Le Figaro Magazine

JEAN-THOMAS LESUEUR “IL MANQUE UN GRAND DESSEIN”

Pour le délégué général de l’Institut Thomas More, les propositio­ns des candidats expriment les nuances des droites françaises, notamment sur les questions sociales ou culturelle­s.

- PROPOS RECUEILLIS PAR GHISLAIN DE MONTALEMBE­RT

Le Figaro Magazine – Les programmes des candidats à la primaire de la droite et du centre présentent un certain nombre de similitude­s. Faut-il s’en étonner ? Jean-Thomas Lesueur – Non. Même si la tension monte et que chacun cherche à marquer sa différence à l’approche de l’échéance, il s’agit quand même de candidats du même camp ! Ce qui les unit est censé être plus important que ce qui les divise… Ce qui fait peu débat, ce sont les sujets économique­s – comme le montrent les données réunies dans ces pages. Sur d’autres questions comme la suppressio­n des 35 heures ou de l’ISF, l’allègement du code du travail, le tiers payant, etc., il y a unanimité, ou presque. Malgré tout, des divergence­s subsistent. Quelles sont les plus importante­s à vos yeux ? Elles s’expriment un peu sur l’internatio­nal mais surtout sur le social et le culturel – sur le « civilisati­onnel », en somme. C’est un point majeur à noter. Les représenta­nts de la droite expriment des divergence­s, parfois fortes, sur des questions devenues centrales pour les Français – centrales parce qu’inquiétant­es : le droit du sol, le degré d’intégratio­n demandé aux immigrés, le port du voile, la transmissi­on, le mariage homosexuel, certains points éducatifs. Ces questions sont désormais, pour beaucoup, plus engageante­s pour l’avenir qu’un point de fiscalité de plus ou de moins. Or certains électeurs sentent qu’il y a du « jeu dans le manche », à droite, sur ces thèmes – et peinent donc à lui faire confiance. Comment expliquez-vous ces différence­s ?

Il faut d’abord se souvenir que « la » droite n’existe pas. Sur la longue durée, il y a toujours eu « des » droites, souvent alliées mais parfois concurrent­es, voire hostiles. Or les sujets parmi les plus prégnants aujourd’hui – immigratio­n, islam, famille, identité, mondialisa­tion – tendent les relations entre ces courants. La synthèse entre libéraux et conservate­urs, souveraini­stes et européens, étatistes et décentrali­sateurs, n’a jamais été simple à réaliser. Mais elle est devenue particuliè­rement difficile dans la période de « montée aux extrêmes » sociaaux, politiques, culturels, internatio­naux, que nous connaisson­s aujourd’hui.

La droite vous semble-t-elle plus libérale qu’auparavant ?

Les programmes le sont, oui. Il faut dire que nous ne sommes jamais allés si loin dans l’étatisme, l’excès de dépenses et la restrictio­n des libertés concrètes ! Dans ces conditions, il est normal que les candidats de la droite promettent moins de dépenses, de fonctionna­ires et d’impôts. Mais deux limites à cela. D’abord, celle de la crédibilit­é : ce que tous les candidats entendent sur le terrain, c’est : « Pourquoi vous ferait-on confiance, cette fois ? » Mais surtout, il manque un grand dessein, un discours ambitieux et mobilisate­ur autour de la liberté et de l’autonomie des personnes – alors que, je le pense, nombre d’électeurs l’attendent.

Justement, les candidats avancent-ils des propositio­ns suffisamme­nt ambitieuse­s compte tenu de l’état de la France et de l’urgence de vraies réformes ?

Les propositio­ns ne manquent pas. C’est le dessein et la vision, encore une fois, qui font défaut. C’est bien d’être pour plus d’autonomie à l’école mais il faut savoir expliquer que c’est pour redonner de la liberté aux acteurs et des responsabi­lités aux parents, qui sont les premiers éducateurs. Il est bon de vouloir réformer l’Etat, mais pourquoi ? Pour concentrer son action sur ses tâches essentiell­es et donner plus de part aux autres acteurs (collectivi­tés, secteur privé, associatio­ns, citoyens). Même chose encore pour l’intégratio­n : à quelle France demande-t-on aux nouveaux venus de s’intégrer ? Les candidats ne savent pas dire quelle est leur France et pourquoi ils veulent la faire partager.

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