DES AVEUX D’ÉCHECS SUR LES ATTENTATS, SANS REMISE EN QUESTION MAJEURE
sume ses traits de caractère : « Compétent, travailleur, intègre, obstiné… et capable de se fâcher avec tout le monde. » Entouré de quelques diplomates de choc, d’un nouveau directeur du renseignement issu de la maison, Marc Pimond, qu’il n’a pas choisi, et du général Jean-Pierre Palasset, un ancien des forces spéciales qu’il a connu en Afghanistan, Bernard Bajolet pilote la DGSE sans aucun état d’âme. Avec son carnet d’adresses, il peut joindre aisément un ancien dirigeant sunnite en Irak, un proche de la famille régnante de Jordanie, ou le frère du président algérien Bouteflika, auquel il rend parfois discrètement visite. Affable ou cinglant avec ses interlocuteurs, selon l’humeur du jour, il impressionne ses subordonnés. Mais pour faire quoi ? La question reste ouverte. Car il n’a, pour le moment, pas changé grand-chose à la DGSE, sauf poursuivre les recrutements, conforter les investissements de la direction technique, promouvoir une loi sur le renseignement qui sécurise la DGSE et dépoussiérer l’image médiatique du service, en aidant, par exemple, le réalisateur Eric Rochant pour sa série Le Bureau des légendes, diffusée sur Canal+.
Pourtant, la DGSE n’est pas exempte de critiques.
Certes, elle a annoncé l’avancée des djihadistes au Mali début 2013 et fourni des renseignements précis sur des cibles stratégiques lors de l’opération « Serval ». Mais elle n’a pas vu venir les révolutions arabes de 2011 ou la poussée de Daech en Irak en 2014. Certains experts lui reprochent aussi son parti pris anti-Assad en Syrie qui l’aurait conduite à prédire imprudemment la chute du régime. Autre bévue majeure : malgré plusieurs attaques terroristes déjouées ces derniers mois, la DGSE n’a pas détecté les préparatifs de la nébuleuse francobelge, qui a frappé à Paris en novembre 2015. « Les attentats du 13 novembre représentent évidemment pour moi un échec », a admis, le 25 mai, Bernard Bajolet, devant les parlementaires de la commission d’enquête sur les attentats. Un aveu minimaliste, répété par son homologue de la DGSI Patrick Calvar. « Calvar et Bajolet se serrent les coudes pour défendre leurs maisons respectives, décrypte un initié. D’où le couplet conjoint devant les députés, où ils ont expliqué qu’ils ne pouvaient pas tout empêcher. C’est une défense un peu courte, qui leur évite de balayer devant leur porte. » En choeur, les deux patrons du renseignement ont également vanté les mérites de leur coopération mutuelle. « Il n’y a pas l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette entre nos deux services », ont-ils expliqué. Cependant, en dépit de progrès récents, la coordination demeure embryonnaire entre la DGSI et la DGSE face à des menaces extérieures et intérieures de plus en plus hybrides. En coulisses, Bernard Bajolet et Patrick Calvar ont plaidé pour ne rien bousculer dans le dispositif actuel. Les attentats de l’été 2016 n’ont pas fait changer d’avis François Hollande : « Pas question de déstabiliser les services en pleine guerre », explique un proche du Président. Boulevard Mortier, Bernard Bajolet est ravi. Tant qu’il ne dérape pas, et qu’il garde sa connexion avec l’Elysée, le maître espion reste maître chez lui.