“ALAIN JUPPÉ EST PLUS NORMALIEN QU’ÉNARQUE”
titre personnel, plutôt optimistes, voyez la natalité, mais avec une représentation collective du destin national devenue très négative. Il existe une France duale, celle qui s’ébroue très bien dans la modernité, l’Europe, le monde, et une France des laissés-pourcompte. Gouverner, c’est rendre du possible souhaitable, faire en sorte que la France en forme entraîne la France en panne. »
Je lui demande si l’action publique n’est pas aujourd’hui, si louables soient ses intentions, compromise par l’hystérisation, le poujadisme télématique, les mises à mort câblées. Il acquiesce : « Franchement, je ne sais pas comment on peut arrêter ça. Vous avez vu le niveau de la campagne présidentielle américaine ? C’est mondial. A mon avis, pour deux raisons. Compte tenu de l’élévation du niveau d’éducation moyen, les citoyens n’ont plus envie qu’on leur raconte des salades et veulent avoir leur mot à dire sur tout, souvent avec virulence. Or, toute opinion vindicative n’est pas synonyme de pertinence. L’autre raison, c’est la pression insupportable de l’information en continu, on veut la réaction instantanée, on vous tend le micro sans laisser à quiconque le temps de la réflexion. Et puis il y a le mensonge, la calomnie. J’ai entendu dire que j’étais salafiste, antisémite, que j’ai construit à Bordeaux la plus grande mosquée de France. Que voulez-vous y faire ? »
Une réponse, ce serait peut-être de renverser
certaines priorités. Je lui soumets la phrase bien connue de Jean Monnet qui résumait ainsi le bilan de son action européenne : « Si c’était à refaire, je commencerais par la culture. » Alain Juppé opine : « J’ai proposé une conférence des consciences européennes pour poser la question du patrimoine commun. Un projet politique devrait commencer, en Europe, par une réflexion sur la civilisation. » Là, on devine la strate inaugurale, l’encre bleue de l’ancien khâgneux. Se sent-il plus normalien qu’énarque ?