité accomplie, le premier grand rendez- vous fut le Salon du Bourget de 1969. Ce fut l’occasion ppour le 001 de survoler Paris à deux occasions. Les samedi et dimanche 7 et 8 juin, les deux Concorde aassurèrent le spectacle ddans le ciel du Bourget. Le 14 juin, le 002 participa au défilé aérien au-dessus du palais de Buckingham en l’honneur de l’anniversaire de la Reine Élisabeth, non sans prendre le temps de survoler à basse altitude plusieurs villes
pour se présenter aux Britanniques. Les Soviétiques de leur côté avaient progressé dans la course de vitesse. Le Tu 144 passa Mach 1 le 5 juin. Une fois salon et démonstrations achevées, les Concorde reprirent leurs essais. Bien avant les essais en vol, les équipes française et britannique avaient décidé de procéder par paliers. Vitesse et altitude augmentaient progressivement . Première étape symbolique : Mach 1. Pour l’occasion André Turcat laissa sa place de pilote à Jean Pinet dans le 001. C’était le 1er octobre ; l’avion effectuait son 45e vol. Sept jours plus tard, il vola pendant 52 minutes en vol supersonique. Il faut noter que le 002 ne franchit Mach 1 que le 25 mars 1970. Pour être plus rapide et s’attaquer à Mach 2, le 001 retourna aux ateliers de Toulouse en février 1970 pour recevoir des “Olympus” plus puissants et toute une série de modifications qui lui permettaient désormais de décoller à 150 t et non plus à 140 t comme auparavant. Le 002 fut aussi l’objet d’un chantier de modifications.
La course à Mach 2 !
Le 26 mai 1970, toujours pour devancer ses concurrents, le Tu 144 atteignit pour la première fois Mach 2. Concorde s’aligna dans la course à deux fois la vitesse du son le 18 septembre 1970 lors du 92e vol du 001. Le cap ô combien symbolique de deux fois la vitesse du son fut atteint le 4 novembre à 15 heures 16 minutes et 10 secondes ; il fut maintenu pendant 53 minutes, ce qui constituait une performance déjà fort appréciable. Peu d’avions pouvaient se targuer de maintenir une telle vitesse aussi longtemps. Pour ce 102e vol, l’équipage se composait d’André Turcat, pilote, Jean Franchi, copilote, Henri Perrier et Claude Durand, ingénieurs navigants, Jean Belson, ingénieur navigant Snecma, Hubert Guyonnet, navigateur et Michel Rétif. Le 12 novembre, le 002 atteignit lui aussi Mach 2 pendant 42 minutes. Le même jour son alter ego français vola 51 minutes à cette même vitesse. En hommage au général de Gaulle, décédé le 9 novembre, Concorde traça une croix de Lorraine dans le ciel de Toulouse. De l’endurance était aussi désormais au programme. Fin novembre, le 001 vola pendant 3 heures, suivi par le 002 début décembre. Le 4 décembre, ce fut l’altitude qui compta. Le 001 atteignit 56 000 pieds (17 070 m). Fin décembre, le 001 réalisa un palier à 16 500 m à Mach 2 pendant 59 minutes.