Les “Milan” de la Sécurité civile
Entrés en service en 2005 au sein de la Sécurité civile française, les Dash 8, utilisés principalement pour combattre les feux, disposent d’une polyvalence qui leur permet un large choix de missions.
Portrait d’un infatigable pompier du ciel toujours prêt à intervenir.
Si les amphibies- écopeurs, “Catalina” puis Canadair, restent les rois des interventions sur feux, l’apport des avions plus conventionnels, lourdement chargés de retardant, s’avéra complémentaire et d’une redoutable efficacité pour la Sécurité civile qui, dès la fin des années 1970, avait opté pour des DC- 6 afin de renforcer sa flotte. Une décennie plus tard, deux C-130A loués aux États-Unis assurèrent à leur tour cette mission avec une réussite telle que l’acquisition de plusieurs “Hercules” fut sérieusement envisagée jusqu’à ce que le dernier appareil en contrat ne s’écrase en Ardèche en septembre 2000.
En 1999 et 2000, la Sécurité civile se fit présenter plusieurs aéronefs susceptibles d’intégrer et de renforcer un jour sa flotte, car si les 11 CL- 415 étaient flambant neufs et que 11 des 12 “Tracker” subissaient un important chantier de prolongation, les deux Fokker 27 arrivés à la fi n des années 1980 approchaient de l’âge de la retraite ( Le Fana de l’Aviation n° 524). Mais Beriev 200, Basler BT- 67 et Iliouchine 76 ne parvinrent pas à séduire. Le C-130, candidat naturel pourtant, ne fut pas pris en considération, en lien avec le retrait temporaire du type pour ces missions aux États-Unis pendant l’été 2002 ( Le Fana de l’Aviation n° 513). Lorsque la saison des feux 2003 débuta, la question des nouveaux moyens aériens lourds n’avait toujours pas été tranchée.
L’été infernal de 2003
À partir du mois de juin, l’Europe se retrouva soumise à une sécheresse rare qui déboucha en août sur un pic de canicule intense. Près de 80 000 ha partirent en fumée dans le Sud de la France et il fallut donc faire appel à des renforts étrangers, deux Mil Mi-26, hélicoptères bombardiers lourds venus de Russie et un Convair 580 de la société Conair.
À l’occasion d’une visite sur la base de Marignane le 1er septembre 2003, le ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy annonça l’achat de deux avions lourds dont le type ne fut pas alors précisé.
La société canadienne Conair, partenaire de la Sécurité civile depuis 1982 avec la vente des premiers “Firecat” et, en 1987, des Fokker 27, disposant du savoir-faire nécessaire pour transformer des avions civils ou militaires en appareils de lutte antiincendie, proposa de convertir deux
Dash 8 Q400, la version allongée du DHC-8 conçu originellement chez De Havilland Canada au début des années 1980 et désormais produite par le groupe Bombardier.
Il s’agit d’un bimoteur à turbopropulseurs apparu en 1999 et entré en service l’année suivante pouvant accueillir environ 80 passagers dans son fuselage 10 m plus long que celui de la version originale Dash 8-100. Sa dénomination Q, pour “Quiet” (silencieux), est liée à la présence d’un système d’atténuation des sons et des vibrations à l’intérieurr de la cabine (ANVS, activee noise and vibration sup-suppression system)m) pour augmenterr le confort des passagers. Doté de deux turbines PW150A développant plus de 4 800 ch chacune, sa vitesse de croi-isière est d’envi-viron 350 noeudsoeuds (648 km/ h), avecvec un plafond opérationnelationnel de 25 000 pieds (7 620 m) et une distance franchissable maximale de l’ordre de 2 500 km.
Outre sa nationalité canadienne, qui a sans doute compté dans le choix de Conair, le Q400 dispose d’une caractéristique essentielle permettant l’adoption d’une solution simple pour sa conversion : ses trains d’atterrissages se repliant dans les fuseaux moteurs, le fuselage est donc libre de toute contrainte, ce qui simplifie l’installation d’un réservoir de largage ventral (1).
