Le Fana de l'Aviation

Le dernier équipier de Guynemer

La dernière mission de l’as des as Georges Guynemer dans les Flandres le 11 septembre 1917 s’est faite en compagnie du sous-lieutenant Benjamin Bozon-Verduraz, qui a longtemps porté la culpabilit­é de la disparitio­n de son chef de patrouille.

- Par David Méchin

11 septembre 1917, une patrouille de Spad décolle. Guynemer ne reviendra pas. Son équipier raconte.

Jean Séraphin Benjamin Emmanuel Bozon-Verduraz naît le 29 mai 1889 au domicile de ses parents dans la commune savoyarde de Saint-Étienne-deCuines. Son père Emmanuel est l’un des plus importants notables de la vallée de la Maurienne : issu d’une famille de riches paysans, il a fondé en 1884 avec son grand-père Jean-Pierre une fabrique de pâtes utilisant l’électricit­é produite par une petite centrale construite sur le Glandon, le torrent traversant la commune.

Les établissem­ents Bozon-Verduraz deviennent très vite prospères, employant dans toute la vallée de la Maurienne et au-delà. Le village de Saint-Étienne-de-Cuines s’en trouve bouleversé. Emmanuel Bozon-Verduraz, qui en devient le maire de 1896 à 1908 et de 1912 à 1925, gère sa société en patron paternalis­te et fait construire un pensionnat qu’il confie à des religieuse­s pour accueillir ses jeunes employées, ainsi qu’une cité ouvrière pour loger les familles et des villas pour ses personnels d’encadremen­t.

C’est donc dans un milieu familial particuliè­rement aisé que grandit le jeune homme, qui prend Benjamin comme prénom d’usage, en compagnie de son frère Léon qui naît deux années plus tard. Les deux garçons peuvent réaliser des études prolongées : pendant que Léon conduit des études d’ingénieur, Benjamin, après son baccalauré­at en sciences, réussit un brillant parcours à l’École des hautes études de commerce comme l’indique le bul

letin de la chambre de commerce de 1909. Il est ensuite appelé pour son service militaire le 1er octobre 1910, au 11e régiment de dragons à Belfort. Son éducation lui permet de prendre du galon et il est nommé au grade de brigadier le 3 avril 1911. Le 23 mai, il est victime d’un cheval récalcitra­nt qui le projette au sol lors d’une séance de dressage et le laisse avec de violentes douleurs à la tête et au genou. Il se remet tant bien que mal et obtiendra sa promotion au grade de brigadier fourrier le 11 juillet 1912, puis au grade de maréchal des logis à la fin de son service militaire le 25 septembre 1912, date à laquelle il est affecté dans la réserve dans un régiment de cavalerie légère de Chambéry.

Il retourne alors à Saint-Étiennede-Cuines et seconde son père à la direction de la société qui s’agrandit à d’autres établissem­ents. Mais il ne pourra goûter qu’à peine à deux années à la vie civile : la mobilisati­on générale le rappelle sous les drapeaux le 3 août 1914, au 9e régiment de hussards de Chambéry. Après avoir combattu brièvement dans les Vosges, son unité participe à la course à la mer et se retrouve à combattre dans les Flandres, puis sur la Somme au début de l’année 1915, avant de participer à l’offensive de Champagne où le régiment combat à pied au mois de septembre avec des pertes sensibles.

Pilote de reconnaiss­ance

C’est sans doute en raison de l’inutilité de la cavalerie dans cette guerre de tranchées que le maréchal des logis Benjamin Bozon-Verduraz se porte volontaire pour l’aviation où sert depuis le 1er mars 1915 son jeune frère Léon, sous-lieutenant d’artillerie, en tant qu’observateu­r. Benjamin est alors accepté en tant qu’élève-pilote le 24 septembre 1915. Après sa formation théorique, il est affecté à l’école de pilotage Caudron du Crotoy le 8 octobre 1915. Il ne s’y montre pas un élève très appliqué et obtient à peine la moyenne à l’épreuve théorique (10,35/20), mais passe cependant les épreuves de pilotage et obtient son brevet de pilote militaire (n° 2437) le 19 janvier 1916, complété par le brevet civil n° 2883 le 4 février 1916.

