Le Figaro Magazine

Lecture-Polémique

- JEAN SÉVILLIA

Le premier choc de ce livre vient de son titre, Ainsi, Dieu choisit la France, autant que de son sous-titre qui se détache sur un bandeau rouge : La véritable histoire de la fille aînée de l’Eglise. Dieu, la France, la fille aînée de l’Eglise, voilà des mots rarement associés au sein des cercles dirigeants auxquels appartient l’auteur. Conseiller d’Etat depuis 2012, Camille Pascal a été collaborat­eur de plusieurs ministres, directeur de cabinet de Dominique Baudis au CSA, secrétaire général du groupe France Télévision­s et enfin, de 2011 à 2012, conseiller du président de la République, Nicolas Sarkozy, pour qui il a préparé maints discours : une tranche de vie qu’il a racontée dans Scènes de la vie quotidienn­e à l’Elysée (Plon, 2012). D’où vient-il, ce fameux titre ? D’une lettre écrite par le pape Grégoire IX, en 1239, au roi Saint Louis : « Ainsi, Dieu choisit la France de préférence à toutes les autres nations de la terre pour la protection de la foi catholique et pour la défense de la liberté religieuse. Pour ce motif le royaume de France est le royaume de Dieu ; les ennemis de la France sont les ennemis du Christ. » On savait Camille Pascal catholique, mais on ne s’attendait pas à lire sous sa plume une évocation des grandes heures de la France chrétienne, et surtout pas dans le ton du catholicis­me d’autrefois. Il s’en explique dans une savoureuse introducti­on dans laquelle il rappelle que, naguère, même l’école de la République donnait leur place aux figures de la France catholique en les laïcisant (en louant par exemple saint Vincent de Paul, le défenseur des pauvres, sans insister sur ce que son oeuvre devait à sa foi). Camille Pascal assure encore que la vocation universali­ste du pays des droits de l’homme était la version profane de « la mission divine de la France ». Or de nos jours, déplore-t-il, il est devenu « presque inconvenan­t » de convoquer dans un cadre scolaire le souvenir de Clovis, des croisades ou de Jeanne d’Arc. Aussi souhaite-t-il non seulement faire redécouvri­r un passé qui n’est plus transmis, mais encore, lui, l’agrégé d’histoire qui a enseigné à la Sorbonne et à l’EHESS, réagir contre les milieux universita­ires qu’il a côtoyés. « C’est en réaction à un demi-siècle de domination structural­iste, précise l’auteur, à ce qui m’a été en- seigné pendant des années dans des sommes assommante­s, lues comme autant de bibles sur les bancs de la Sorbonne, que j’ai voulu écrire ce livre. » Dans cet ouvrage, Camille Pascal, doublement provocateu­r, recourt en effet au récit à l’ancienne, ne méprisant pas ce qu’il nomme « les joies simples des livres d’images et de l’histoire subjective » et, exaltant les héros et les saints, s’inscrit sans complexe dans la tradition désormais vilipendée du roman national.

Voici donc, dans un récit haut en couleur, le baptême de Clovis, le couronneme­nt de Charlemagn­e, le rachat de la couronne d’épines par Saint Louis, l’affronteme­nt entre Philippe le Bel et le pape Boniface VIII, la chevauchée victorieus­e de la Pucelle d’Orléans, le fossé de sang entre catholique­s et huguenots creusé par la nuit de la Saint-Barthélemy, le voeu de Louis XIII, le Concordat entre Pie VII et Bonaparte, la bataille de la loi de séparation des Eglises et l’Etat. Dans chacun de ces chapitres, menés avec brio, s’écrit une page de la longue relation de la France avec le christiani­sme.

« Ce livre est là, souligne Camille Pascal, pour rappeler que la foi en Dieu a été, pendant près de quinze siècles, le vrai moteur et la seule justificat­ion de ceux qui gouvernaie­nt en France. » L’auteur l’analyse comme une donnée historique devant être acceptée par les noncroyant­s. Son ouvrage est-il pour autant un pur livre d’histoire ? Pas complèteme­nt, en ce sens qu’il se joue çà et là des preuves et des sources afin de conforter la cohérence de son propos. A vrai dire, sans l’avouer, ce livre est aussi un livre d’actualité. En scrutant notre passé chrétien, en s’interrogea­nt sur le « destin particulie­r de la France », Camille Pascal, qui rappelle qu’après la Grande Guerre, « la République reste laïque, la France catholique », pose la question de savoir si l’homme peut se passer de transcenda­nce, et si une société peut tenir ensemble sans une foi commune qui la dépasse. Au sens noble du terme, c’est une question éminemment politique.

Ce livre est aussi un livre d’actualité

Ainsi, Dieu choisit la France, de Camille Pascal, Presses de la Renaissanc­e, 350 p., 18 €.

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