L’avion démonstrateur du constructeur Bombardier fut présenté aux pilotes de la Sécurité civile à Marignane le 31 mars 2004. Certains embarquèrent alors comme observateurs pour un vol de démonstration dans les reliefs environnants, mais ne furent pas autorisés à piloter euxeux-mêmes ll’avion.av Deux appareils furent rapidement acheachetés à la compapagnie SAS, avavec laquelle ils ététaient entrés een service en aavril 2001 et qui se trouvaient dédésormais stockékés à Exeter, la compagnie s’étas’étant restructuréerée (22). En juillet 2004, les deux avions, MSN 4040 et 4043 ( manufacturer serial number, numéro de série constructeur), furent convoyés vers Abbotsford, en ColombieBritannique, et le chantier de
conversion commença chez Cascade Aviation, alors filiale de Conair.
Pour le gouvernement français, l’ensemble du programme d’acquisition des deux premiers “Milan” se montait à environ 60 millions d’euros, ce qui mettait le Q400-MR à un prix proche de celui d’un CL- 415.
Le principe du débit constant
La principale modification est l’installation d’un réservoir ventral compartimenté et amovible d’un volume de 10 053 l limité structurellement à 10 t de charge, soit un emport en retardant de 8 970 l (9 998 kg), étant donné la densité plus élevée de ce produit. Le RDS ( retardant delivery system, système de largage de retardant) de Conair fonctionne sur le principe du débit constant : ses deux grandes portes ont leur ouverture régulée par un calculateur. Dans le poste de pilotage, l’équipage dispose d’une console spécifique permettant de sélectionner la quantité de liquide à larguer et la densité du largage : forte densité pour pénétrer la végétation, frapper le feu ou éviter une trop grande dispersion de la charge en raison du vent ; densité moindre pour les végétations moins touffues ou pour allonger la trace du largage lors de l’établissement une barrière de retardant. Les portes de largage s’ouvrent alors avec l’amplitude et le temps nécessaires pour convenir à ces paramètres.
Chaque avion dispose de sa propre soute et elles ne sont pas interchangeables ; les changements de configuration nécessitent quelques heures de travail en prenant en compte le temps nécessaire pour tester les systèmes – néanmoins ce temps d’immobilisation reste raisonnable.
En configuration “feux de forêt”, les deux avions sont allégés des sièges en cabine, mais ils les retrouvent hors saison pour le transport de 64 pas sagers au maximum. Les Dash peuvent être aussi gréés en cargo avec une capacité d’emport d’au moins 9 t de fret. L’absence de porte cargo ne permet pas à l’avion d’embarquer des conteneurs standardisés mais il accepte les charges sur palettes. Une configuration mixte fut créée ensuite permettant de charger 4 t de fret à l’arrière et une vingtaine de passagers à l’avant. La dénomination MR pour multirôle se justifie donc.
Par rapport aux Fokker 27 qu’ils remplacent, les deux Dash se distinguent par leurs capacités, mais aussi leurs systèmes au standard des avions commerciaux du moment. Ils sont équipés d’un dispositif anticollision TCAS (traffic alert and collision avoidance system), de FMS ( flight management system, gestion du vol) et ont une capacité de vol aux instruments avec guidage par satellite GNSS ( global navigation sa
tellite system). En plus d’un système informatisé de diagnostic des pannes pour la maintenance, les Q400-MR disposent d’un collimateur tête haute rétractable. Néanmoins, ce dispositif n’est pas utilisable pour les missions de feux de forêt puisqu’il s’agit d’un système civil de visualisation de la navigation.
Une polémique sur le facteur de charge
Une polémique naquit alors très vite. Le principal point d’achoppement concernait le facteur de charge. Le Q400 est certifié pour un maximal de 2,5 g alors que l’appel d’offres demandait 3,5 g en raison des particularités des missions feu où les turbulences fortes et les manoeuvres violentes sont généralisées.