Il reçoit vite sa première affectatio­n dans une unité opérationn­elle, l’escadrille C.11, qu’il rejoint le 10 mars 1916 en pleine bataille de Verdun. L’unité, dirigée par le capitaine Vuillemin, est équipée de Caudron G.4 bimoteurs et est chargée, en coopératio­n avec les troupes au sol, de repérer les batteries d’artillerie adverses et de permettre leur destructio­n par l’artillerie française. Ce sont des missions extrêmemen­t dangereuse­s, qui exposent le Caudron aux tirs de la DCA ennemie… Le 29 avril 1916, son observateu­r est touché par des éclats mais il reste sur zone pour pouvoir effectuer coûte que coûte la mission, et revient à sa base avec son appareil criblé de balles, ce qui lui vaut le 6 mai une citation à l’ordre du corps d’armée. Six jours plus tard, il est victime d’un accident de vol quand son Caudron s’écrase lourdement au sol. Il subit alors une blessure qui le poursuivra toute sa vie : un tassement des ver

tèbres, qui occasionne­ront des douleurs qui ne feront qu’empirer.

Cela ne l’empêche pas dans l’immédiat de poursuivre ses missions : la C.11 déménage dans la Somme à partir du 24 juin 1916 pour prendre part à l’offensive alliée dans ce secteur, accompliss­ant des missions de réglages d’artillerie et de photograph­ie aérienne le jour, et réalisant des missions de bombardeme­nt nocturnes sur les gares de Péronne, Ham et Nesles. Benjamin BozonVerdu­raz est promu au grade d’adjudant le 21 novembre 1916 et reçoit le 2 janvier 1917 une seconde citation à l’ordre du corps d’armée : “S’est particuliè­rement distingué pendant la bataille de la Somme, notamment pendant les attaques des 4, 6 et 17 septembre et 14 octobre 1916, volant très bas pour accomplir les missions qui lui étaient confiées. A continué en novembre et décembre à participer à des réglages de tir dans des conditions atmosphéri­ques très défavorabl­es.” Ce même 2 janvier 1917, l’escadrille C.11 est envoyée en Lorraine, puis, le 4 avril 1917, s’envole pour le terrain d’Hourges, dans la Marne, pour participer à l’offensive du Chemin des Dames du général Nivelle.

Pilote de chasse à la SPA 3

Mais dès le mois suivant, Benjamin Bozon-Verduraz quitte la C.11 après 286 heures de vol et passe au groupement des divisions d’entraîneme­nt au Plessis-Belleville pour y être formé au pilotage d’avions de chasse. Il est ensuite muté dans une escadrille de chasse le 15 juin 1917, se retrouvant dans une unité allant au-delà de ces espérances puisqu’il s’agit de la SPA 3, l’escadrille d’élite de l’aviation française alors dirigée par le cne Auger où vole l’as des as Georges Guynemer.

On lui confie le Spad VII n° 420 avec lequel il effectue une première mission de chasse le 23 juin 1917 sur la ville de Laon, puis il passe le 27 juin sur le Spad VII n° 313 avec lequel il connaît son premier combat le lendemain contre un biplace ennemi qu’il doit laisser filer après avoir tiré une cinquantai­ne de cartouches. L’examen du journal de marche de l’escadrille montre son agressivit­é : volant fréquemmen­t deux missions par jour, il multiplie les accrochage­s avec l’aviation ennemie. Il est d’abord affecté aux patrouille­s basses réservées aux débutants et devant servir d’appât à la chasse allemande, mais dès la fin du mois juillet il vole dans les patrouille­s hautes.

Promu au grade de sous-lieutenant à titre définitif le 11 juillet 1917, il gagne la confiance de l’as des as alors que la SPA 3 gagne les Flandres. Guynemer le prend comme équipier lors de plusieurs missions dont celle du 11 septembre 1917 qui endeuiller­a toute la chasse française.

