Caravelle, belle, belle, belle
Comment ne pas tomber amoureux de la mythique Caravelle aux couleurs des compagnies françaises ?
s’adapter aux évolutions du marché. La compagnie nationale se laissa surprendre par l’explosion du tourisme et des vols charter. Une grande quantité de Caravelle réformées du service régulier furent acquises à bon compte pour armer une multitude de compagnies parfois très éphémères qui, au pire, se contentaient d’exploiter le potentiel qui leur restait sans les réviser. C’est ainsi qu’en France, toutes les versions du fin bimoteur figurèrent au registre des immatriculations tandis que les patrons de la grande compagnie enrageaient. J’en fus le témoin. C’était le bon temps. Je n’avais pas 30 ans et Jacques Guillem photographiait Caravelle comme les paparazzis collés aux basques de Brigitte Bardot.
La Caravelle marqua les esprits dès son apparition. Ainsi la revue
Air France magazine en chanta les louanges à l’été 1960 : “Le SudAviation SE 210 “Caravelle”, chefd’oeuvre de la technique aéronautique française. La France, terre d’histoire, se révèle chaque jour plus jeune et plus dynamique dans un monde désormais accaparé par le mouvement. Forts de bases solidement ancrées dans la science et l’esprit des siècles passés, ses techni
ciens créent, comme leurs ancêtres, des chefs-d’oeuvre dans les domaines les plus divers. Faut-il citer les locomotives championnes du monde, les ponts métalliques ou de ciment précontraint, les centrales électriques et les barrages gigantesques construits en France ou à l’étranger, et tant d’autres réalisations dans le domaine des Travaux publics, de l’urbanisme et de l’industrie hôtelière ? Choisissons un seul exemple, le plus élégant et le plus passionnant, puisqu’il s’agit d’un avion, et le plus probant puisque cet avion, Caravelle, a déjà été acheté à plus de 120 exemplaires par des compagnies de neuf nationalités différentes, y compris les États-Unis. Air France, qui avait participé à la définition des caractéristiques de “Caravelle” en vue d’assurer dans les meilleures conditions d’exploitation de son réseau de “moyen- courriers”, a été la première à le mettre en service. Aux 24 appareils de ce type – dont la livraison s’échelonne en 1959 et 1960 – s’ajouteront six autres en 1961. 800 ouvriers et 300 techniciens de Sud-Aviation ont dû travailler trois ans avec ceux d’Air France pour réaliser le premier exemplaire de “Caravelle”, c’est-à-dire dessiner, créer et éprouver 400 000 pièces différentes, assemblées à l’aide de 600 000 rivets et 3 000 000 points de soudure et vitalisées par 30 km de câble électrique, 200 relais et 1 km de circuits hydrauliques. Au total 43,5 t qui reposent sur dix roues au moment du décollage et s’élancent à 800 km/h. Chaque élément de l’appareil était un premier pas dans un domaine nouveau en raison des performances recherchées. La seule alimentation en air de la cabine était un problème, la vitesse de circulation à la sortie des compresseurs (100 m/s) transformant trop facilement les conduits métalliques en tuyaux d’orgues. La totalité de l’air de la cabine n’est- elle pas renouvelée toutes les 3 minutes ? Soit 90 m3 par minute à 12 000 m. Outre les essais techniques, un prototype entièrement immergé dans une cuve a été soumis pendant huit mois à des efforts correspondant à
30 000 heures de vol, soit 10 à 15 ans de sa vie et d’innombrables mises au point d’accessoires ont apporté leur contribution à la meilleure solution. Caravelle” – l’avion de demain sur les pistes d’aujourd’hui – présente certaines particularités originelles, maintenant reprises par divers constructeurs, en particulier la position de ses moteurs. Ceux- ci sont fixés, de part et d’autre, à l’arrière du fuselage, ce qui conserve à l’aile une pureté de planeur. L’efficacité en résultant fut bientôt illustrée par deux tests : décollant d’Alger sur un seul moteur, Caravelle a volé jusqu’à Paris sans remettre le second en marche (l’expérience a été répétée trois fois sur le prototype) ; après une montée à 12 000 m au-dessus de Paris avec 35 passagers à bord, le 16 avril 1959, les moteurs de la Caravelle furent volontairement réduits à une poussée nulle. L’appareil parcourut en planant 265 km, allant atterrir à Dijon. Parmi les nombreux autres avantages de cette formule, soulignons la diminution considérable