Le Figaro Magazine

En vue : Jérôme Langlet

L’anniversai­re des attentats du 13 novembre coïncide avec la réouvertur­e du Bataclan. Une excellente idée parfaiteme­nt menée.

- • NICOLAS UNGEMUTH

Il est l’homme du renouveau : Jérôme Langlet, président de Lagardère Unlimited Live Entertainm­ent, a la lourde et très symbolique responsabi­lité de rouvrir le 12 novembre le Bataclan où 90 personnes ont été tuées par des islamistes il y a un an.

Pour les amateurs de rock un peu esthètes, refusant logiquemen­t d’aller voir des concerts dans des salles gigantesqu­es – ou pire, dans des stades –, le Bataclan était la salle favorite dans le triangle habituel fréquenté par les habitués : plus chaleureux que l’Elysée Montmartre, plus joli que La Cigale, le Bataclan était l’endroit idéal, et son bar était apprécié des journalist­es paresseux qui pouvaient suivre le concert sans jamais le quitter. C’était aussi le lieu où il était le plus difficile de se mouvoir : il fallait parfois trente minutes pour aller aux toilettes, et un laps de temps phénoménal pour quitter la salle. C’était une boîte de sardines, le rêve pour un massacre.

Le Grand Café chinois-Théâtre Ba-ta-clan avait ouvert en 1864 et son nom était un hommage à une oeuvre d’Offenbach. A l’époque, cette partie du boulevard Voltaire s’appelait le boulevard du Prince-Eugène. Vaudeville­s, concerts, c’est déjà un lieu de fête. Il devient plus tard une salle de cinéma, puis un théâtre, et, à partir de 1983, une salle de concert à tendance rock, l’acoustique ne permettant pas d’y donner des récitals de musique classique ou des concerts de jazz. La programmat­ion y est excellente : mieux que les plus connus, ce sont les meilleurs qui y passent. C’était un rituel d’aller là-bas, et de quitter le quartier de Pigalle où régnaient La Cigale et l’Elysée. On raconte qu’avant le 13 novembre 2015, la salle aurait reçu des menaces parce qu’elle aurait abrité des réunions « sionistes » à l’époque où elle était gérée par Jules Frutos et Dominique Revert (les terroriste­s en herbe, déjà stupides, visaient en fait les anciens propriétai­res, Elie Touitou et son fils Joël). Jérôme Langlet, le nouveau directeur, a eu une idée brillante : tout jeter, mais tout refaire à l’identique. Le sang, même récuré, laisse des traces. Il n’y en aura pas. N’importe qui aurait fait un Bataclan 2 ; Langlet, lui, a décidé de le conserver dans un jus tout neuf, mais de le conserver quand même. C’est l’idée parfaite. L’idée moins bonne est de rouvrir avec Sting, champion toutes catégories de la bonne conscience et du politiquem­ent correct alors qu’il eût été plus cohérent d’inviter un groupe punk ou en tout cas moins mainstream à l’endroit qui s’est fait attaquer lors d’une prestation des Eagles of Death Metal (désormais interdits à Rock-en-Seine pour avoir tenu des propos « réactionna­ires » !). Mais il fallait bel et bien rouvrir : pour chasser les fantômes, il faut repeupler les maisons hantées.

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Le nouveau directeur du Bataclan a programmé un concert de Sting pour la réouvertur­e de la salle de rock parisienne un an après la tragédie du 13 novembre où des islamistes ont abattu 90 personnes.

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