“Le jour le plus affreux de ma vie”

Le cne Georges Guynemer part en patrouille à l’aube avec deux équipiers, le s/ lt Benjamin Bozon-Verduraz et le sergent Louis Risacher, un jeune moniteur détaché en escadrille. Un problème mécanique retarde le décollage de ce dernier et Bozon-Verduraz est le seul à accompagne­r l’as des as. Il en livrera le témoignage suivant à son camarade d’escadrille André Dezarrois : “Le 11 septembre demeurera le jour le plus affreux de ma vie. Je ne m’en remettrai jamais. Pourquoi est- il tombé, lui le plus grand ? Pourquoi pas moi, le débutant ? J’avais décollé derrière lui, à 8 h 25, sur son ordre, survolant ces bassins qui nous étaient un repère. Nous avons piqué vers les lignes de Bischoote-Langemark, nos alliés anglais s’étant emparés depuis trois semaines de ce secteur, c’est- àdire de ses ruines. Au nord, la route s’en va vers Ypres, passant par le village de Poelcapell­e, nom obscur : il allait devenir célèbre…

Nous devions être vers 4 200 m. Soudain, Guynemer découvrit avec son rare coup d’oeil un “coucou” que je n’avais pas vu, environ 1 000 m au-dessous. Agitant ses ailes comme convenu, mais avec une violence

Pourquoi estil tombé, lui le plus grand ? Pourquoi pas moi, le débutant ?

inaccoutum­ée, alors que je cherchais encore où était l’ennemi, il fonçait déjà et à mort, si j’ose dire, moi le suivant, m’arrêtant même plus bas, car après un renverseme­nt, il tirait déjà de l’arrière, sans avoir encore eu le temps de se placer dans la queue de l’avion adversaire. J’avais dégagé pour laisser Guynemer l’expédier au sol, ce dont je ne doutais pas, mais le “Fritz”, s’étant mis en vrille, passant devant moi, je le tirai et le manquai à mon tour. Après cette plongée, je remontai en chandelle, pour dégager et laisser Guynemer en finir, quand je distinguai, dans le soleil, huit monoplaces survenant des arrières lignes allemandes. Guynemer, pensais-je, n’avait pas besoin de mon concours pour expédier son biplace, toujours en vrille, et il me parut plus urgent de détourner les arrivants d’une passe qui pouvait devenir grave. Je ne doutais pas que mon coéquipier, alors maître du combat, les découvrira­it et viendrait aussitôt me prêter mainforte, me dégageant si besoin était. Les zigzags que je fis pour me faire repérer faillirent me coûter cher, mais nos ennemis me lâchèrent vite, ayant dû voir l’autre combat. Y participèr­ent-ils in fine ? Dégagèrent­ils le Rumpler, et leur camarade en danger ? Qui ne le dira jamais ? L’un d’eux, seul, pourrait éclaircir ce point. Au cours des larges cercles de recherches que je fi s alors je repassais sur le lieu me paraissant être celui du combat, mais sans rien découvrir. Plus d’Allemands, plus de Français, ni dans le ciel ni vers le sol duquel je me rapprochai. Rien ! Je continuai à faire le cirque jusqu’au moment où l’essence ayant baissé très sérieuseme­nt et mes limites de vol très près d’être épuisées, je me dis que Guynemer, ayant dû abattre son premier coucou et repartant sur un autre, m’avait laissé à ma propre poursuite, ou ne m’avait pas retrouvé. Sans doute était-il déjà sur la voie du retour ? (…)

Rongé par la culpabilit­é

Brocard et le colonel du Peuty, chef de l’aviation au Grand Quartier général, étaient seuls à mon atterrissa­ge et j’en entendis de dures et amères du patron. Je les lui pardonne. Il était atterré, ce qui n’était pas son genre. Je l’étais plus encore. Des coups de téléphone, donnés au bureau de la 3, il résultait qu’un seul avion était signalé par l’infanterie en ligne, comme tombé dans ce secteur de Poelcapell­e, mais non en flammes.”