L’allure frêle de l’appareil et la finesse de ses ailes font qu’il n’entrait pas dans les canons esthétiques des avions devant être confrontés à des missions rudes. Dès lors, les commentaires fleurirent : “Juste bon pour la Beauce !” ; “Inadapté et inefficace dans le relief !” ; “Ne pourra pas intervenir en Corse, en Provence ni même dans les Alpilles !” Se posaient aussi des questions sur sa maniabilité et son vieillissement au cours de ces missions exigeantes, ce dont la presse nationale se fit écho, l’intersyndicale des pilotes de la base exprimant également avec force ses inquiétudes. L’avion ne payait-il pas d’avoir été imposé par les pouvoirs publics sans concertation avec les pilotes de la base ?
Alors qu’il était espéré au Salon du Bourget, le premier “Fireguard” tel qu’il est aussi appelé par son constructeur, fut livré à Marignane le 22 juin 2005. Il effectua son premier vol aux mains de son nouveau propriétaire le 6 juillet suivant, immatriculé F-ZBMC. Il reçut l’indicatif radio Milan 73 choisi par Hubert Dubois, premier chef du secteur, après consultation des membres de son équipe. Outre sa concision – assorti du numéro de l’avion, il s’intégrait parfaitement dans les sept caractères autorisés du formulaire de plans de vol – et sa sonorité, l’allusion au rapace n’était pas du tout innocente. Le nouvel avion devait permettre de valider ses modes opératoires et surtout former les premiers équipages, une tâche prévue pour s’étaler toute la saison.
Mais le destin fit basculer ce programme. Le 1er août près de Calvi, le CL- 415 Pélican 36 se brisa en plein vol. En conséquence du drame qui tua les deux pilotes, l’ensemble de la flotte de Canadair fut clouée au sol à titre conservatoire une quinzaine de jours, le temps que les appareils fussent inspectés afin de vérifier que l’accident n’était pas lié à une défaillance structurelle pouvant concerner l’ensemble des avions en service. Au coeur de la période la plus tendue de la saison, seuls les “Tracker” avaient alors charge d’assurer la protection des forêts. La décision ne tarda pas ; le
“Milan” fut déclaré opérationnel et effectua son premier largage sur feu le 6 août.
Le 26 novembre 2005, le deuxième Q400-MR traversa à son tour l’Atlantique puis prit l’immatriculation F-ZBMD et l’indicatif radio Milan 74. Dès lors, parfaitement intégrés à la flotte, les deux nouveaux avions assurèrent les missions qui leur étaient dévolues : l’attaque massive au retardant et le guet aérien armé (GAAr). Cette dernière mission, absolument cruciale, était l’apanage du secteur “Tracker”, mais la diminution progressive de cette flotte – perte de deux avions en 2005, retrait du T2 l’année suivante – entraîna une prise en compte de plus en plus fréquente de ces patrouilles de surveillance et d’intervention immédiate par les Dash. Pour les saisons 2008 et 2009, 60 % des heures de vol de ces avions étaient déjà effectuées en GAAr.
Le tournant de l’année 2010
Le ministère de l’Intérieur mit aussi ces avions à contribution pour des missions de transport, de fret ou de personnels, notamment dans le cadre des missions relatives aux catastrophes, en soutien des équipes de sapeurs des Unités d’instruction et d’intervention de la Sécurité civile ou des forces de l’ordre, ce qui pouvait inclure, parfois, des missions de reconduite aux frontières.
S’il ne parvint pas encore à faire taire toutes les polémiques – les débats de 2005 laissèrent des traces –, le Dash 8 sut séduire ses équipages. L’année 2010 fut un tournant dans la perception de l’intérêt de disposer d’un moyen d’intervention rapide et puissant.
Le 12 janvier, Haïti fut dévasté par un tremblement de terre. On dénombra 200 000 morts et plus d’un million de sans-abri. Dès le lendemain, la Sécurité civile décida de déployer un Dash. Le temps de préparer l’avion, Milan 73 s’envola le 14 janvier avec deux équipages et des techniciens. L’appareil passa par les États-Unis pour rejoindre les Antilles d’où il opéra ensuite à partir de la Martinique et de la Guadeloupe, en fonction des besoins. Il rentra en métropole le 24 février après avoir effectué pratiquement 250 vols, évacuant 2 536 personnes et transportant 85 t de cargo dans des conditions parfois éprouvantes, l’aéroport de Port-auPrince ayant été dévasté. L’avion se distingua par sa souplesse d’emploi et sa très bonne disponibilité.
