Le “Mirage” IV surprend les Américains
Le général Jean-Patrick Gaviard témoigne à propos des opérations sur le Kosovo.
“En 1999, en tant que général représentant français au sein du commandement de l’opération Allied Force à Vicenza, je propose au général Mike Short de l’US Air Force des moyens de reconnaissance français.
Short refuse toutes mes propositions, rétorquant que la campagne aérienne est avant tout fondée sur des opérations de bombardement qui exigent autour des avions d’attaque au sol un dispositif complet d’appareils de défense aérienne, de détection, de destruction de sites de missiles sol-air et de ravitailleurs. Le général ne souhaite donc pas remplacer des “précieux” avions d’attaque au sol par des moyens de reconnaissance, non prioritaires, au sein des dispositifs lourds qui survolent le Kosovo. Quelques jours plus tard, je retourne le voir pour lui proposer le “Mirage” IVP qui ne nécessite pas de moyens de protection, en volant suffisamment vite et haut pour échapper aux intercepteurs et aux conduites sol-air adverses. Étonné, ne connaissant pas l’appareil, pourtant mythique, le général me pose des questions précises : attitude de vol, vitesse. À l’étonnement succède le doute : Mach 2, 50 000 pieds [ 15 240 m] ! Cherchant à écarter ma proposition, il s’interroge sur la valeur opérationnelle des clichés : “À cette altitude et à cette vitesse, le renseignement photographique doit être inexploitable”. Devant ce nouveau refus, je lui présente alors quelques clichés remarquables effectués à 45 000 pieds [13 715 m] et Mach 1,8 à la verticale de la base aérienne de Mont-de-Marsan. Surpris par la netteté des photographies agrandies et très parlantes, le gén. Short, de guerre lasse, approuve ma proposition. Le jour dit, à l’heure dite, le “Mirage” IVP apparaît sur l’écran radar de contrôle du centre de commandement de Vicenza. Rien de bien troublant quand l’appareil de reconnaissance stratégique vole en subsonique au-dessus de l’Adriatique : en effet, son vecteur vitesse correspond à un Mach de 0,9, standard pour tous les appareils de combat très nombreux, évoluant au-dessus du théâtre d’opérations. Mais soudain, à une centaine de nautiques au sud du Kosovo, ce vecteur vitesse s’allonge et double de longueur (Mach 1,8) en arrivant au point d’entrée des raids pénétrant au-dessus du Kosovo. La surprise des officiers américains dans la salle d’opération est totale !
Ils n’avaient jamais observé des appareils évoluant à deux fois la vitesse du son sur une si longue distance. Les officiers américains s’empressèrent d’alerter leurs camarades pour venir voir cette météorite traversant la zone d’opération, seule, sans protection, sûre d’elle. À 17 heures, à l’heure du briefing général, je peux poser sur la table les photographies prises quelques heures plus tôt au-dessus du Kosovo devant tous les généraux étrangers dont le gén. Short qui déclare alors : “J’apprécie ce travail, vous avez une armée de l’Air très opérationnelle.”