André Dezarrois rapporte les propos tenus par Brocard à BozonVerdu­raz : “Guynemer n’est pas là. Pourquoi rentrez-vous ?” Il témoigne également : “Je me suis demandé si, dans les semaines qui suivirent, il n’a pas cherché à se faire tuer au combat, après une période de prostratio­n qui le laissa comme écrasé.” Bozon-Verduraz repart effectivem­ent au combat dès l’après-midi et, lors d’une patrouille avec Risacher, tire un biplace sur la forêt d’Houthulst qui ne peut être suivi dans sa chute et sera compté comme une victoire probable.

Alors que la mort de Guynemer est confi rmée par les Allemands, Risacher décrit son camarade comme un pilote “prenant des risques insensés” pour tenter de se racheter. Une citation à l’ordre de l’armée lui est attribuée le 8 novembre 1917 et constate cet état de fait : “A donné pendant l’offensive des Flandres de 1917 de nouvelles et nombreuses preuves de sa bravoure au cours des nombreux combats qu’il a livré, toujours avec la même fougue et le même esprit de sacrifice.”

Alors que son frère cadet Léon est maintenant pilote d’observatio­n à l’escadrille AR 254, son père Emmanuel est lui aussi touché par la guerre le 12 décembre 1917 quand a lieu dans la vallée de la Maurienne la plus terrible catastroph­e ferroviair­e survenue sur le territoire français à ce jour : un train de permission­naires de l’armée d’Italie, surchargé par négligence de l’officier chargé du trafic, déraille à très grande vitesse dans une pente et provoque plusieurs centaines de morts. L’usine de pâtes alimentair­es BBozon-Verduraz, toute proche de l’accident, est alors transformé­e en poste de secours et en chapelle ardente – on amène près de 200 corps dans la grande salle des machines de l’usine.

Victoires aériennes en 1918

Sur le front, après une relative accalmie des vols occasionné­e par l’hiver, le s/lt Benjamin Bozon-Verduraz multiplie les sorties au sein de l’escadrille SPA 3 décapitée par la mort de Guynemer et désormais dirigée par le cne Raymond. Mais

les victoires aériennes ne tardent pas à revenir avec l’année 1918, obtenues par une nouvelle génération d’as comprenant Risacher, Dubonnet, ainsi que les pilotes américains Bayliès et Parsons. Bozon-Verduraz est à la tête de ce groupe et inaugure son palmarès personnel en remportant trois victoires homologuée­s en quelques jours, les 16, 17 et 20 février 1918, ce qui lui vaut deux citations à l’ordre de l’armée et la décoration de chevalier de la Légion d’honneur qui lui est décernée le 5 avril 1918.

Quand viennent les offensives allemandes de printemps, toute l’aviation de chasse française est sur la brèche dans un gigantesqu­e et ultime affronteme­nt avec la chasse allemande. Ce sera l’occasion pour Bozon-Verduraz de faire décoller son score et de remporter cinq victoires homologuée­s en l’espace d’un mois, du 20 avril au 29 mai 1918, toutes obtenues contre des biplaces en collaborat­ion avec plusieurs équipiers. Ceux- ci témoignent de sa tactique des plus téméraires : foncer à bout portant pour descendre l’ennemi, quitte à revenir avec son propre appareil criblé de balles…

Sa croix de guerre ornée de trois nouvelles palmes représenta­nt des citations à l’ordre de l’armée, il doit quitter l’escadrille SPA 3 le 1er juillet 1918 car on lui confie le commandeme­nt de l’escadrille SPA 94 dont l’insigne flamboyant ornant le flanc des Spad est un squelette maniant une faux. Promu à cet effet au grade de lieutenant à titre temporaire, Bozon-Verduraz va poursuivre la lutte dans sa nouvelle unité qui est une composante du GC 18, intégré dans la 1re division aérienne, véritable armada de l’air dirigée par le col. Duval et qui permettra aux alliés d’emporter une supériorit­é aérienne écrasante jusqu’à la victoire fi nale.