Quelques mois plus tard, on retrouva Milan 74 alors en configuration “incendies de forêt” du côté de Moscou où des feux de tourbières, extrêmement compliqués à combattre, enfumaient la capitale russe et dévastaient des espaces naturels rares. Le détachement dura du 9 au
15 août et donna lieu à 60 heures de vol et 50 largages permettant notamment de sauver directement un village des flammes. Les équipages français furent honorés au Kremlin juste avant leur retour en France.
La Réunion, le révélateur !
En octobre, ce fut le massif du Maïdo, sur l’île de la Réunion, qui s’embrasa. Au coeur d’un espace naturel unique et protégé, des feux d’origine criminelle dévastaient des milliers d’hectares. Dans un secteur difficile d’accès et très haut – les feux doivent être attaqués parfois à plus de 1 800 m au-dessus du niveau de la mer – Milan 73 fut envoyé en renfort des moyens locaux, choix dicté par la vitesse de l’avion, mais aussi par crainte d’une possible incapacité des CL- 415 à pouvoir écoper sur le littoral réunionnais où l’océan Indien est souvent très agité. Les feux furent vaincus quelques jours plus tard mais dévastèrent 3 500 ha d’un espace unique où des espèces endémiques rares disparurent définitivement.
L’année suivante, le Maïdo s’embrasa à nouveau et, pour la première fois, les deux Dash furent mis à contribution. Dès lors la Sécurité civile prit la décision d’établir un détachement saisonnier, d’octobre à décembre, pour aider à la protection des espaces naturels de l’île. Après avoir été basée à SaintDenis-Gillot, la Sécurité civile s’établit à Pierrefonds, sur la côte ouest de l’île, où un pélicandrome alimenté en retardant a depuis été installé.
Alors que l’avion traînait toujours sa réputation douteuse, méticuleusement entretenue par des pompiers généralement totalement ignorant de la chose aéronautique, la Réunion fut un véritable révélateur des capacités réelles du Dash : rapide, souple, puissant, pouvant se dégager par le haut des cirques là où le rapport masse/puissance des autres avions les contraindrait à ser
penter entre les sommets et les falaises pour se tirer d’un mauvais pas. Le relief terrible de l’île volcanique mit à contribution toute la puissance de l’avion : “Quand on vole et qu’on intervient dans le cirque de Mafate, on va là où aucun autre avion ne peut passer, ni Canadair ni “Tracker”, pas assez puissants !” explique Fred, copilote sur Dash depuis deux saisons après une décennie sur Canadair, tout juste de retour de son premier détachement sur l’île “intense” !
Largage, mode d’emploi
Pourtant l’appareil exige un pilotage rigoureusement précis : “En palier comme en piqué, il a envie d’accélérer si on laisse trop de puissance. Après le largage, on remet les gaz et, très rapidement, on doit réduire et lever franchement le nez pour éviter de dépasser la VFE, vitesse maximale avec les volets sortis, un paramètre assez restrictif d’autant plus que les volets rentrent lentement. Le principal défaut du Dash est donc sa surpuissance !”, explique Lionel, un ancien pilote de “Firecat” désormais commandant de bord sur Dash, passé aussi préalablement sur Canadair.
Pour convoyer l’appareil, une configuration mixte, fret, passagers et soute ventrale vide a même été créée. L’avion arrive ainsi avec son équipage, ses mécanos et son lot de pièces de rechange et le matériel pour le détachement. Les relèves, les durées de détachement étant d’environ 15 jours, sont faites ensuite par les lignes aériennes commerciales.
La succession des “Tracker”
Au milieu des années 2010, le dossier prioritaire de la Sécurité civile était celui de la succession des vénérables mais indispensables “Tracker”. L’échéance étant fi xée à l’issue de la saison 2022, il fallait prendre rapidement des dispositions. Plusieurs scénarios avaient été établis mais aucun candidat ne s’était distingué. Les deux Air Tractor AT- 802F évalués en 2013 s’avérèrent trop lents pour des moyens d’intervention nationaux et la solution prônée par Dyncorp, de nouveaux “Tracker” sur le modèle de ceux du Cal Fire – (nouveau nom du California Department of Forestry depuis le milieu des années 2000) – ne provoqua d’engouement qu’au sein des pilotes, laissant de marbre la direction.
