Les “Phantom” II arrivent dans l’USAF
Un choix politique
Au début des années 1960, l’US Air Force était déjà à la recherche du successeur du F-105, bombardier nucléaire tactique. En mai 1961, une fiche programme était émise en ce sens. Il fallait un appareil supersonique capable de rejoindre l’Europe depuis les ÉtatsUnis sans avoir recours au moindre ravitaillement en vol. L’US Navy, qui venait de recevoir ses premiers “Phantom” II, était déjà, de son côté, à la recherche de son futur défenseur pour sa flotte, un intercepteur embarqué à longue distance dans l’esprit du Douglas F6D “Missileer” équipé des versions de série du XAAM- N-10 “Eagle” d’une portée théorique de 200 km. En avril 1961, ce programme, avion et système d’armes, fut annulé. Outre un manque de polyvalence, le “Missileer” semblait absolument dépourvu d’armement lui assurant un minimum d’autodéfense, ce qui rendait son concept d’emploi assez restreint et donc peu réaliste.
Des projets pharaoniques pour les années 1970
Dans le cadre de ses travaux de rationalisation des dépenses militaires, Robert McNamara, le nouveau secrétaire à la Défense de l’administration Kennedy, imposa aux militaires un unique programme, donc un unique appareil, pour assurer ces deux missions. Cette ambition porta le nom de projet TFX pour tactical fighter experimental (avion de frappe tactique) et dont le projet porté par la firme General Dynamics, épaulée pour sa partie embarquée par le spécialiste Grumman, sortit vainqueur en novembre 1962. Les militaires avaient pourtant préféré le projet Boeing 818 mais McNamara, au nom de la rationalité, notamment la part des pièces communes entre les versions terrestres et embarquées, imposa son choix au grand dam des militaires qui lui en tinrent profondément rigueur.
Le programme TFX connut un développement chaotique mais aboutit à l’entrée en service du bombardier F-111A en 1967 mais à l’échec de la version navale F-111B. Même si la version de chasse embarquée était bien moins mauvaise que ce que les militaires voulaient alors bien le reconnaître, elle fut donc torpillée par les amiraux qui n’avaient jamais digéré qu’un homme politique leur impose ses choix. Un mal pour un bien ? Un nouveau programme fut alors engagé en urgence que Grumman remporta avec ce qui allait donner le F-14 “Tomcat”, et qui succéda donc bien aux F- 4 de l’US Navy dans le rôle de la défense de la flotte dans un premier temps, comme bombardier tactique plus tard dans sa carrière, le “Bombcat”, et qui entra de plain-pied dans la légende.
Reste donc qu’en ce début de décennie, en attendant que ces projets aboutissent, l’USAF se retrouvait avec la nécessité de trouver un appareil capable d’épauler puis de succéder au F-105 au moins quelques années, une sorte de solution intérimaire plus ou moins idéale. À cette époque, au coeur d’une “guerre froide” assez brûlante comme ce fut le cas lors de la construction du mur à Berlin en août 1961, ou du célèbre épisode des missiles nucléaires installés par les Russes à Cuba en octobre 1962, c’est le Strategic Air Command (SAC) qui était la branche dominante des forces armées.
En charge de la mise en oeuvre de la bombe nucléaire par ses bombardiers à long rayon d’action ou par ses missiles balistiques intercontinentaux prêts à être lancés depuis leurs silos enterrés dans de nombreux site du territoire des États-Unis, le SAC comptait en 1962 la bagatelle de 1 595 bombardiers B- 47, B-52 et B-52 dont une douzaine étaient en vol, armés, en permanence prêt à riposter à une attaque surprise de l’Union Soviétique. Ces avions étaient épaulés par des centaines de ravitailleurs en vol KC-135 dont 732 exemplaires lui furent livrés entre 1957 et 1965. Cette puissance de feu était complétée par 224 ICBM (missiles intercontinentaux) mais ce nombre était amené à croître dans les années suivante puisque le SAC, à l’apogée de sa puissance, était en mesure d’en mettre en oeuvre plus de 1 000. Ses effectifs étaient constitués de près de 300 000 personnes. Par conséquent, le SAC s’appropriait l’essentiel du budget militaire américain, ne laissant que des miettes aux autres branches et services comme l’Air Defense Command ou le Tactical Air Command (TAC).
McNamara, conscient qu’il fallait doter ce dernier service d’un avion doté d’une certaine polyvalence, pouvant assurer des frappes nucléaires tactiques, de l’assaut conventionnel et de la défense aérienne au moindre coût vit, là, l’occasion de mettre en pratique sa doctrine rationaliste.
Une solution “sur étagère”
Le projet mûri par McDonnell Douglas pour le compte de l’US Navy qui entrait alors en service sous le nom de F- 4 “Phantom” II ne disposait pas, tant s’en faut, de toutes les caractéristiques réclamées pour succéder au F-105. Mais il possédait visiblement un potentiel certain pour une grande partie des missions assurée jusque-là par le “Thunderchief” et, en ce qui concerne les missions de chasse, était pourvu d’un armement spécialisé redoutable à l’exception d’un canon.
Le meilleur moyen de s’assurer de la compatibilité de l’avion avec les besoins de l’USAF était de procéder à une évaluation pratique, chose facile puisque des avions de série sortaient déjà de chaîne de production.
Le 24 janvier 1962, deux pilotes de l’USAF, Gordon Graham et George Laven, tous deux as de la chasse pendant la Deuxième Guerre
Après le décollage, nous étions presque en train de grimper à la verticale