Un de ses pilotes, André Martenot de Cordoux, le décrira comme un pilote particuliè­rement ignorant des risques, et adoptant une tactique des plus simplistes : foncer tout droit au contact, ignorer les tirs de riposte et tirer à bout portant quitte à revenir avec son propre appareil criblé de balles !

Cependant l’as souffre de plus en plus du dos, suite à sa blessure à la colonne vertébrale du 12 mai 1916. Le 17 août 1918, il attaque seul un biplace qu’il descend au nord- est de Roye mais est pris à partie par une escorte de quatre Fokker D VII qui crible de balles son Spad et le force à atterrir dans ses lignes. Il peut bénéficier d’une longue permission du 29 août au 24 septembre, durant laquelle il se marie le 2 septembre à Lyon avec sa fiancée Mlle Suzanne Prat. De retour à son escadrille, il remporte sa 10e et dernière victoire homologuée le 9 octobre 1918 contre un biplace abattu près de Banthevill­e, au nordouest de Verdun, avec son équipier le lt Laganne. Ceci lui vaut l’honneur de voir son nom mentionné dans le communiqué aux armées, repris par la presse nationale.

Capitaine d’industrie

Mais c’est pour lui également la fin des combats. Dès l’armistice signé, il laisse le commandeme­nt de l’escadrille SPA 94 afin d’aller se faire hospitalis­er à Lyon le 18 novembre 1918 pour ses douleurs lombaires. Les médecins militaires constatent une décalcific­ation de trois vertèbres et le classent aussitôt inapte au service ; il portera un appareil orthopédiq­ue pendant sept années et obtient un long congé de convalesce­nce. Son père Emmanuel a de son côté fait une demande le 19 novembre 1918 pour lui obtenir un sursis d’incorporat­ion pour qu’il puisse revenir travailler dans l’usine familiale et le seconder dans la direction. La demande suit son chemin pendant la convalesce­nce

de l’as, confirmé à titre définitif à son grade de lieutenant le 26 mars 1919, et il est finalement libéré le 15 juin 1919 par l’acceptatio­n de son congé sans solde avant d’être officielle­ment démobilisé le 6 septembre 1919. Il sera promu officier de la Légion d’honneur en juillet 1920.

Aux commandes de l’entreprise familiale

Benjamin Bozon-Verduraz, domicilié à Paris au 100, quai de la Rapée, va dès lors travailler à la société anonyme des établissem­ents Bozon-Verduraz en tant qu’administra­teur délégué, son père en étant le président. L’usine de Saint-Étiennede-Cuines emploie environ 600 ouvriers à la fin de la guerre et a une capacité de production de 40 t de pâtes par jour ; la société va s’agrandir et ouvrir de nouvelles usines à Maisons-Alfort, près de Paris, à Montescour­t dans l’Aisne, à Vesoul en Haute-Saône ainsi qu’à Lormont près de Bordeaux. Notons qu’est organisé en 1923 par Benjamin BozonVerdu­raz à Montescour­t même un meeting d’aviation qui régale le public des acrobaties effectuées par les anciens as Haegelen et Martenot de Cordoux, son ancien subordonné à l’escadrille SPA 94.

C’est sans doute sous l’impulsion de son administra­teur délégué que la société réalise à cette époque une campagne publicitai­re efficace en mettant en avant sa marque phare, les Pâtes la Lune, faisant imprimer le logo dans nombre de journaux d’époque et en mettant une image à collection­ner dansns chaque paquet de pâtes, images ayant pour thème l’armée ou l’aviation. La marque offre aussi des cadeaux publicitai­res aux consommate­urs collection­nant les coupons qu’ilss trouvent danss chaque paquet de pâtes.

Les établissem­ents BozonVerdu raz acquièrent ainsi une place importante sur le marché. Cependant les salaires dans l’usine sont assez bas et des conflits sociaux importants éclatent en décembre 1922 à Maison-Alfort, où se constitue un syndicat, ainsi qu’à SaintÉtien­ne-de-Cuines où une longue grève éclate en mars 1924 quand la direction refuse d’appliquer la journée de 8 heures sans diminution de salaires. Le bénéfice de la société se monte à 1 117 000 francs en 1921, puis descend à 140 000 francs en 1922 pour remonter ensuite.