Après avoir étudié une augmentation conjointe de la flotte de CL-415 et de Dash, option préconisée en 2015 pour couvrir l’ensemble des besoins, c’est une commande de six nouveaux Dash 8 qui fut annoncée le 25 juillet 2017 par le ministre de l’Intérieur. L’appel d’offres du programme MRBET (multirôle, bombardiers d’eau et transports) n’avait été publié que 10 jours plus tôt. Le résultat, sans aucun suspens, fut officialisé le 15 janvier 2018. Le budget annoncé pour cette opération était de 400 millions d’euros, ramenés ensuite à 370. Si le montant de l’acquisition des Dash fut très élevé, les coûts opérationnels étaient, eux, plus raisonnables avec 9 306 euros l’heure de vol. Pour mémoire, le coût à l’heure de vol d’un “Tracker” était, en 2019, de 5 688 d’euros, celui d’un CL- 415 de 15 437 euros (rapport du Sénateur Vogel du 25 septembre 2019 sur la lutte contre les feux de forêt au nom de la commission des finances).
Les débats de 2005 n’étant pas oubliés, la décision créa encore la polémique en dépit des arguments des principaux intéressés, les équipages. Comme l’affirme Lionel : “Tous les objectifs qui étaient à la portée du “Tracker” sont largement accessibles au Dash. Ses deux fois 5 000 ch lui permettent de transiter bien plus vite et de ressortir de passes qu’on n’imaginait pas possibles en “Tracker” !”
Alors que les deux premiers Dash étaient des cellules d’occasion modifiées par Conair, cette fois la compagnie canadienne, seule interlocutrice de la Sécurité civile, se vit allouer un budget permettant la conversion d’avions neufs. Le premier des nouveaux Q400 fut donc acheté à Bombardier alors qu’il était en construction à Toronto-Downsview.
En novembre 2018, cette chaîne de production des Q400 fut revendue au groupe Longview ; l’interlocuteur de Conair devint donc la nouvelle firme De Havilland Aircraft of Canada. À ce moment, le premier avion se trouvait déjà entre les mains de Conair à Abbotsford pour sa transformation.
Ces nouveaux appareils, baptisés Q400-MRE ( multirole enhanced, multirôle amélioré) suivent un même parcours après leur sortie de ligne de production et leurs vols de réception.
Une fois peints, ils sont convoyés à Saint-Louis, dans le Missouri, pour leur aménagement intérieur par Flying Colors, société sous-traitante de Conair pour la conception,
la fabrication, l’installation et la certification des quatre aménagements prévus pour les Dash : passagers, cargo, combi et Evasan (évacuation sanitaire, permettant de transporter jusqu’à six blessés en civière avec leur personnel d’accompagnement).
Le premier des nouveaux Dash arrive à Nîmes
Au bout des quelques mois de ce premier long chantier, l’avion est convoyé vers Abbotsford pour recevoir son équipement anti-feux de forêt, constitué essentiellement de sa soute ventrale ; une immobilisation de trois mois environ. Ce chantier terminé et les systèmes testés lors de vols d’essais, les équipes de la Sécurité civile et de la direction générale de l’Armement – en charge du suivi technique et réglementaire des aéronefs d’État – viennent vérifier la conformité de l’appareil au cahier des charges, et le convoyage par étapes vers l’Europe peut ensuite être effectué. Une série de vérifications se déroulent ensuite en France et l’avion est accepté au service actif quelques semaines plus tard.
