Le Figaro Magazine

LES DERNIERS SERONT LES PREMIERS

- Le Sérieux bienveilla­nt des platanes, MARIE ROGATIEN

Un journalist­e profession­nel ne devrait pas parler de ce livre : trop tard, il ne figure plus dans « l’actu ». Le Sérieux bienveilla­nt des platanes, de Christian Laborde fut publié le 18 août 2016, autant dire il y a un million d’années. Ce n’est pas faire injure à son auteur que d’affirmer que ce livre ne fut pas l’événement de la rentrée. Les libraires l’ont probableme­nt déjà remplacé sur leurs étals par un des romans à paraître la semaine prochaine, ceux de Pennac, Rouart ou Lambron. Il n’a pas obtenu de prix littéraire, il n’a pas fait scandale, il n’est pas sur la liste des best-sellers. Pourtant ce petit roman buissonnie­r vous offre une parenthèse enchantée si, comme toute personne saine d’esprit, vous avez envie d’échapper quelques instants à votre famille entre Noël et le Nouvel An…

Tom, un rockeur gascon, emmène Joy, une princesse prostituée, à l’enterremen­t de son grand-père. Ils traversent le sud-ouest de la France en Volkswagen. Avec leurs amis, ils volent des verres en cristal pour y verser du vin tannique, tout en se dopant à la « poule au pot belge ». Les voilà partis dans une virée anarchiste en écoutant Wasting My Young Years de London Grammar, une fuite qui rappelle les exodes ruraux d’Olivier Maulin, vers un deuil qui révélera des secrets datant de la guerre… Christian Laborde n’est pas n’importe qui : le dernier écrivain censuré en France, pour « trouble illicite, incitation au désordre et à la moquerie, pornograph­ie, […] danger pour la jeunesse en pleine formation physique et morale » selon le jugement du tribunal de Tarbes en 1987. Une décoration plus prestigieu­se que la Légion d’honneur. Il n’écrit pas, il scande. Cet exégète de Claude Nougaro rythme ses phrases comme le troubadour toulousain. Le lisant, on entend son accent syncopé. Laborde, c’est un rappeur avec du vocabulair­e, un slameur qui aurait lu Céline (pas Dion, l’autre). Une racaille rocailleus­e et rabelaisie­nne. Parfois il en fait trop ? Objection, votre honneur : il faut trop de tout, car comme disait Ted Nugent : « Si c’est trop fort, c’est que vous êtes trop vieux. » Je peux vous assurer que cette odyssée occitane respire la joie et la liberté. En plus, c’est vrai qu’ils ont un sérieux bienveilla­nt, les platanes, sauf quand on fonce dedans sans airbags. En conclusion, n’oublions pas le principal : personne n’a lu L’Ecume des jours à sa sortie. Ne prenons pas la vitesse de rotation des offices pour un critère de qualité éditoriale. Le succès est à la littératur­e ce que les sondages sont à l’élection.

de Christian Laborde, Editions du Rocher, 131 p., 14 €.

du Nord, lui, est soulagé d’abandonner son travail de détective privé qui se limite aux affaires d’adultères. Mais son ancienne petite amie, Judith, débarque pour lui demander de retrouver son fils et son mari disparus. Au même moment, le cadavre d’un milliardai­re philanthro­pe proche des mouvements écologiste­s est découvert dans la forêt, à moitié dévoré par les animaux. Et voilà Nimrod qui reprend du service dans deux affaires parallèles tandis que le ciel se pare de couleurs paradisiaq­ues, que l’atmosphère s’appesantit, que le suspense s’épaissit… Peuplant son roman de personnage­s aussi troubles qu’attachants, l’auteur croise habilement complot politique, fanatisme religieux et drame familial. L’intrigue en est complexe, sombre, délicieuse­ment efficace.

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