L’année 1925 marque un tournant pour l’entreprise comme pour Benjamin Bozon-Verduraz.

Son père Emmanuel décède et il lui succède à son siège de maire à Saint-Étienne-de-Cuines ainsi qu’à la direction des Établissem­ents Bozon-Verduraz dont il poursuit le dédévelopp­ement, tratransfé­rant l’annénée même le siège sosocial à Paris.

Les bénéficfic­es de la sociciété s’envolent eet passent à 2 340 000 francs en 1927, puis 3 700 000 francs ene 1928 et 1929, maisma toujours au prix de bas salaires chez les ouvriers, qui causent une sérieuse agitation sociale dans les usines du groupe et particuliè­rement à Maisons-Alfort où une grève éclate en janvier 1927. Les salaires dans les usines alimentair­es ne sont pas particuliè­rement élevés, mais le journal L’Humanité note que ceux des établissem­ents Bozon-Verduraz sont encore inférieurs à la moyenne… Le journal mentionne également le nom de Benjamin Bozon-Verduraz dans le scandale immobilier du groupe d’habitation­s franco-américaine­s, où une société de promotion immobilièr­e dont il fait partie du conseil d’administra­tion a vendu sur plans à des épargnants des appartemen­ts dont la constructi­on s’est arrêtée

au milieu du chantier. Seul le président du conseil d’administra­tion, M. Amaury de Montlaur, sera mis en accusation et aucune condamnati­on n’apparaît dans le dossier de l’as.

À titre personnel, ses problèmes de santé à la colonne vertébrale connaissen­t une accalmie et il ne porte plus son appareil orthopédiq­ue, ce qui lui permet de se remettre à piloter. L’armée, dont il s’était tenu à l’écart, le nomme capitaine de réserve le 25 décembre 1925 et il effectue plusieurs périodes de réserve pour s’entraîner sur un avion militaire en 1929 et 1930. Mais c’est surtout à titre civil qu’il vole puisqu’il devient président de l’aéro- club des Alpes en 1928, organisant un meeting aérien à Annecy en 1929 et à Chambéry en 1930. Il acquiert à cette époque un petit Morane 230 (F-AJDM) avec lequel il fait plusieurs sorties.

Revers de fortune

La crise économique de 1929 touche la France avec quelques années de retard et les Établissem­ents Bozon-Verduraz doivent faire face à des difficulté­s fi nancières croissante­s. En 1932, Benjamin BozonVerdu­raz, qui a laissé son mandat de maire, voit la société fondée par son père rachetée par un groupe d’actionnair­es. Il en perd le contrôle au mois de mai 1933 alors que la situation sociale s’envenime et que 60 ouvrières sont licenciées de l’usine de Maisons-Alfort.

Il va alors tenter de rebondir et fonde au mois de septembre 1933 la société Benjamin Bozon-Verduraz, une société anonyme au capital de 6 millions de francs dont l’objet social est la fabricatio­n et la vente de déjeuners et reconstitu­ants à base de cacao, cafés, sucres et céréales. Il dépose à cet effet le 8 décembre 1933 le nom de “Baraca” pour sa nouvelle marque de chocolats. Mais la société ne décollera jamais : en difficulté­s financière­s, Benjamin Bozon-Verduraz émet le 20 juillet 1934 un chèque sans provision qui lui vaudra une condamnati­on à… 25 francs d’amende que confirmera la cour d’appel de Paris le 8 juin 1936. Bien plus grave : la société Benjamin Bozon-Verduraz est mise en faillite le 12 décembre 1934.

Pendant ce temps, les Établissem­ents Bozon-Verduraz, qui se sont empressés de signaler par communiqué de presse qu’ils n’avaient rien à voir avec la société Benjamin Bonzon-Verduraz, achèvent de se disloquer pendant la crise des années 1930. L’usine de Lormont près de Bordeaux ferme au mois d’août 1934, puis, victime de longues grèves dans les autres usines en 1936, le groupe est mis en liquidatio­n judiciaire en 1938 et ses actifs rachetés par diverses sociétés alimentair­es.

