Jean-Marie Saget, la passion du vol
Le 19 mars s’est éteint Jean-Marie Saget. Fameux pilote d’essais Dassault, infatigable formateur à la voltige, il totalisait plus de 20 000 heures de vol sur 150 types d’appareils. Retour sur une vie de passion pour le vol.
Un grand passionné du vol et de la voltige nous a quittés. Retour sur une impressionnante carrière.
Jean Marie Saget avait partagé il y a quelques années ses souvenirs avec le jeune journaliste que j’étais alors. Didactique, pas- sionné, il racontait t sans fard, avec humilité et précision, sa longue carrière. En voici quelques moments marquants parmi tant d’autres : “Je suis né le 17 mars 1929 à Paris, de parents bourguignons. Tous nos ancêtres répertoriés sur les registres paroissiaux n’avaient avaient pas beaucoup bougé du coin de plaine au nord-est de Dijon. J’ai reçu l’éducation de la plupart des petits Français de l’époque, encore marquée par la Grande Guerre : mon père, mes oncles (ceux qui ont survécu) me racontent leurs histoires. Paul Déroulède Déroulède, auteur de chansons patri patriotiques, ne paraît pas encore démodé. Dieu Dieu, Patrie, respect de l l’autorité sont les prin principes indiscutés dans l’entourage fam familial.
“Je “J veux être aviateur” a
Mes premiers co contact s avec l’aviation remontent très loin : mon père, très intéressé par le sujet, m’emmène à un meeting aérien, sans
doute au polygone de Vincennes, dont je n’ai gardé que le vague souvenir d’une immense foule et d’avions faisant de “l’acrobatie”, puis sous une grande tente au Bourget, où est exposé un ANT monomoteur russe qui vient de battre un record de distance. J’ai même le privilège – vu mon très jeune âge et ma petite taille – de monter dans le fuselage arrière. Mais au printemps 1936, mon père rapporte à la maison quelques revues d’aviation, sans doute à l’occasion du Salon de l’aéronautique qu’il est allé visiter : L’Air, L’Air pour les Jeunes. C’est pour moi la révélation : je veux être aviateur. Si à cette époque il n’y a pas la télévision et si la radio est encore peu répandue, les magazines pour la jeunesse, les journaux sont tout imprégnés d’histoires d’aviation, des exploits des aviateurs qui ne peuvent qu’enflammer les enthousiasmes. Je découvre dans l’hebdomadaire Pierrot une bande dessinée, Parlons d’Aviation, où j’apprends très tôt les bases de la technique aéronautique et du pilotage. Le jour venu de passer à l’action, tout ceci emmagasiné depuis longtemps, me paraîtra tout naturel – importance de la préparation psychologique
Fin 1946, je m’inscris à l’aéroclub Géo André grâce à de l’argent de poche que j’ai pu me faire en cueillant du houblon au cours de l’été, puis en donnant des leçons à de jeunes écoliers. Le 14 novembre a lieu mon premier vol, sur planeur Caudron C. 800, à Saint- Cyrl’École, avec Madeleine Renaud (qui n’est pas l’actrice). Après dix ans d’attente – autant dire l’éternité pour un jeune de mon âge – le rêve se matérialise, me voici en l’air, je survole les champs. C’est un aspect tout différent du monde que je découvre, mais deux minutes plus tard, c’est déjà fini (le lancer au treuil ne nous propulse guère qu’à 150 m de hauteur) et, pour ce vol de familiarisation, je n’ai même pas eu le droit de toucher les commandes. Mais je connais par coeur les manoeuvres et je brûle d’impatience de recommencer. Et le jeudi, patiemment, je passerai toute la journée à remettre en batterie les planeurs pour le lancer suivant dans l’espoir de faire deux vols de deux à trois minutes. Dans ces conditions, la progression est lente et comme je suis absent en été pour cause de vacances familiales, je n’arrive jamais au nombre de lancers exigés pour le lâcher, qui augmente plusieurs fois suite à quelques graves accidents.”
Premier vol solo puis l’École de l’air
En 1948, un stage d’été voit mon premier vol solo. Lâcher sur planeur Nord 1300 (version française et un peu abâtardie du Schneider “Grunau Baby” allemand). Instant inoubliable que connaissent bien les aviateurs. Le 1er octobre, j’intègre le
“Piège” [l’École de l’Air, NDLR] avec toute la promotion 1949. Je m’estime comblé. Mais je suis loin d’imaginer ma future carrière ! Après six mois commence enfin le pilotage, à raison de plusieurs demi-journées par semaine sur le terrain caillouteux de La Jasse. Comme les avions (des Morane- Saulnier MS. 315) n’ont
“On se sent poussé dans le dos. Il faut bien appuyer 50 kg sur le palonnier droit pour garder l’axe ”
pas de freins, en début de séance le chef moniteur laisse tomber une touffe d’herbe, et parallèlement au vent ainsi déterminé, il fait mettre en place deux carrés de toile d’avion maintenus par des galets : c’est la piste du jour – à gauche les décollages, à droite les atterrissages. À la rentrée des permissions d’été 1950, coup de théâtre : la promotion part en Amérique à Noël pour y subir l’entraînement aérien. Explosion de joie. L’Amérique, c’est alors à nos yeux le pays de cocagne.”
Jean- Marie Saget reçoit une formation poussée sur T- 6, l’occasion de se frotter à l’exercice de la voltige. Son entraînement passe par le “Mustang” : “L’avion est assez impressionnant pour les jeunes pilotes que nous sommes. Long capot de 3 m de long – à la mise de gaz, la grande hélice tire très fort, on se sent poussé dans le dos, et il faut bien appuyer 50 kg sur le palonnier droit pour garder l’axe. À l’atterrissage, les 130 mph [209 km/h] en finale nous changent des 80 mph [129 km/ h] du T- 6 et puis, il est recommandé de ne pas trop chatouiller les freins – plusieurs de mes camarades s’en apercevront à leurs dépens en faisant un pylône, d’autres préfèrent le cheval de bois – mais quel merveilleux avion une fois en l’air. Rapide, il atteint 320 mph [515 km/h] à 25 000 pieds [7 620 m]