Le Figaro Magazine

INTERNET

Cultiver son image digitale à partir d’applis ou de films sur le web, inciter les bloggers à publier des images valorisant­es… Tels sont les nouveaux défis des marques.

- PAR STÉPHANE REYNAUD

D’un côté la viticultur­e, un rythme annuel intimement lié à celui des saisons et de la nature, des histoires de famille, des connaissan­ces empiriques. De l’autre, le royaume de l’immatériel, de l’instantané, des lignes de code, la mémoire courte et l’éphémère. Les apprentis sorciers qui tentent un rapprochem­ent forcé entre deux mondes que tout oppose risquent de marier la carpe et le lapin. Eviter les chausse-trapes du jeunisme et de la branchitud­e demande clairvoyan­ce, audace et mesure. En la matière, Krug, une des maisons les plus respectées de Champagne, joue depuis quelques années les défricheur­s. C’est Maggie Henriquez, sa présidente, qui a senti le profit que la marque pouvait tirer d’un virage high-tech habilement négocié. Dès 2011, elle a lancé le Krug ID. De quoi s’agit-il ? D’un numéro à 6 chiffres imprimé sur la contre-étiquette de chaque bouteille qui, une fois rentré sur l’applicatio­n pour smartphone de la marque, donne la fiche d’identité de chaque flacon. Tout y est, de la date à laquelle la bouteille a quitté la cave au nombre de vins et de millésimes qui sont entrés dans l’assemblage, jusqu’au pourcentag­e de chaque cépage entrant dans l’assemblage final. Voilà les puristes les plus pointilleu­x servis. Sur sa lancée, la maison, historique­ment dirigée par des mélomanes, a lancé il y a deux ans une applicatio­n – qui n’est pas disponible en France pour des raisons légales – proposant des associatio­ns entre ses vins et des playlists concoctées par des musiciens profession­nels. Une appli qui participe à un programme de recherche plus large sur le thème de l’impact que peut avoir la musique sur la perception du goût. Passionnan­t.

Avec ces innovation­s, ou en marge de ces dernières, le champagne est aussi entré récemment dans le monde des réseaux sociaux. Facebook, Instagram, Snapchat ne manquent pas d’intérêt pour mettre en avant le vin blond auprès d’une population plus large et plus jeune. En juin dernier, la marque Mumm, sous l’impulsion de César Giron (aussi à la tête de Martell Mumm Perrier-Jouët), créait ainsi l’événement en ligne avec un raout impression­nant : à l’occasion de la présentati­on de son nouveau flacon – designé par Ross Lovegrove – à New York, la maison avait convié une assemblée de blogueurs et de célébrités à la projection d’un film (photos). Le court-métrage mettait en scène la bouteille dans une ambiance digne de James Bond, avec en tête d’affiche Kellan Lutz, héros de la série Twilight. Un dispositif de premier ordre destiné à séduire les internaute­s. Opération réussie. En quelques minutes, le petit aréopage d’instagrame­rs et de twittos déclenchai­t une belle effervesce­nce sur le web. Ce même phénomène a pu être observé chez Ruinart, qui accueillai­t une population similaire lors de ses dernières vendanges.

Si tous les Champenois ne mettent pas en place

de telles actions, tous observent de près ce qui se trame en ligne. D’autant plus qu’avec le hashtag, le post ou l’instagram, la route qui conduit à l’achat est désormais de plus en plus courte. L’internaute ou le mobinaute séduit par un visuel ou une ambiance de champagne peut commander en deux clics l’objet de son désir. Le principe du « see now buy now », l’acte d’acquisitio­n immédiat, qui est en train de changer les habitudes du prêt-à-porter, trouve sa traduction en Champagne avec des applis performant­es. Plus que jamais, il s’agit d’avoir une belle image en ligne. Pour cela, les marques doivent adapter leur discours et le renouveler, sans se trahir. Personne n’a dit qu’il s’agissait là d’un exercice facile.

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