Livraison du dernier Concorde La fin d’une illusion
Il y a 40 ans, British Airways recevait le dernier Concorde fabriqué, l’événement marquant un échec commercial cinglant. Le supersonique ne s’était pas vendu.
Les signataires de l’accord franco- britannique du 29 octobre 1962 qui lançait Concorde ne pensaient pas que la grande ambition commerciale du supersonique civil finirait moins de 20 ans plus tard en désastre. Le 12 juin 1980, British Airways reçut officiellement le dernier Concorde fabriqué. C’était le 16e exemplaire de série. Il était bien loin le temps ou d’éminents experts brandissaient fièrement dans les ministères et les salons aéronautiques des prévisions de 100 Concorde, des cadences infernales dans les usines de Toulouse et de Filton en Angleterre. “Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir ?” s’instaura très rapidement dans les esprits au début des années 1970. British Airways, faut-il le rappeler alors compagnie nationale britannique à capitaux publics, se fit quelque peu tirer les oreilles pour commander cinq Concorde en avril 1972. Air France suivit avec quatre appareils. Puis ce fut tout.
L’avion supersonique bradé
l’abandon en rase campagne du programme par les compagnies aériennes américaines en 1973, les mirages de contrats avec la Chine et l’Iran disparurent ensuite, laissant apparaître bientôt la vérité nue, cruelle : Concorde ne se vendait pas. Non sans beaucoup d’optimisme, les gouvernements britanniques et français avaient lancé la fabrication de 16 Concorde. Une simple soustraction avec les commandes des compagnies nationales permettait de comprendre qu’officiellement neuf avions allaient sortir des chaînes de montage blanc comme neige, sans logos ni couleurs de compagnie aérienne – les deux premiers avions de série restant consacrés aux essais en vol. La partie se joua finalement en coulisse, au terme d’ultimes négociations entre les gouvernements et les industriels. British Airways et Air France allaient se partager gratuitement les avions sans client. Les contribuables ayant payé l’intégralité du programme, les ultimes Concorde furent cédés pour des montants purement symboliques – en fait la somme des quelques aménagements demandés avant livraison. Les estimations optimistes de l’époque évoquaient l’avion autour de 300 millions de francs l’unité. Ce fut ainsi
que le G-BOAF ferma la marche en 1980. Il fut le dernier avion assemblé à Filton, site ouvert en 1910 par Bristol avec l’assemblage du “Boxkite”. Airbus a pris le relais sur place avec la conception et la fabrication des ailes de ses avions.
Foxy, le dernier des Concorde
G- BOAF, alias Alpha Foxtrot ou Foxy (rusé en anglais) pour ses équipages, connut la même carrière que ses congénères sous la forme d’un mélange entre liaisons régulières avec les États-Unis et voyages extraordinaires avec son lot de ministres et de VIP. Tout au plus notons dans cette paisible carrière une portion de dérive arrachée à Mach 1,8 à 44 000 pieds (13 411 m) lors d’une liaison entre la Nouvelle-Zélande et l’Australie en avril 1989. Rien de grave cependant. Une nouvelle dérive et Foxy repartit en exploitation. La cabine fut régulièrement mise au goût du jour au fil des années. L’avion joua un rôle pionnier dans la remise en service de Concorde après la catastrophe de Gonesse le 25 juillet 2000, qui avait vu le F-BTSC s’écraser, faisant 113 victimes. Foxy revola le 17 juillet 2001 avec les modifications appliquées sur Concorde après l’accident.
temps du supersonique était pourtant révolu. Le 24 octobre se déroula le dernier vol avec passagers. Le G-BOAF réalisa l’ultime vol d’un Concorde le 26 novembre 2003. Il retrouva à cette occasion la piste de Filton, avant de rejoindre le
Bristol Aviation Heritage Museum. Foxy comptait 18 257 heures de vol (le Concorde qui détient le record est le G-BOAD avec 23 397 heures). De novembre 2010 à juillet 2011, Airbus a restauré Foxy pour 1,8 million de livres. Le dernier Concorde est désormais exposé dans un magnifique hangar. Si vous passez par Bristol, n’hésitez pas à aller le saluer !