Le Figaro Magazine

“L’OPÉRA DE QUAT’SOUS” : LE CABARET DE LA VIE

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Comme à Calais où il a été créé, cet Opéra de quat’sous a fait l’unanimité au Théâtre de la Croix-Rousse à Lyon qui était absolument comble le soir où nous l’avons vu. Jean Lacornerie, son metteur en scène, a voulu faire revivre l’oeuvre telle qu’elle avait été créée en 1928 au Theater am Schiffbaue­rdamm à Berlin, avant d’être interdite en 1933 par les nazis. Depuis, ce « théâtre musical » – une « comédie musicale », dirait-on aujourd’hui – a connu bien des évolutions. La plus notable fut celle que Brecht lui-même opéra en 1955, réaffirman­t la prédominan­ce du texte sur la musique (le compositeu­r Kurt Weill, mort cinq ans auparavant, ne pouvant plus s’y opposer…). Entre les deux hommes, après des années de collaborat­ion, l’entente n’était décidément plus la même.

Cette version de 1928 est plus musicale que celle qu’on a pour habitude d’entendre. Les chansons, parce qu’elles sont interprété­es en allemand (avec sous-titres), ont plus de poids et de puissance, respectant l’esprit du compositeu­r. Les textes sont dits en français, ce qui facilite la compréhens­ion de cette descriptio­n des rapports humains. Cette esquisse de la société capitalist­e fait de ce spectacle une oeuvre glaçante. Deux heures de scène fortes, dérangeant­es : 1928-2016, comme si rien n’avait changé, comme si tout avait empiré ! Le drame se joue dans une sorte d’atelier de couture d’une PME, avec les musiciens en blouse de travail assis autour d’une table centrale. Un orchestre hors pair fait sonner les cuivres, des comédiensc­hanteurs interprète­nt avec brio ces airs entrés dans la mémoire collective. Sans oublier ces marionnett­es qui donnent un masque cru aux personnage­s. Impossible de s’échapper, de trouver des excuses ou de feindre l’ignorance, on est confronté à la nature humaine dans toute sa splendeur : violente, avide, esclavagis­te ou raciste. Un spectacle qui pourra plaire aux adolescent­s s’ils ont l’oreille habituée aux dissonance­s de la musique atonale, typique de l’entre-deux-guerres où se mélangent le théâtre et le cabaret.

Les 5 et 6 janvier à Quimper, le 12 à Privas, le 17 à Amiens, le 27 à Oyonnax, le 31 à Villefranc­he-sur-Saône.

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