Le premier des MRE, Milan 75, arriva à Nîmes en juin 2019 (MSN 4577, F-ZBMH). Il fut inauguré le 12 juillet suivant, juste à temps pour participer au défilé aérien à Paris deux jours plus tard. Il fit son baptême du feu près de Fabrezan, dans l’Aude, le lendemain. Milan 76 (MSN 4597, F-ZBMI) arriva le 2 février 2020 et attaqua son premier feu en Charentes le 10 avril. La livraison du 77 (MSN 4609, F-ZBMJ) (3) fut perturbée par la crise sanitaire. Pour la première fois, ce furent les équipes de Conair qui convoyèrent l’avion vers la France et, à son arrivée en février 2021, l’ensemble du processus de réception fut effectué à Nîmes. Déclaré opérationnel le 24 mars, Milan 77 attaqua son premier feu le 3 avril dans la région de Bordeaux. Le prochain appareil, Milan 78, (MSN 4623, F-ZBMK) est attendu pour le second semestre 2021 et les deux derniers, 79 et 80, en 2022.
Ces avions sont à l’origine des Q400NextGen, une version lancée autour de 2012 qui bénéficie d’améliorations de structure grâce à l’expérience acquise avec les premiers exemplaires. Leurs équipements ont également fortement évolué depuis la génération à laquelle les Milan 73 et 74 appartiennent.
Les MRE ont aussi une avionique à jour qui permet désormais des approches de précision avec navigation verticale guidée par satellite LPV ( localiser performance with vertical guidance) d’une précision de guidage latéral de 1,5 m et 2 m en vertical, indispensable pour les approches par mauvais temps sur des terrains non équipés d’aides à l’atterrissage, alors que les deux premiers MR ne bénéficient que des capacités de guidage par satellites LNAV et VNAV/Baro bien moins précises (4).
Ils disposent, en plus, d’une caméra infrarouge EFVS ( enhanced flight vision system, système de vision en vol améliorée) située dans l’axe de l’avion permettant un lever de doute lors des approches de nuit ou à visibilité faible, la technologie
employée permettant de percer le brouillard. Cette caméra fi xe, dont l’écran se trouve au centre du poste de pilotage, est mal commode à utiliser en mission feu et son usage est donc réservé aux vols IFR ( instrument fl ight rules, vol aux instruments). Néanmoins, l’infrarouge pouvant percer les fumées, rien n’interdit à un équipage d’y jeter quand même un oeil avant une passe de largage.
Côté maintenance,ance, ll’expé-expé rience de 15 ans d’exploi-exploitation des deux pre-premiers exemplaireses qui étaient scrutéss avec attention a permis d’espacer certaines visites. Les équipages ont fait attention à respecter le domaine de vol quii leur était demandé,dé, notamment en cee qui concerne les dépasse-épassements de facteur dede chargecharge, en optimisant les trajectoires d’attaque.
Pélicandromes fixes… et mobiles
L’encombrement de l’appareil et sa masse – jusqu’à 30 t, plus du double du “Tracker” – font qu’il ne peut pas être rempli sur tous les pélicandromes (5) du Sud de la France. Certains, comme Le Luc ou Alès, ne pouvant accueillir que les “Tracker”, sont donc destinés à être désarmés. Les Dash, par leur vitesse de croisière – 630 km/ h, contre 360 pour les “Tracker” – suppriment également la nécessité des certains détachements saisonniers qui existaient à Cannes ou à Carcassonne. Le détachement estival de Solenzara, complémentaire de celui de deux CL- 415 à Ajaccio, ne peut pas encore être assuré en raison du nombre d’avions disponibles. Néanmoins, des prépositionnements préventifs sont en place pour les périodes où le risque incendie est le plus important. Il en est de même régulièrement à Bordeaux.
Le Dash est devenu aussi, de fait, l’avion des interventions lointaines. Un appareil peut être affecté au dispositifdispositif intrintra- européen de solidarité “RescUE”, qui permepermet l’activation rapidepide de moyens aérienriens dans le cadre de la réponse eueuropéenne aux c at a s t rophes naturelles. Néanmoins, pour leles feux de forêt, le “Fireguard” tire sons efficacité du retardaretardant dont l’approvisionnementvisionnem demeure un point crucial.crucial SSi le réseau des stations de remplissage est dense dans le Sud de la France avec une quinzaine d’aérodromes équipés, il est totalement inexistant dans le reste de l’Europe.
