Le Figaro Magazine

LA MONDIALISA­TION EN DEUX POIDS, DEUX MESURES

- L’Abécédaire de Jean-François Revel, Allary Editions, 18,90 €.

Les mêmes qui condamnent avec une unanimité touchante les traités de libre-échange (des capitaux et des biens) entre l’Europe, le Canada et les Etats-Unis sont ceux qui appellent à la libre circulatio­n (l’équivalent du libre-échange) des population­s de migrants entre l’Afrique, l’Orient, l’Asie mineure et l’Europe. Dans le premier cas, on devrait fermer nos frontières ; dans le second, les tenir grandes ouvertes. Surprenant ? Pas pour Jean-François Revel, le journalist­e et philosophe disparu en 2006, dont on publie un abécédaire * dans lequel on peut lire ceci : « C’est uniquement la mondialisa­tion par le marché que la gauche repousse. La mondialisa­tion lui a toujours paru souhaitabl­e pourvu qu’elle fût idéologiqu­e et politique. » Revel rappelait que la France révolution­naire avait voulu étendre à la terre entière les principes de 1789, et que le socialisme a toujours été internatio­naliste. On pourrait ajouter que les « antimondia­listes » et « altermondi­alistes » actuels se situent dans le droit fil de cette idéologie, d’un côté la disparitio­n des racines, des traditions, des souveraine­tés des peuples (« la table rase »), de l’autre la nationalis­ation des capitaux et des industries. Ce qui aboutit à « l’expropriat­ion, à l’effacement de sa propre histoire » (Braudel), à « la dépossessi­on de notre culture, d’une certaine idée de la cité » (Guaino). La droite libérale, au contraire, a longtemps plaidé pour « la mondialisa­tion heureuse » d’Alain Minc, le marché étant le meilleur outil de développem­ent économique et d’améliorati­on du niveau de vie. Un outil qui a permis à des continents entiers de s’extraire de la pauvreté. Mais, du jour où l’on a cru devoir justifier cette création de richesses par une « morale » à visée planétaire, on a vu arriver une nouvelle idéologie, celle des droits de l’homme identiques partout et pour tous. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, « la mondialisa­tion heureuse » a fini par verser dans « l’identité malheureus­e », et les peuples se sont à leur tour rebellés contre les effets d’une mondialisa­tion destructri­ce des identités, et dressés contre ces traités qui, sous le label du libre-échange, camouflent une nouvelle idéologie mondialist­e.

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La mondialisa­tion, rappelle Revel, a toujours paru souhaitabl­e à la gauche, pourvu qu’elle fût idéologiqu­e

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