LA MONDIALISATION EN DEUX POIDS, DEUX MESURES
Les mêmes qui condamnent avec une unanimité touchante les traités de libre-échange (des capitaux et des biens) entre l’Europe, le Canada et les Etats-Unis sont ceux qui appellent à la libre circulation (l’équivalent du libre-échange) des populations de migrants entre l’Afrique, l’Orient, l’Asie mineure et l’Europe. Dans le premier cas, on devrait fermer nos frontières ; dans le second, les tenir grandes ouvertes. Surprenant ? Pas pour Jean-François Revel, le journaliste et philosophe disparu en 2006, dont on publie un abécédaire * dans lequel on peut lire ceci : « C’est uniquement la mondialisation par le marché que la gauche repousse. La mondialisation lui a toujours paru souhaitable pourvu qu’elle fût idéologique et politique. » Revel rappelait que la France révolutionnaire avait voulu étendre à la terre entière les principes de 1789, et que le socialisme a toujours été internationaliste. On pourrait ajouter que les « antimondialistes » et « altermondialistes » actuels se situent dans le droit fil de cette idéologie, d’un côté la disparition des racines, des traditions, des souverainetés des peuples (« la table rase »), de l’autre la nationalisation des capitaux et des industries. Ce qui aboutit à « l’expropriation, à l’effacement de sa propre histoire » (Braudel), à « la dépossession de notre culture, d’une certaine idée de la cité » (Guaino). La droite libérale, au contraire, a longtemps plaidé pour « la mondialisation heureuse » d’Alain Minc, le marché étant le meilleur outil de développement économique et d’amélioration du niveau de vie. Un outil qui a permis à des continents entiers de s’extraire de la pauvreté. Mais, du jour où l’on a cru devoir justifier cette création de richesses par une « morale » à visée planétaire, on a vu arriver une nouvelle idéologie, celle des droits de l’homme identiques partout et pour tous. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, « la mondialisation heureuse » a fini par verser dans « l’identité malheureuse », et les peuples se sont à leur tour rebellés contre les effets d’une mondialisation destructrice des identités, et dressés contre ces traités qui, sous le label du libre-échange, camouflent une nouvelle idéologie mondialiste.
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La mondialisation, rappelle Revel, a toujours paru souhaitable à la gauche, pourvu qu’elle fût idéologique