ARTS-DÉCO BAUHAUS, UNE ÉCOLE D’AVANT-GARDE
A Paris, le musée des Art décoratifs et la Fondation d’entreprise Hermès rendent hommage à une référence fondamentale de l’histoire de l’art du XXe siècle.
Pour beaucoup, le Bauhaus évoque un mouvement artistique ou l’Allemagne de l’entredeux-guerres. Mais on oublie souvent qu’il s’agissait avant tout d’une école d’un concept volontairement avantgardiste, fondée en 1919 par l’architecte Walter Gropius. Son nom, qui réunit les mots Bauen (construire) et haus (maison), résume le projet : « Le but final de toute activité plastique est la construction. » Il décide donc de réunir tous les métiers d’art pour rendre vie à l’habitat, coeur de son enseignement.
Avec beaucoup d’intelligence et d’élégance, la scénographie de l’exposition du musée des Arts décoratifs (que l’on doit à Laurence Fontaine) s’est attachée à visualiser dans l’espace le schéma de Gropius. Une longue ellipse nous entraîne, après avoir découvert les différents « ateliers », vers le noyau central : la maison (au total plus de 900 oeuvres exposées !). Les premières salles nous éclairent sur la genèse de cette aventure. Le Moyen Age des bâtisseurs de cathédrales inspire à Gropius l’importance de la hiérarchie maîtres-compagnons-apprentis comme système de transmission. Des oeuvres de William Morris, représentant le mouvement Arts and Crafts, rappellent qu’outre-Manche, des créateurs s’étaient déjà penchés sur une fusion entre beaux-arts et artisanat. Des thèses que reprendront Henry Van de Velde en Belgique (dont on peut admirer l’élégant mobilier Art nouveau) et les différents mouvements de Sécession en Allemagne et en Autriche. En 1908, Van de Velde fonde l’école d’arts appliqués de Weimar, qui accueillera le Bauhaus onze ans plus tard. Pour Walter Gropius, la pratique artistique doit être permanente et étroitement imbriquée à la vie quotidienne. La scolarité dure trois à quatre ans, parmi les maîtres : Klee, Kandinsky, pour les formes et les couleurs, ou encore Walter Peterhans, pour la photographie. Une longue frise de clichés en noir et blanc montre une jeunesse épanouie à la créativité débridée. On redécouvre ici quelques grands classiques sortis tout droit de l’atelier menuiserie : le fauteuil B3 (1925) en acier nickelé et toile de coton de Marcel Breuer et la fameuse chaise Rouge et bleue (1918) de Gerrit Rietveld. Cultes ! Les filles étaient largement encouragées à rejoindre l’atelier tapisserie ! Sur les murs, on peut admirer de magnifiques réalisations : patchworks ou jacquards aux structures graphiques et aux couleurs exceptionnelles. Hélas, l’école, toujours à la recherche de fonds, s’orientera vite vers le textile vendu au mètre. Car les temps sont durs. Particulièrement en Allemagne où la valeur du mark fond comme neige au soleil. Dans une vitrine de l’atelier de typographie trône un billet de deux millions de marks imaginé par un élève. En 1933 à Berlin, la menace nazie pousse le conseil des maîtres à voter la dissolution de l’établissement, dispersant ainsi dans le monde entier la diaspora du Bauhaus. « L’Esprit du Bauhaus », au musée des Arts décoratifs, Paris Ier. Jusqu’au 26 février 2017. Magnifique catalogue : 39 €