Il n’y a guère que l’aviation qui puisse offrir des satisfacti­ons à l’ancien as de 1914-1918, qui, ayant cessé de faire partie du personnel navigant le 21 octobre 1931, est néanmoins promu au grade de commandant de réserve le 25 décembre 1932. Un examen médical le classe comme inapte défi nitif dans le personnel navigant le 4 juillet 1936, décision qu’il conteste immédiatem­ent en arguant ses responsabi­lités dans la promotion de l’aviation de tourisme et le fait qu’il pilote un avion pour ses déplacemen­ts privés. Il n’est pas entendu et sa demande de promotion au grade de lieutenant-colonel de réserve en 1937 reste sans suite, sans doute plombée par sa condamnati­on pour chèque sans provision dont copie du jugement se retrouve dans son dossier militaire.

Hospitalis­é pendant la campagne de France

Affecté administra­tivement à la base aérienne n° 130 de l’armée de l’Air, le commandant Benjamin Bozon-Verduraz est mobilisé le 4 septembre 1939 et dirigé deux jours plus tard sur la base aérienne de Bordeaux-Mérignac où il est affecté au bataillon de l’air n° 106.

Il est affecté à un emploi administra­tif pendant la drôle de guerre, et peut voir le conseil général de Savoie proposer au préfet de réquisitio­nner l’usine de Saint-Étiennede- Cuines qui tourne presque à vide pour la fabricatio­n de pâtes pour l’armée. Mais il ne connaîtra rien de la campagne de France en tant que militaire : hospitalis­é du 2 au 22 avril 1940 pour un problème de santé qui a probableme­nt un lien avec son ancienne blessure au dos, il est envoyé le 23 avril pour trois mois de congé de convalesce­nce. Il renouvelle le 13 juillet 1940 sa demande de promotion au grade de lieutenant- colonel qui reste lettre morte, puis sera de nouveau hospitalis­é à Chambéry du 21 au 26 août 1940 avant de repartir pour deux mois de convalesce­nce.

Démobilisé le 5 décembre 1940, il se retire à Saint-Étiennede- Cuines. Sa santé se dégradera brusquemen­t un an et demi plus tard et il décédera à l’hôpital de Chambéry le 21 juin 1942, à l’âge de 53 ans. Il est enterré dans sa commune natale où l’usine fondée par son grand-père survivra encore quelques années avant de fermer défi nitivement en 1952.

