“POUR LA GAUCHE, L’ENJEU DE LA PRIMAIRE EST PLUS MODESTE QUE POUR LA DROITE”
JÉRÔME JAFFRÉ Le politologue * estime peu probable que la primaire de la gauche tourne au référendum pro ou anti-Valls.
Le Figaro Magazine – La primaire à droite a suscité un engouement spectaculaire. Vous attendezvous à une meilleure mobilisation que prévu pour celle de gauche ? Jérôme Jaffré – Avec 4 millions de votants, la droite a placé la barre très haut. Elle a permis à un électorat exaspéré par le quinquennat socialiste de s’exprimer. Pour beaucoup d’électeurs, il s’agissait ni plus ni moins de désigner le prochain président de la République. Pour la gauche, l’enjeu est plus modeste. Il s’agit de choisir celui qui portera les couleurs. Le niveau de participation de la primaire à droite paraît hors de portée et je doute même que celle de gauche puisse retrouver les 2,8 millions de participants qui s’étaient déplacés en 2011 pour le choix entre Hollande et Aubry. Il reste que cette nouvelle primaire du PS aura atteint son objectif si elle compte déjà 2 millions de votants. A partir de ce niveau, le vainqueur pourra bénéficier d’un élan suffisant pour affronter une bataille qui de toute façon s’annonce très difficile. Est-ce la primaire, que François Hollande avait acceptée, qui l’a finalement contraint à renoncer ?
C’est probable. S’il avait été candidat, la primaire devenait un référendum pour ou contre le Président sortant. Elle l’exposait au risque d’être battu. Et il a vu avec l’éviction de Sarkozy ce qu’il en est ces temps-ci de la violence électorale. Mais je pense que l’argu- ment décisif pour lui a été de ne pas se mettre en situation de voir pendant des heures de débats télévisés le bilan de son quinquennat taillé en pièces par sa propre famille politique, tous ses concurrents étant coalisés contre lui. Le retrait de François Hollande redonne-t-il un intérêt à cette primaire ? Maintenant que le Président a renoncé, la primaire retrouve un statut plus normal : celui de désigner démocratiquement le candidat le plus à même de représenter son camp. Et compte tenu de l’impopularité des socialistes, elle cherche à donner une légitimité et une force à celui qui sera choisi.
Est-ce une solution pour résoudre la crise idéologique à l’intérieur du PS ? Je n’irai pas jusque-là. Cette crise idéologique a résisté à tout depuis plus d’un siècle ! Tout simplement parce qu’elle est inscrite dans le coeur même du socialisme réformiste et de sa tension permanente entre un idéal de transformation et un réel fait de contraintes et de difficultés.
Face à la candidature de Valls, envisagez-vous la surprise d’un outsider dans la primaire, comme Montebourg, plus en phase avec le coeur électoral de la gauche ?
Soyons prudents sur les pronostics ! Nous avons vu avec la primaire à droite que les changements dans le choix des candidats peuvent survenir jusqu’au dernier jour. La grande question est de savoir sur quel critère les électeurs voteront. A droite, on a choisi les valeurs et celui qui les mettait le plus en avant. A gauche, en