L’EFFET DU PRINCE
En ce début de nouvelle année, l’usage veut que l’on prenne de bonnes résolutions. Pour devenir plus sage et plus intelligent, pourquoi ne pas décider de lire Mes écarts ou Ma tête en liberté du prince de Ligne, enfin publié dans son intégralité dans une superbe version via l’excellente nouvelle collection des Belles Lettres, « Classiques favoris ». Son directeur, Maxence Caron, résume à la perfection la singularité de l’auteur, né en 1735, mais qui aura attendu la fin de sa vie (il est mort en 1814), au début du XIXe siècle, pour écrire ce texte superbe. « Le prince de Ligne est, dit-il, l’ultime grand moraliste de langue française : Ma tête en liberté porte à son dernier mot le génie d’une tradition inaugurée par La Rochefoucauld. » Mais ce Belge à la carrière militaire exercée au service de l’Autriche, né Charles-Joseph de Ligne, n’avait pas la méchanceté d’un Chamfort ou d’un Rivarol. Ayant vu passer la Révolution et son cortège de facéties, il a, au moment d’écrire ces pensées, la sagesse d’un homme de l’ancien temps survolant le nouveau. Ami de Casanova, le mémorialiste génial fut admiré par certains des plus brillants esprits des années à venir : Barbey - dont on connaît l’infernale exigence - le vénérait, tout comme Byron, puis, plus tard, Morand, tous émerveillés par des phrases comme : « Les sots savent tout et ne savent rien, mais ils parlent de tout également, et quelquefois assez bien pour que les sots de la seconde ligne les admirent, et étonner les gens d’esprit qui s’aperçoivent pourtant qu’ils n’en ont pas. » Olé !
du prince de Ligne, Les Belles Lettres, 366 p., 29 €.