UN MONDE CLOS OÙ LE PROTOCOLE EST INEXISTANT
grésillent dans tous les casques oubliés sur les fauteuils, formant un tapis de bruissements confus. Le débat démocratique résonne au creux des oreilles absentes d’Européens élus. Au dehors, les passerelles qui relient les différents bâtiments entre eux ont été récemment recouvertes de grands posters photos en vue de mieux incarner l’Europe qui reste, pour beaucoup de citoyens, encore trop indéfinie. Des clichés présentent Martin Schulz, tout sourire, serrant la main de Ban Ki-moon et de chefs d’Etat difficilement identifiables : « C’est étrange, s’amuse le journaliste Bruno Waterfield, correspondant du Times à Bruxelles, cela me donne l’impression que les institutions européennes sont habitées par les mêmes angoisses que les Soviétiques ! »
L’atrium du Parlement ressemble à un vaste hall de gare
avec chauffage et moquette. Dans cet aquarium où les poissons circulent vite, le néophyte cherche l’air. On reconnaît un gros poisson, un ministre en visite par exemple, à son absence de badge nominatif plastifié autour du cou et à l’essaim de conseillers pressés qui l’accompagnent, dossiers polychromes sous le bras. Le protocole est absent, petits et grands pays sont logés à la même enseigne. L’éclaireur de l’équipée donne la cadence et ouvre la voie du labyrinthe : « Passons par cette rampe-là, c’est un raccourci qui nous mènera directement au 2G7 du bâtiment Paul-Henri Spaak pour la réunion de groupe. »
Ce monde clos, avec ses codes et ses rites, manquera peut-être aux Anglais. En attendant, les plus virulents Le 6 octobre, au Parlement de Strasbourg, Steven Woolfe s’écroule après une altercation avec un autre député de l’Ukip.
semblent déterminés à l’empêcher de ronronner. La rixe qui a mis aux prises deux membres de l’Ukip le 6 octobre dernier continue de faire jaser. De mémoire d’eurocrate, jamais on n’avait vu un eurodéputé s’effondrer sur une passerelle après le combat. L’altercation entre les parlementaires avait eu lieu deux heures plus tôt « sans témoins », derrière la porte d’une salle de réunion du bâtiment principal de Strasbourg. De fait, alors que le parti a toutes les raisons de jubiler après le vote du 23 juin en faveur d’une sortie de l’UE, cet incident révèle la crise existentielle dans laquelle il semble s’enfoncer. L’inoxydable Farage qui avait pourtant démissionné en juillet une fois son objectif atteint, reste malgré lui le chef inégalé d’un parti à cran. « Dans dix ans, rêve-t-il à voix haute, j’espère qu’il n’y aura plus d’Union européenne, plus de drapeau étoilé, plus d’hymne, plus de Commission, plus de Parlement. Tout ce système a été mis en place par Jean Monnet, un bureaucrate qui n’aimait pas la démocratie. » Décidément, dans leurs excès, il faut bien le reconnaître, les Britanniques risquent de nous manquer. * L’article 50 du traité de Lisbonne, signé en 2007 et entré en vigueur en 2009, introduit la clause de retrait et stipule que