La Sécurité civile a mis au point un pélicandrome mobile, constitué d’une remorque-citerne de retardant à l’état de pré-mélange et d’un système devant être relié à un poteau d’incendie pour diluer le produit aux bonnes proportions lors de son chargement à bord de l’avion. L’ensemble peut être ainsi installé sur l’aérodrome le plus proche des opérations. Le premier essai a été effectué sur la base aérienne de Tours en 2018. En septembre 2020, en raison de la situation locale et des risques, Milan 76 a été mis en alerte à Angers-Marcé où le pélicandrome mobile avait été installé. Le lendemain un feu éclatait dans la région du Mans, entraînant une intervention immédiate et décisive du Dash 8 qui effectua plusieurs largages au retardant, validant de fait l’intérêt du concept ! Ce mode opératoire est amené à se développer avec la possibilité de disposer bientôt de réserves de retardant à Châteauroux ou à Épinal- Mirecourt, ce qui marque l’extension vers le nord du réseau d’intervention de la Sécurité civile correspondant, hélas, à l’évolution actuelle des zones à risques de feu de forêt.
Une trentaine de pilotes sur Dash
Le secteur Dash est aujourd’hui fort d’une petite trentaine de pilotes, vétérans des Canadair et “Tracker” ou recrutés directement sur leur nouvelle machine, un chiffre destiné à augmenter au fur et à mesure de l’arrivée des nouveaux avions. Une poignée de Personnels sécurité cabine (PSC) les accompagnent lors des vols passagers où deux d’entre eux sont alors nécessaires, ou un seul pour des vols en configuration combi ou cargo. Ils sont titulaires du CCA ( cabin crew attestation, qualification du personnel de cabine) comme dans les compagnies aériennes. Leur fonction est uniquement liée à l’aspect sécurité. Ils supervisent donc l’embarquement, le bon déroulement du vol, le débarquement des passagers et participent aussi au chargement et au déchargement du fret.
La France fait école
Conair a donc transformé les Q400 pour la France, en assure également le suivi technique et réglementaire, via son ancienne filiale Cascade Aerospace puis directement. L’entreprise était donc aux premières loges pour les retours d’expérience de ces plus de 15 ans d’exploitation du type. Or Conair n’est pas qu’un industriel assurant la transformation de ces avions, c’est surtout un des exploitants majeurs de bombardiers d’eau au Canada qui assure le soutien et la mise en oeuvre des flottes étatiques de certaines provinces, mais qui dispose également d’une flotte en propre pour des contrats avec d’autres collectivités locales au Canada, aux États-Unis ou en Australie.
Au milieu de ces Canadair, Air Tractor et autres RJ- 85AT se trouve une poignée de Convair 580AT (8 000 l de capacité), des cellules datant des années 1960 turbinisées, opérant sur feux depuis plus d’une vingtaine d’années et qui attendaient leur successeur. En 2019, Conair acheta deux Q400 d’occasion. Le premier entra en chantier de modification très rapidement et devint le Dash 8 Q400-AT à l’été 2020 (MSN 4325, C- FFQE). Contrairement aux avions français, il ne dispose d’aucun aménagement intérieur pour n’être qu’un pur “largueur de retardant”. Il trouva immédiatement un contrat avec la province australienne du Queensland où il effectua sa première saison sous l’indicatif Bomber 141. Arriva ensuite le C-FFQF Tanker 540 (MSN 4315).
Dans la foulée, en janvier 2021, Conair annonça racheter 11 Q400 stockés à Exeter depuis la faillite de leur compagnie, FlyBe. Ces appareils sont destinés à étendre la flotte des Q400 utilisés sur feux à travers le monde !
Les Q400MR de la Sécurité civile ont montré qu’ils étaient à la hauteur des missions qu’on leur a confiées. Leurs équipages apprécient les performances et la variété des prestations pouvant être effectuées par ces appareils puissants et efficaces. Le développement de la flotte de Q400-AT par la société Conair pour d’autres marchés sonne comme une vraie confirmation. L’histoire des Dash sur feux est toujours en cours d’écriture au-dessus des reliefs de Provence, de Corse, de la Réunion, de la ColombieBritannique, de l’Australie…