Sa demande de promotion plombée par sa condamnati­on pour chèque sans provision

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DR/COLL. D. MÉCHIN
 ?? DR/COLL. D. MÉCHIN ?? Benjamin Bozon-Verduraz, alors pilote à la SPA 3 dont il porte sur la poitrine l’insigne d’escadrille, la cigogne de Guynemer.
DR/COLL. D. MÉCHIN Benjamin Bozon-Verduraz, alors pilote à la SPA 3 dont il porte sur la poitrine l’insigne d’escadrille, la cigogne de Guynemer.
 ?? DR/COLL. D. MÉCHIN ?? L’usine familiale de Saint-Étiennede-Cuines.
DR/COLL. D. MÉCHIN L’usine familiale de Saint-Étiennede-Cuines.
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 ?? SHD ?? Benjamin BozonVerdu­raz et Louis Risacher fin 1917, deux jeunes pilotes de la SPA 3. Tous les deux seront les équipiers de Guynemer lors de son vol fatal du 11 septembre 1917.
SHD Benjamin BozonVerdu­raz et Louis Risacher fin 1917, deux jeunes pilotes de la SPA 3. Tous les deux seront les équipiers de Guynemer lors de son vol fatal du 11 septembre 1917.
 ?? DR/COLL. D. MÉCHIN ?? Une vue du village de Saint-Étiennede-Cuines, dans la vallée de la Maurienne.
DR/COLL. D. MÉCHIN Une vue du village de Saint-Étiennede-Cuines, dans la vallée de la Maurienne.
 ?? DR/COLL. D. MÉCHIN ?? Une des dernières photos connues de Georges Guynemer, prise sur le terrain de l’aviation belge des Moëres le 10 septembre 1917 où l’as, visiblemen­t fort contrarié, a été contraint de se poser suite à un problème mécanique. Il disparaîtr­a le lendemain sur cet appareil, son Spad XIII n° 504.
DR/COLL. D. MÉCHIN Une des dernières photos connues de Georges Guynemer, prise sur le terrain de l’aviation belge des Moëres le 10 septembre 1917 où l’as, visiblemen­t fort contrarié, a été contraint de se poser suite à un problème mécanique. Il disparaîtr­a le lendemain sur cet appareil, son Spad XIII n° 504.
 ?? SHD ?? Sur cette photo dédicacée au pilote serbe Sondermaye­r se trouvent les pilotes de la SPA 3 Louis Risacher (à gauche), Louis Bucquet (au centre) et Benjamin BozonVerdu­raz en 1918.
SHD Sur cette photo dédicacée au pilote serbe Sondermaye­r se trouvent les pilotes de la SPA 3 Louis Risacher (à gauche), Louis Bucquet (au centre) et Benjamin BozonVerdu­raz en 1918.
 ?? DR/COLL. D. MÉCHIN ?? Benjamin BozonVerdu­raz au mois de mai 1918, devenu un as.
DR/COLL. D. MÉCHIN Benjamin BozonVerdu­raz au mois de mai 1918, devenu un as.
 ?? DR/COLL. D. MÉCHIN ?? Benjamin BozonVerdu­raz et son mécanicien.
DR/COLL. D. MÉCHIN Benjamin BozonVerdu­raz et son mécanicien.
 ?? N MÉCHI DAVID ?? Le Spad XIII n° 2533 baptisé Mon Lion du s/lt Bozon-Verduraz, de la SPA 3, en juin 1918.
N MÉCHI DAVID Le Spad XIII n° 2533 baptisé Mon Lion du s/lt Bozon-Verduraz, de la SPA 3, en juin 1918.
 ?? DR/COLL. D. MÉCHIN ?? Pilotes du GC 12 posant autour de l’as des as René Fonck (6e à g. à l’arrière-plan) sur le terrain d’Hétomesnil le 8 mai 1918, avec Bonzon-Verduraz (5e à g.). D’autres as sont présents : Xavier de Sevin (12 victoires, 7e à g.), Georges Raymond (cinq victoires, 9e à g.), Bernard Barny de Romanet (18 victoires, à d.).
Assis, en partant de la droite : Gustave Naudin (six victoires),
Edwin Parsons (huit victoires) et Franck Baylies (12 victoires).
DR/COLL. D. MÉCHIN Pilotes du GC 12 posant autour de l’as des as René Fonck (6e à g. à l’arrière-plan) sur le terrain d’Hétomesnil le 8 mai 1918, avec Bonzon-Verduraz (5e à g.). D’autres as sont présents : Xavier de Sevin (12 victoires, 7e à g.), Georges Raymond (cinq victoires, 9e à g.), Bernard Barny de Romanet (18 victoires, à d.). Assis, en partant de la droite : Gustave Naudin (six victoires), Edwin Parsons (huit victoires) et Franck Baylies (12 victoires).
 ?? DR ?? Après la guerre, Benjamin BozonVerdu­raz prend la direction de l’entreprise familiale et commercial­ise les Pâtes de la Lune en réalisant d’importante­s campagnes publicitai­res.
DR Après la guerre, Benjamin BozonVerdu­raz prend la direction de l’entreprise familiale et commercial­ise les Pâtes de la Lune en réalisant d’importante­s campagnes publicitai­res.
 ?? DR ?? Images d’aviation offertes dans les paquets de Pâtes la Lune.
DR Images d’aviation offertes dans les paquets de Pâtes la Lune.

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