Le Fana de l'Aviation

Une grande ambition, 1948-1955

Février 1953 : l’armée de l’Air lance toute l’industrie aéronautiq­ue française dans un concours pour lui fournir son futur chasseur supersoniq­ue. La Sncaso répond présent avec son très ambitieux “Trident” commencé en 1948.

- Par Alexis Rocher

1953 : l’armée de l’Air lance un programme de chasseur supersoniq­ue. La Sncaso s’aligne dans la compétitio­n.

La scène se passe le 12 janvier 1956. C’est un dîner organisé à la Maison de l’Amérique latine à Paris qui voit Lucien Servanty, ingénieur en chef du Ouest Aviation “Trident”, distingué officier de la Légion d’honneur. Retenons cette date pourtant désormais totalement oubliée dans la saga que nous vous proposons d’aborder ici, car elle est symptomati­que de l’état d’esprit qui entourait alors le programme du “Trident”. Un aréopage prestigieu­x d’industriel­s, de politiques et de militaires célébrait ce qui était présenté alors comme une réussite. Georges Glasser, PDG de Ouest Aviation, prit la parole, lyrique : “Le 30 avril 1955, le “Trident” franchissa­it le mur du son en montée. Dans les semaines suivantes, il s’enfonçait de plus en plus profondéme­nt dans ce mystérieux domaine des vitesses supersoniq­ues et y évoluait avec une aisance étonnante. Aucun autre avion d’Europe occidental­e n’a jusqu’à ce jour apporté de tels résultats (…) En 1945, la constructi­on aéronautiq­ue française repartait de zéro alors que d’autres, poussées par les besoins de la guerre mondiale, avaient progressé à pas de géant. Dix ans plus tard, l’exploit du “Trident”, avec le prestige qui s’attache aux performanc­es de vitesse pure, est une des plus belles preuves que notre aviation a repris dans le monde une des premières places, une place digne de ses créateurs. Très optimiste, i l poursuivit : “Dans un délai de trois ans environ, si les divers équipement­s dont il doit être pourvu sonts mis au point ene temps voulu, les “Trident” pourront être livrés en série afin de constituer autour des zones stratégiqu­es de notre paysp les ceintures de défense les plus efficaces contre les bombardier­s à réaction les plus rapides.” Le général Pierre Billotte, ministre de la Défense nationale, se montra aussi dithyrambi­que : “Le “Trident” est précisémen­t un magnifique exemple de réussite inspirée par les trois impératifs : créer des appareils qui soient adaptés à nos possibilit­és économique­s, aux besoins de notre stratégie et aux besoins particulie­rs de l’Europe.”

L’euphorie régnait alors autour de l’avion. Pourtant, moins de deux ans plus tard, le chasseur était définitive­ment écarté dans la course à la dotation des escadrille­s de l’armée de l’Air. Que s’était-il passé pour que “Trident” passe du firmament aux enfers ?

L’oeuvre de Lucien Servanty

S’il est toujours difficile d’attribuer la paternité d’un avion à un seul ingénieur, le “Trident” fut indubitabl­ement l’oeuvre de Lucien Servanty. Lorsqu’il reçut la Légion d’honneur en janvier 1956, il était déjà une sommité parmi les ingénieurs de la Sncaso (société nationale de constructi­on aéronautiq­ue du Sud- Ouest). Glasser avait présenté ce jour-là sa carrière : “Votre vocation aéronautiq­ue date sans doute de ce jour de 1919 où, à l’âge de 10 ans, vous avez reçu le baptême de l’air par les soins de votre père, lui- même pionnier de l’aviation. Dès votre sortie du Conservato­ire

Lucien Servanty dessina le “Trident” en 1948 avec comme idée d’en faire un chasseur supersoniq­ue.

 ?? SNCASO/ COLL. JEAN DELMAS ??
SNCASO/ COLL. JEAN DELMAS
 ??  ?? Le SO.9000 01 à Melun-Villaroche devant un Nord 1400 “Noroit”. Le SO.9000 était le démonstrat­eur d’un futur chasseur supersoniq­ue.
Le SO.9000 01 à Melun-Villaroche devant un Nord 1400 “Noroit”. Le SO.9000 était le démonstrat­eur d’un futur chasseur supersoniq­ue.
 ?? ASSOCIATIO­N AIRITAGE ??
ASSOCIATIO­N AIRITAGE
 ?? SNCASO/ COLL. PIERRE GAILLARD ?? Séance d’approvisio­nnement des réservoirs du SO.9000 01. L’opération était assez complexe puisqu’il fallait le plein de kérosène, d’acide nitrique et de furaline.
SNCASO/ COLL. PIERRE GAILLARD Séance d’approvisio­nnement des réservoirs du SO.9000 01. L’opération était assez complexe puisqu’il fallait le plein de kérosène, d’acide nitrique et de furaline.
 ?? ASSOCIATIO­N AIRITAGE ?? Maquette du “Trident” lors de ses essais en soufflerie.
Dès le départ, il fut conçu pour dépasser Mach 1.
ASSOCIATIO­N AIRITAGE Maquette du “Trident” lors de ses essais en soufflerie. Dès le départ, il fut conçu pour dépasser Mach 1.

Newspapers in French

Newspapers from France