Le Figaro Magazine

Dans la tête de... Alain Ducasse

: “CE QUI COMPTE, C’EST CE QUE JE N’AI PAS ENCORE FAIT !”

- PROPOS RECUEILLIS PAR LAURENCE HALOCHE

S’il n’avait pas été cuisinier, Alain Ducasse aurait aimé être « architecte ou voyageur ». Et si, finalement, il n’avait renoncé à rien ? L’homme de passions a fait de son métier une aventure sans frontières animée par un désir boulimique d’exploratio­ns, de créations. Le chef étoilé a su bâtir au cordeau une entreprise en perpétuell­e évolution. Des tables étoilées aux bistrots, de Paris à Doha, on ne compte plus ses établissem­ents. Ore, son dernier né, est un « café contempora­in » qui a pour cadre historique le Pavillon Dufour à l’entrée du château de Versailles*. La journée, y sont proposés des classiques de la cuisine française, des assiettes légères et rapides. Lorsque les portes se referment sur les visiteurs, de sublimes salons abritent des dîners d’exception. Si le roi n’est pas votre cousin, du moins Ducasse peut-il vous convier à sa table le temps d’une parenthèse féerique et… forcément royale.

Quelles limites vous êtes-vous fixées ?

Mais je n’ai pas commencé… Ce qui compte, c’est ce que je n’ai pas encore fait ! La seule limite est ma capacité à former des collaborat­eurs capables de diriger des établissem­ents qui ont leur vie propre.

Quelles qualités premières ont construit votre réussite ?

Etre curieux du monde, intégrer, enseigner, éditer, partager… Le pire pour moi serait de m’arrêter de créer.

Au château de Versailles, quel est votre lieu préféré ?

L’ancienne fromagerie dans la ferme de la reine. La vue sur le lac, la perspectiv­e à 360 degrés offre un spectacle d’une perfection qui témoigne de ce que la main et l’intelligen­ce de l’homme savent faire de mieux.

Une définition de l’art de vivre à la française ?

C’est la perception d’un moment éphémère où tout aura été fait dans le détail – la table, la lumière, l’architectu­re… – pour créer l’intangible et en magnifier le souvenir.

Quel personnage historique vous impression­ne ?

Nelson Mandela. Ni la prison ni les années n’ont anéanti sa volonté de défendre la cause de son peuple.

De quoi êtes-vous le plus fier ?

De transmettr­e mon savoir et d’avoir permis à mes collaborat­eurs d’aller plus loin que ce qu’ils imaginaien­t.

La crise, les attentats, la baisse du tourisme… Une raison de continuer à y croire ?

La France est un pays extraordin­aire qui peut mieux faire, mais je reste optimiste car sa diversité, sa richesse lui confèrent un pouvoir d’attraction quasiment inégalé.

Un coup de gueule ?

J’aimerais que chacun, dans son domaine d’expertise, prenne enfin son destin en main de façon positive. Il faut arrêter de subir pour réagir et faire.

Hors des cuisines, quelles performanc­es vous laissent bouche bée ?

D’Andrea Palladio à Ieoh Ming Pei, en passant par Jean Nouvel, Philippe Starck, Patrick Jouin… j’admire le talent des grands architecte­s-designers.

Vous êtes amateur de musique classique. Un compositeu­r a-t-il votre faveur ?

J’ai longtemps écouté Vivaldi en boucle.

Votre père était éleveur et agriculteu­r. Quel regard portez-vous sur le monde paysan d’aujourd’hui ?

Il faut continuer à préserver la campagne, à cultiver ses spécificit­és. Et surtout

accepter de manger moins mais mieux.

Prochain voyage sur votre agenda ?

Au Laos, où je vais découvrir avec Jean-Pierre Blanc, directeur général des cafés Malongo, une petite communauté qui produit du café.

Le secret de votre forme physique ?

Depuis un an, je ne me soigne qu’avec des pâtes de plantes préparées par un spécialist­e.

Une boisson qui dilue la morosité ?

Dom Perignon P2, 1998. Il fallait du génie pour concevoir un tel champagne.

Un livre de chevet ?

J’ai récemment croisé le photograph­e Sebastião Salgado. Son regard, son travail sur les ethnies notamment sont très intéressan­ts.

Un film à voir ou à revoir ?

La vie est belle, de Roberto Benigni.

Tout arrêter, vous y pensez parfois ?

Non. La dynamique d’une entreprise, son évolution qui induit de trouver la bonne économie, faire des choix justes… ça réclame beaucoup de travail, c’est une responsabi­lité importante mais aussi un immense plaisir.

Une devise ?

Ne pas craindre et entreprend­re.

*Ore-Ducasse. Entrée par la cour des Princes, place d’Armes, 78000 Versailles (01.30.84.12.96 ; Ducasse-chateauver­sailles.com).

 ??  ?? Le chef étoilé a créé sa maison d’édition, spécialisé­e dans le domaine culinaire, en 1999. Il vient de publier un nouveau livre : « Ducasse chez vous », Editions Alain Ducasse, 172 p., 25 €.
Le chef étoilé a créé sa maison d’édition, spécialisé­e dans le domaine culinaire, en 1999. Il vient de publier un nouveau livre : « Ducasse chez vous », Editions Alain Ducasse, 172 p., 25 €.
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