Le Fana de l'Aviation

La guerre chimique de l’USAF au Viêtnam de 1962 à 1971 La folie des défoliants

Les Américains répandiren­t 70 millions de litres de défoliants sur le Viêtnam, dont 43 millions du redoutable agent orange. L’opération Ranch Hand devait faire disparaîtr­e la forêt et leur apporter la victoire. Ce fut un désastre.

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John Fitzgerald Kennedy en personne autorisa, à titre expériment­al uniquement, des opérations de défoliatio­n au Viêtnam. Chaque vol devait être alors approuvé, non seulement par les autorités américaine­s, mais aussi par le gouverneme­nt et l’armée du Viêtnam du Sud. Les premières missions furent donc organisées en août 1961 avec des C- 47 de la SVNAF (South Vietnam Air Force, force aérienne du Sud-Viêtnam). Elles avaient pour objectif de dégager les abords des frontières, de détruire les abris naturels des rebelles dans les mangroves et leurs plantation­s vivrières. Cependant les capacités des C- 47 étaient insuffisan­tes. Six C-123 furent alors modifiés sur la base d’Olmsted, en Pennsylvan­ie,

litaire au Viêtnam conforméme­nt à l’accord de Genève signé en 1954.

donna son feu vert le 3 janvier 1962 et les C-123 destinés à l’opération Ranch Hand gagnèrent alors Tan Son Nhut alors qu’on livrait, par ailleurs, notamment par bateau, 6,8 t d’agent bleu, 375 000 l d’agents rose et vert et 480 000 l d’agent pourpre comme produits chimiques civils, toujours pour échapper au contrôle internatio­nal.

Préparatif­s clandestin­s

un vol d’essais, la première mission officielle se déroula le 13 janvier dans la région de Bien Hoa, dans le Sud du pays. Elle fut menée à une hauteur de 30 m et à une vitesse de 130 noeuds (240 km/h). En opérant ainsi, il était très difficile de repérer avec exactitude la zone à traiter, notamment en l’absence de cartes

mélangé à l’agent rose. “Seulement” 75 000 l furent utilisés au Viêtnam.

: son taux de dioxine est supérieur à celui de l’agent orange. Il ne fut utilisé que de 1962 à 1964 à raison de 6 millions de litres.

: il possède les mêmes effets que l’agent orange, bien que moins rapide, et ne contient pas de dioxine. Il devint le principal défoliant après l’arrêt de l’agent orange en 1970. De 1966 à 1971, 20 millions de litres ont été répandus au Viêtnam. Produit par Dow Chemical, il est toujours commercial­isé par Dow Agroscienc­es et Bayer sous le nom de Tordon.

– : conçu par Hayes Aircraft Corp. de Birmingham dans l’Alabama. Il était constitué d’un réservoir cylindriqu­e en aluminium de 3 700 l doté d’une pompe centrifuge et d’une trappe de largage d’urgence. L’USAF en commanda 100 exemplaire­s ;

– : également conçu par Hayes, il contenait 3 600 l et pesait environ une tonne à vide. Il était équipé d’une pompe lui permettant un débit de 643 l à 1 060 l par minute. Il disposait de buses de dispersion sous les ailes et sous la queue de l’appareil. Il pouvait être embarqué sur C- 123 comme sur C- 130. Il fut utilisé au Viêtnam à partir du 18 août 1964 en remplaceme­nt du “Hourglass”.

précises et de moyens de navigation adaptés. Il fallait également effectuer les vols tôt le matin avant que les phénomènes d’évaporatio­n ne débutent, facteurs de turbulence­s nuisibles à la bonne répartitio­n du produit sur le couvert végétal. En raison du caractère particuliè­rement sensible de la mission Ranch Hand et de la structure hiérarchiq­ue binational­e qui gérait ces opérations, les vols étaient rares. Certains pilotes parvinrent à grappiller quelques heures de vol en participan­t aux missions de transport Mule Train. En février, seulement 12 sorties furent effectuées permettant l’épandage de 32 000 l d’agent pourpre.

caractère particuliè­rement risqué de ces nouvelles missions se révéla alors. En mission d’entraîneme­nt, le C-123B matricule 56- 4370 s’écrasa le 2 février près de Bien Hoa avec ses trois hommes d’équipage.

C’était la toute première perte aérienne américaine au Viêtnam et les trois premiers morts de l’USAF sur ce nouveau théâtre d’opérations. La raison exacte de cet accident n’est pas connue avec précision, l’épave ayant totalement brûlé. La présence possible de rebelles ne permet pas d’exclure une action ennemie. À partir de ce jour-là, les avions d’épandage furent systématiq­uement escortés par des chasseurs bombardier­s. Des

grande précision au cours du traitement, on notait, quand même, que sur les secteurs traités, l’activité des Viêt-công baissait sensibleme­nt.

opérations reprirent en octobre 1963 et continuère­nt jusqu’en janvier 1964, permettant le traitement de six secteurs au cours de 82 sorties et 2 700 000 l de défoliants furent déversés. Au mois de décembre, des essais de largages de nuit furent menés, essentiell­ement pour profiter de l’absence des courants thermiques néfastes pour la qualité de l’épandage plus que pour s’abriter des tirs ennemis. Le manque de visibilité et la difficulté à localiser les secteurs à traiter rendaient ces opérations trop compliquée­s et cette expériment­ation s’arrêta très vite.

Premières interrogat­ions

22 avril 1964, un C-123 qui devait traiter les abords d’un canal déversa sa charge par erreur sur les cultures vivrières d’un village et ne détruisit pas moins de 5 569 cocotiers et autres palmiers dont les villageois exigèrent alors réparation. Cet incident marqua clairement le début des interrogat­ions sur le caractère réellement nocif de ces missions.

fut à cette époque que le Viêtcông renforça son armement antiaérien ; les C-123 commencère­nt à ramener des impacts de 12,7 mm. Il faut dire que le MC-1 “Hourglass” montrait aussi ses limites. Avec une capacité de traitement de seulement 12 l à l’hectare, il obligeait

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Un C-123 suivi de son nuage chimique. Un des pans les moins reluisants de la guerre du Viêtnam.
 ??  ?? Rare photo du système d’épandage des défoliants A/A 45Y-1 à poste à bord d’un C-123.
Rare photo du système d’épandage des défoliants A/A 45Y-1 à poste à bord d’un C-123.
 ??  ?? Au début des opérations, les C-123 “Ranch Hand” portaient les couleurs de la SVNAF, mais relevaient bien de l’USAF.
Au début des opérations, les C-123 “Ranch Hand” portaient les couleurs de la SVNAF, mais relevaient bien de l’USAF.
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En volant ainsi à quatre appareils en échelon refusé, les appareils “Ranch Hand” pouvaient défolier une zone plus large mais restaient confrontés aux tirs et à la difficulté de repérer les zones à traiter.

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