Top Gun : le regard nostalgique de Dale R. Huhmann, ancien pilote instructeur de l’US Air Force
C’est forcément avec nostalgie que j’évoque Top Gun, alors qu’en 1986 je venais juste d’obtenir mon diplôme de pilote à Reese AFB, au Texas.
À maints égards, les temps étaient plus simples : un monde binaire et bipolaire orchestré par deux superpuissances qui s’équilibrent et qui assurent la paix du monde en appliquant la doctrine de la MAD, la doctrine nucléaire de la
Mutual Assured Destruction
(destruction mutuelle assurée). Séparation nette comme aux échecs, entre noirs d’un côté, blancs de l’autre, Top Gun était le reflet de son temps. On a retenu le pilote rebelle qui passe une belle journée et séduit la fille, le goût pour la vitesse, le “Tomcat”, les lunettes aviateurs et le blouson de cuir. Moi-même j’avais adopté le look Val Kilmer, “Iceman”, avec une coupe en brosse carrée. Pour être dans le coup, il fallait porter le blouson en cuir flight-jacket. Les officersclub (O’Clubs) des bases aériennes respiraient l’ambiance du bar de la première séquence du film, des Maverick, des Charlie, genre Kelly McGillis.
Plus facile de jouer les as du combat aérien au bar des O’Clubs qu’au Great Marianas Turkey Shoot
(Le tir aux pigeons des Mariannes) lors de la bataille des Philippines. Même au début des années 1990, quand j’étais instructeur sur T-38 à l’ENJJPT (Euro-Nato Joint Jet Pilot Training Program), Top
Gun inspirait les élèves lorsqu’ils programmaient leur week-end à l’O’club de Miramar. Ensuite, il y a l’effet recrutement : plus 500 % ! Je me souviens que les officiers recruteurs de l’US Navy avaient installé des stands dans les couloirs des cinémas qui projetaient Top Gun avec l’idée d’attirer les aspirants Maverick. Quel regard porter 36 ans après ? Le monde a radicalement changé et l’univers militaire avec lui. La simplicité des bons contre les méchants ou “draguer” en mode Maverick ont fait place au politiquement correct. L’alcool a été déglamourisé. Le Hollywood d’aujourd’hui a même renoncé à pointer la plus grande menace contemporaine contre la liberté et les droits de l’homme, la Chine, dans l’idée de se ménager cet immense marché. Un signe : le flight-jacket iconique de Maverick ne porte même plus les drapeaux du Japon et de Taiwan ! Je pense que je vais passer sur le nouveau Top Gun et rester sur l’original.
Lt-col. (Retired) Dale R. Huhmann (USAF)
Le lt-col. Dale Huhmann fut instructeur sur T-38 “Talon” au ENJJPT, puis pilote de C-141, avant de rejoindre l’ambassade des États-Unis à Paris comme attaché de l’Air adjoint. Il fut pilote de C-17 dans l’US Air Force Reserve, puis commandant de bord dans une grande compagnie aérienne civile.